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Durant le confinement, Richard Gotainer, chanteur-compositeur bien connu des aficionados de la chanson française, décida de mettre en ligne une interprétation non chantée de certains des titres qui firent sa notoriété à la fin du siècle dernier.

Une fois sorti du marasme épidémiologique, l’artiste nous en propose une version sur les planches, toujours pas chantée, mais interprétée et mimée par ses soins, avec l’aide du guitariste Brice Delage.

Bien lui en a pris.

La récitation, c’est un peu l’épreuve de vérité pour l’écriture d’un morceau, car sans les ornements de l’interprétation chantée, l’exercice peut vite tourner en ridicule les titres les plus convaincants mélodiquement.

Il fallait donc un certain courage à Gotainer pour relever le défi et revisiter son œuvre de cette manière originale. Et il se trouve que celle-ci tient remarquablement bien la route, et nous livre une “petite musique“ un peu différente, sans qu’il soit besoin de regretter que l’auteur de Tout foufou ou du Sampa se mette à chanter ou fredonner des airs qui sont restés dans toutes les oreilles.

Gotainer s’exprime bien sûr avec sa gouaille et sa dégaine qui rappelle le Lucien et autre Ricky Banlieue dessinés par Frank Margerin. Mais il dégage aussi une sincérité et une sensibilité sans artifice. Il est un interprète convaincant et convaincu de ses textes : expressif, Gotainer alterne la bienveillance envers ses Trois papis, avec un comique irrésistible lorsqu’il tente de dresser son Youki (voir l’extrait plus bas). Il chasse avec une obstination désopilante les moustiques qui s’en prennent à son auguste couenne aussi bien qu’il nous émeut, lorsqu’il relate les hauts et les bas d’une liaison dans le medley des quatre saisons de l’amour (extrait des Chants zazous, 1982, son album le plus accompli), ce sans jamais ne serait-ce que chantonner les airs qui l’ont rendu célèbre…

Le madré Gotainer sait s’entourer, et son guitariste est un petit prodige qui sait tout faire avec son instrument, sans être trop intrusif non plus et enfreindre la clause de refus du concert à la base de ce spectacle.

La preuve de sa réussite est que le public, certes conquis d’avance, ne lui tient absolument pas rigueur de tourner le dos à l’interprétation chantée des titres restés dans toutes les mémoires.

Que le grand crick me croque s’il y en a une !

Ainsi donc Gotainer « ramène sa phrase », et il a bien raison de le faire, car son spectacle met en valeur le soin tout particulier que ce subtil parolier met à la composition de ses morceaux.

De la belle ouvrage en somme, qu’il serait dommage de manquer à l’occasion des fêtes de fin d’année !

« Qu'est-ce qu'il a fait là ? Oh là, le vilain !
Kiki a mangé des bouts de caca !
Non, mais des fois, oh ! vilain tout plein !
Non, mais Kiki qui est-ce qui m'a fichu ça ?
Veux-tu venir ici gros dégoûtant !
Et pas bouger, assis, debout, couché !
À son panier, oh, le méchant !
Va te coucher, son pépère est fâché
Kiki t'as vu, pépère est en colère,
Le pépère à Youki fait les gros yeux !
Viens voir ici, viens voir sa mémère,
Avec mémère on n'est pas malheureux !

Le plus cucul, hein, c'était qui ?
Mais qui c'est y des deux le plus neuneu ?
Le plus neuneu, hein, c'était qui ?
C'est qui, c'est qui le plus cucul des deux ?
C'est qui, hein, c'est qui ?
C'est qui, hein, c'est qui ? »

Le Youki

Richard Gotainer est une signature reconnue de la chanson française depuis les années 1980, au cours desquelles son talent vient à maturité et s’impose, à grand renfort de clips s’inspirant souvent de l’esthétique publicitaire d’alors (Jean-Paul Goude).

Il compose les textes de chansons qui, dès Primitif (1980), rencontrent un grand succès, leur écriture musicale étant assurée par Claude Engel, un compositeur prolifique qui collabora aussi bien avec Magma et les Sex Pistols, qu’avec Véronique Sanson, Catherine Lara, ou le grand jazzman français Bernard Lubat.

Il a également écrit de nombreuses silly melodies pour la publicité : qui ne se souvient du jingle du fromage Belle des champs (1980) ? On le retrouve également au générique du Maître d’école, avec Coluche (1981), dont il chante le titre éponyme.

Si ses sources d’inspiration sont multiples, l’univers de Gotainer lorgne tant du côté de Marcel Gotlib, devenu son ami, que de Tex Avery ou des Marx Brothers - qui n’eurent pas le temps de le devenir - mais auxquels il rend un hommage appuyé dans ce spectacle. Il nous renvoie aussi au Tintin des injures du capitaine Haddock.

QOSHE - "Gotainer ramène sa phrase" de Richard Gotainer : dans l’outrance et la finesse - Jean Ruhlmann
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"Gotainer ramène sa phrase" de Richard Gotainer : dans l’outrance et la finesse

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18.12.2023

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Durant le confinement, Richard Gotainer, chanteur-compositeur bien connu des aficionados de la chanson française, décida de mettre en ligne une interprétation non chantée de certains des titres qui firent sa notoriété à la fin du siècle dernier.

Une fois sorti du marasme épidémiologique, l’artiste nous en propose une version sur les planches, toujours pas chantée, mais interprétée et mimée par ses soins, avec l’aide du guitariste Brice Delage.

Bien lui en a pris.

La récitation, c’est un peu l’épreuve de vérité pour l’écriture d’un morceau, car sans les ornements de l’interprétation chantée, l’exercice peut vite tourner en ridicule les titres les plus convaincants mélodiquement.

Il fallait donc un certain courage à Gotainer pour relever le défi et revisiter son œuvre de cette manière originale. Et il se trouve que celle-ci tient remarquablement bien la route, et nous livre une “petite musique“ un peu différente, sans qu’il soit besoin de regretter que l’auteur de Tout foufou ou du Sampa se mette à chanter ou fredonner des airs qui sont restés dans toutes les oreilles.

Gotainer s’exprime bien sûr avec sa gouaille et sa dégaine qui........

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