Temps de lecture: 3 min

À chaque fois que je reviens dans la capitale, je suis tout à la fois frappé et amusé de constater à quel point toutes les conversations tournent autour d'Anne Hidalgo. On dirait un jeu de massacre comme une obsession collective où sa simple évocation provoque une ribambelle d'avis négatifs, de récriminations si acerbes qu'on en vient à se demander par quel miracle elle siège encore à l'Hôtel de ville.

Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais entendu personne louer ses qualités ou lui décerner un quelconque satisfecit. À écouter mes interlocuteurs, elle a fait de Paris une antichambre de l'enfer, un égout à ciel ouvert où rien ne va, du métro aux voies de circulation, sans parler de la multiplication des travaux qui transforment chaque déplacement en un vrai parcours du combattant, une ode à la débrouillardise et à la patience.

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Une vraie fée Carabosse dont la mission suprême serait d'empoisonner le plus possible la vie des Parisiens, c'est ainsi qu'elle m'apparaît, créature démoniaque qui régnerait sur la ville comme un augure malfaisant, une puissance du mal prête à toutes les compromissions pour faire de Paris l'incarnation même du désordre et de la déshérence urbaine.

À dire vrai, j'ai rarement vu une personne en charge des affaires publiques cristalliser autant de ressentiment, de haine à son égard. Même François Hollande au sommet de son incurie n'avait pas eu droit à un tel déluge de critiques. Serait-ce l'approche des Jeux olympiques, avec leur cortège de problèmes infinis, qui exacerberait ainsi le ressenti des Parisiens, ou bien alors, est-ce sa personne même, son mode de gouvernance, ses initiatives qui ont fini par la rendre aussi impopulaire, aussi insupportable aux yeux de ses administrés?

Et pourtant, et c'est là que je me perds en explications, elle a été réélue il y a moins de trois ans! À ce que je sache, ce n'était pas un coup d'État. Ni un résultat obtenu grâce à je ne sais quelles manigances entachées d'irrégularités. Certes, le système électoral en œuvre à Paris est tout sauf limpide, prompt à déjouer tous les pronostics, mais jamais personne, me semble-t-il, n'a été élu sans disposer d'une réelle assise parmi la population.

Alors quoi? Est-ce un délit de sale gueule ou bien une mode qui cristallise les passions au point d'engendrer une sorte d'irrationalité, de perte totale d'objectivité quand par principe et pour épouser la vox populi on se complaît à figurer comme le plus farouche de ses détracteurs? Une capillarité de l'opinion qui finit par gagner chacun et où on n'oserait même plus prendre sa défense tant pareil jugement apparaîtrait comme une provocation.

Paris, dans mon souvenir, n'a jamais été une ville facile ni agréable à vivre au quotidien. Sa densité, sa géographie, son caractère étroit et ramassé allié à la légendaire incivilité de ses habitants, sa pollution, son trafic, son bruit, ses axes de circulation, son absence d'espaces verts, me sont toujours apparus comme autant d'obstacles à faire d'elle une oasis de calme et de tranquillité.

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Vivre à Paris a toujours été une sorte d'enfer, une négation de ce que devrait proposer une ville considérée comme un espace de vie et de détente. Serait-ce que nos sensibilités ont changé, nos priorités aussi, que nos préoccupations écologiques nouvelles, notre défiance vis-à-vis d'un monde profondément déréglé, nous rendent insupportables ce qui hier encore nous apparaissait comme la norme?

Auquel cas, ce ne serait pas tant Anne Hidalgo le problème mais Paris, une ville inapte à répondre aux aspirations de son époque. Comme si finalement, les Parisiens, après des années de déni, réalisaient que cette ville tant vantée, tant célébrée, tant magnifiée cachait en son sein un maléfice propre aux conditions de sa naissance et de son architecture, non point l'impotence de sa mairesse, mais son expression même, sa profonde réalité.

Paris ne serait-elle pas trop monstrueuse, trop tentaculaire, trop peuplée pour demeurer en phase avec son temps, ce besoin de nature, ce désir de se rapprocher de la vérité des choses, cette envie partagée par le plus grand nombre de mener sa vie loin de l'agitation frénétique propre aux grands centres urbains?

Au final, Madame Hidalgo n'aurait jamais dû rentrer de son voyage en Polynésie française. Comme Brel ou Gauguin, elle aurait dû trouver refuge aux Marquises, là où comme le chantait le Grand Jacques:

«Veux-tu que je te dise
Gémir n'est pas de mise aux Marquises».

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Anne Hidalgo, mais pourquoi tant de haine?

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29.11.2023

Temps de lecture: 3 min

À chaque fois que je reviens dans la capitale, je suis tout à la fois frappé et amusé de constater à quel point toutes les conversations tournent autour d'Anne Hidalgo. On dirait un jeu de massacre comme une obsession collective où sa simple évocation provoque une ribambelle d'avis négatifs, de récriminations si acerbes qu'on en vient à se demander par quel miracle elle siège encore à l'Hôtel de ville.

Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais entendu personne louer ses qualités ou lui décerner un quelconque satisfecit. À écouter mes interlocuteurs, elle a fait de Paris une antichambre de l'enfer, un égout à ciel ouvert où rien ne va, du métro aux voies de circulation, sans parler de la multiplication des travaux qui transforment chaque déplacement en un vrai parcours du combattant, une ode à la débrouillardise et à la patience.

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