L’enfer est pavé de bonnes intentions. Ainsi en a-t-il été de la loi de 1989 permettant de juger en France devant une Cour d’assises, les personnes étrangères se trouvant sur son sol soupçonnées de s’être rendues coupables de génocide et de crimes contre l’humanité à l’étranger. La France n’est pas le seul pays à posséder une loi qui lui confère une « compétence universelle » pour juger ces crimes. L’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, le Canada par exemple ont intégré dans leur dispositif législatif les dispositions visant à empêcher l’impunité de ces crimes.

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Partant d’une volonté vertueuse de ne pas laisser impunis les crimes les plus graves, le législateur français n’a cependant pas mesuré les contraintes, les difficultés et, disons-le, les entraves à la justice équitable qu’une telle « compétence universelle » pouvait entraîner. Les conflits dans le monde ayant entraîné des crimes de génocide ou contre l’humanité ont été et sont malheureusement nombreux : Rwanda, ex-Yougoslavie, Cambodge, Liberia, Guinée-Bissau, Syrie, Irak et aujourd’hui Ukraine. Si bien qu’il est essentiel de s’interroger sur le fonctionnement de cette juridiction de « l’universel » et sur les vicissitudes qui s’y attachent.

À ce jour, l’expérience judiciaire « universelle » de la France concerne principalement les affaires liées au génocide commis au Rwanda en avril 1994. Une trentaine de dossiers sont en cours d’enquête et sept autres ont déjà été jugés par la Cour d’assises française. Tous les accusés ont été condamnés. Aucun acquittement n’a été prononcé à ce jour. Des difficultés majeures liées à l’extrême complexité de ces affaires ont alors émergé. Il y a d’abord le facteur temps. Le fait que les enquêtes se déroulent dans des pays étrangers, lointains, dans une langue que les enquêteurs ne maîtrisent généralement pas, assistés d’autorités souvent elles-mêmes impliquées dans les évènements, est source de lenteur et de contraintes. Les relations diplomatiques en dents de scie entre la France et certains pays concernés ont une incidence directe sur l’efficacité de la coopération judiciaire entre les pays. Tout cela contribue à allonger le temps des enquêtes.

Il y a aussi l’ancienneté des faits. Les affaires concernant le Rwanda se jugent pour certaines aujourd’hui, soit 30 ans après les évènements… Et beaucoup sont encore à l’instruction. Ce sera sans doute le cas pour d’autres pays. Le facteur temps est d’autant plus déterminant que la parole des témoins occupe une place centrale dans ce type d’affaires, en particulier dans le génocide rwandais. Bien souvent il n’y a en effet ni constatation de police scientifique, ni dénombrement des victimes, ni analyses médico-légales. Contrairement au procès de Nuremberg où les preuves écrites existaient en abondance en raison de l’extrême bureaucratie nazie, les crimes et exactions commis dans les pays victimes de crimes de masse dans la seconde moitié du XXe siècle ont laissé très peu de preuves matérielles. Pour autant, ces déficiences ne sauraient permettre de laisser ces crimes impunis.

L’analyse des témoignages, matière essentielle de ces procès, se révèle donc fondamentale mais d’une grande complexité. Les témoignages sont en effet fragiles en raison du poids du temps sur la mémoire, des traumatismes du souvenir mais aussi d’influences extérieures qui peuvent orienter la parole. Qui peut en effet se rappeler avec précision de faits qui se sont déroulés il y a 30 ans même si l’évènement tragique se fixe bien plus qu’un autre dans la mémoire ? Les témoins et victimes sont souvent légitimement frappés par un choc traumatique lié aux violences extrêmes auxquelles ils ont pu assister et dont eux-mêmes ou leurs proches ont été victimes.

Ce choc et les souffrances endurées peuvent transformer les souvenirs en exacerbant les sentiments contre les « accusés » qui, à leurs yeux, coïncident avec l’image de celui ou ceux qui les ont fait souffrir. Il ne peut évidemment pas être reproché aux personnes entendues de ne pas se souvenir de chaque détail, mais l’effacement ou le trouble des souvenirs ne permet pas d’établir de preuves au sens où l’entend la justice pénale. Il faut ajouter à cela les influences auxquelles sont soumis les témoins ou victimes auditionnés. Soit les gouvernants de certains États autoritaires exercent une pression politique liée à leur histoire et au sens qu’ils veulent donner à la victimisation de leur peuple, soit l’opposition ou la résistance aux organes dirigeants de l’État pèsent sur la sincérité des témoignages. Tout cela rend la preuve par témoin bien aléatoire et la recherche de la vérité, difficile.

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Au stade des enquêtes, les règles de la procédure pénale sont complexes et parfois impossibles à mettre en œuvre : l’identification claire des victimes s’agissant de crimes dits de masse n’est pas chose aisée. Pas davantage celle des armes, des auteurs directs des exactions ou des lieux exacts du crime. Rares sont les témoins directs des assassinats pouvant identifier avec certitude celui ou ceux qui les ont commis ou leurs éventuels commanditaires. Quant aux reconstitutions ou transports sur les lieux, ils sont très difficiles à mettre en place en raison de la distance à la fois temporelle et géographique et des difficultés d’organisation à distance. Sans compter le coût des déplacements supportés par la défense et les interventions possibles – dangereuses – des autorités militaires, policières, judiciaires, des pays en cause. À cela s’ajoute une inégalité flagrante des armes entre l’accusation et la défense.

On doit d’ailleurs entendre par « accusation » non seulement les représentants du ministère public français mais également certaines associations de victimes ou mémorielles qui se constituent partie civile dans chacun de ces procès et « se prennent pour des procureurs » au stade de l’enquête. Cette inégalité des armes au détriment de la défense se ressent d’abord au niveau des moyens matériels mis en œuvre. Alors que les règlements qui organisent le fonctionnement des tribunaux pénaux internationaux prévoient une prise en charge par ceux-ci, au titre de l’aide judiciaire, des honoraires des avocats de la défense, mais aussi de leurs déplacements pour la recherche de témoins ou d’éléments matériels, de leurs interprètes et de leurs enquêteurs, rien de tel n’existe dans le cadre de la compétence universelle en France.

Or l’accusé n’a pas d’argent, est souvent réfugié, sans travail ou en situation de travail précaire ; il n’a donc pas les moyens de financer une défense à la hauteur des enjeux. Et ce n’est pas la maigre indemnisation de l’aide juridictionnelle française accordée aux avocats de la défense qui peut le permettre. À l’opposé, le Parquet dispose d’importants moyens qui lui permettent notamment de se rendre librement sur les lieux des faits. Par ailleurs, certaines associations de victimes sont en lien direct avec les parquets français et étrangers et disposent d’importants leviers d’action sur place et de revenus conséquents qui leur permettent d’agir avec diligence pour soutenir l’accusation.

En effet, certaines associations de victimes, souvent très implantées dans le pays où a eu lieu le génocide en particulier au Rwanda se sont spécialisées dans la collecte de témoignages à charge. La recherche des témoins à décharge n’étant pas dans leur objet social, leur mission est donc d’alimenter les enquêtes françaises exclusivement à charge. Ces associations interviennent activement dans les procédures avec des facilités de déplacement sur le terrain, y compris dans les prisons étrangères pour collecter des témoignages – dans des conditions critiquables –, ce qui pèse lourdement en faveur de l’accusation. Elles collaborent aussi étroitement avec les Parquets étrangers et conduisent les officiers de police judiciaire français vers ces témoins à charge, ce qui oriente forcément les enquêtes.

Cet activisme déséquilibre profondément le procès pénal en défaveur de la défense qui, elle, ne dispose pas de tels moyens pour rencontrer de potentiels témoins à décharge. Autre difficulté, les témoins de la défense sont parfois exposés à des menaces et refusent de venir s’exprimer devant la Cour d’assises craignant des représailles. Car certains États autoritaires étrangers n’admettent pas que l’on prenne position en faveur des « accusés » de génocide. Les entraves à la liberté d’expression et à la parole des citoyens dans des pays comme le Rwanda sont régulièrement condamnés par les organisations humanitaires internationales. Comme le relève Amnesty international dans l’un de ses nombreux rapports sur le sujet : au Rwanda « il est plus prudent de garder le silence ». Il est par conséquent très difficile de convaincre de potentiels témoins à décharge de venir témoigner librement et sans crainte.

À ces difficultés politiques et financières s’ajoutent des questionnements institutionnels. Le législateur français n’a en effet pas souhaité constituer de Cours d’assises « spéciales » composées de magistrats professionnels, comme il en existe déjà en matière de terrorisme. Le choix de confier à une Cour d’assises « ordinaire » composée de trois magistrats non spécialisés et de jurés populaires le soin de juger des affaires de crimes contre l’humanité commis à l’étranger est audacieux. À part le Président de la Cour d’assises qui étudie le dossier quelques mois avant l’audience, sans pour autant être spécialiste de l’histoire du pays en cause, les deux magistrats assesseurs et les six ou neuf jurés n’ont aucune connaissance du territoire concerné, de son histoire politique et ethnique, avant le début de l’audience.

On juge ainsi à travers le regard de citoyens français des années 2020 des faits vieux de plusieurs décennies qui se sont déroulés dans des pays lointains, dans un environnement social et culturel très éloigné des « codes » occidentaux. Certes, pour tenter de pallier ces carences, la Cour d’assises consacre quelques journées d’audience à des témoins de « contexte » censés aider les jurés et la Cour à appréhender la politique, l’histoire et la culture du pays.

Ce ne sont cependant pas ces témoins de contexte qui peuvent corriger en quelques jours cette situation. Dans le cas du génocide du Rwanda, seul à ce jour à avoir donné lieu à des décisionsjudiciaires définitives en France, un phénomène particulier s’est révélé au fur et à mesure des audiences. Si les « experts » cités par le Ministère public sont venus en nombre et ont peaufiné leurs dépositions, toujours accusatrices, les témoins de contexte cités par la défense ont, eux, de plus en plus refusé de venir témoigner devant les juridictions françaises à cause d’une forme de totalitarisme de la pensée qui n’hésite pas à les qualifier publiquement de « négationnistes ».

Dans le même temps, une multitude de nouvelles parties civiles se sont constituées au cours des procès, à la dernière minute, à l’ouverture ou pendant les débats, et ont témoigné massivement à charge sans que la défense n’ait eu la moindre information sur leurs identités et ne puisse vérifier la véracité de leurs dires. Cette situation asymétrique très défavorable aux droits de la défense est d’autant plus critiquable que, comme nous l’avons dit, la Cour d’assises ordinaire n’a aucune connaissance particulière du pays, de son histoire, des groupes de populations qui le composent, pour apprécier ces témoignages.

Même si nous sommes très attachés aux principes révolutionnaires de l’oralité des débats et de la souveraineté du jury populaire, nous ne pouvons que nous interroger sur sa vocation et sa légitimité à juger de telles affaires au regard de leur complexité historique, géopolitique et diplomatique. À ces difficultés s’ajoute la confrontation à des violences inouïes qui peuvent être traumatiques pour des jurés qui ne sont pas des professionnels.

Le travail qui leur est demandé est d’une incroyable complexité et l’enjeu humain considérable car ils doivent juger un individu qui encourt la réclusion à perpétuité dans un contexte émotionnel majeur qui emporte tout sur son passage et tend naturellement vers l’accusation. À l’image de la justice pénale internationale ou en matière de terrorisme, ces affaires gagneraient en efficacité et rationalité si elles étaient jugées par des magistrats professionnels spécialisés.

Ainsi en va-t-il du fonctionnement critiquable de la « compétence universelle » en France. Elle est cependant nécessaire et vertueuse, à défaut de quoi des suspects de génocide pourraient trouver un refuge aisé et tranquille sur le territoire français. Mais des réformes structurelles s’imposent. Citons-en quelques-unes sans prétendre être exhaustifs.

Il est nécessaire de constituer des juridictions de jugement spécialisées composées de magistrats formés à l’histoire politique et ethnique voire religieuse des pays en cause, comme il en existe désormais à l’instruction.

Il faut donner aux avocats de la défense des moyens comparables à ceux dont bénéficient les défenseurs devant les juridictions internationales. Notamment la prise en charge des déplacements à l’étranger et une aide juridictionnelle adaptée à la longueur et la complexité des dossiers. Il faut, dans ces conditions, les associer à tout déplacement effectué sur place par le Procureur. Rappelons que le Tribunal pénal international pour le Rwanda et la Cour pénale internationale ont prononcé leurs deux premiers acquittements après un déplacement des juges sur les lieux, en présence à la fois de l’accusation et de la défense.

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Il faut prévoir un système de protection et de prise en charge des témoins neutre et efficace.

Le rôle des associations de parties civiles doit être mieux encadré. Les laisser guider une instruction et les enquêtes est dangereux pour la recherche de la vérité.

Il faut mener une vraie réflexion sur l’intervention lors de l’audience pénale des nombreuses parties civiles dont beaucoup se constituent en masse à la dernière minute ce qui déséquilibre le contradictoire des débats.

Les associations parties civiles ne devraient intervenir qu’au stade d’une audience civile. Le ministère public est en effet suffisant pour soutenir l’accusation lors du procès pénal.

Il nous paraît donc nécessaire d’engager rapidement des modifications procédurales profondes pour traiter ce contentieux spécial devant les juridictions françaises. Il y va de la capacité de notre justice à garantir les principes fondamentaux des droits de la défense et du procès équitable. Il en va, tout simplement, de sa crédibilité.

Signataires :

Jean-Yves DUPEUX, Avocat

Florence BOURG, Avocat

François ROUX, Avocat honoraire, et ancien Chef du Bureau de la Défense au Tribunal Spécial pour le Liban

Catherine MABILLE, Avocat, Conseil à la Cour pénale internationale

Philippe MEILHAC, Avocat

Jean-Marie BIJU-DUVAL, Avocat à la Cour et à la Cour pénale internationale

Joachim LEVY, Avocat

Andrea Margarita DUQUE URIBE, Avocat

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"Le génocide rwandais illustre les limites de la compétence universelle de la France"

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05.04.2024

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Ainsi en a-t-il été de la loi de 1989 permettant de juger en France devant une Cour d’assises, les personnes étrangères se trouvant sur son sol soupçonnées de s’être rendues coupables de génocide et de crimes contre l’humanité à l’étranger. La France n’est pas le seul pays à posséder une loi qui lui confère une « compétence universelle » pour juger ces crimes. L’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, le Canada par exemple ont intégré dans leur dispositif législatif les dispositions visant à empêcher l’impunité de ces crimes.

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Partant d’une volonté vertueuse de ne pas laisser impunis les crimes les plus graves, le législateur français n’a cependant pas mesuré les contraintes, les difficultés et, disons-le, les entraves à la justice équitable qu’une telle « compétence universelle » pouvait entraîner. Les conflits dans le monde ayant entraîné des crimes de génocide ou contre l’humanité ont été et sont malheureusement nombreux : Rwanda, ex-Yougoslavie, Cambodge, Liberia, Guinée-Bissau, Syrie, Irak et aujourd’hui Ukraine. Si bien qu’il est essentiel de s’interroger sur le fonctionnement de cette juridiction de « l’universel » et sur les vicissitudes qui s’y attachent.

À ce jour, l’expérience judiciaire « universelle » de la France concerne principalement les affaires liées au génocide commis au Rwanda en avril 1994. Une trentaine de dossiers sont en cours d’enquête et sept autres ont déjà été jugés par la Cour d’assises française. Tous les accusés ont été condamnés. Aucun acquittement n’a été prononcé à ce jour. Des difficultés majeures liées à l’extrême complexité de ces affaires ont alors émergé. Il y a d’abord le facteur temps. Le fait que les enquêtes se déroulent dans des pays étrangers, lointains, dans une langue que les enquêteurs ne maîtrisent généralement pas, assistés d’autorités souvent elles-mêmes impliquées dans les évènements, est source de lenteur et de contraintes. Les relations diplomatiques en dents de scie entre la France et certains pays concernés ont une incidence directe sur l’efficacité de la coopération judiciaire entre les pays. Tout cela contribue à allonger le temps des enquêtes.

Il y a aussi l’ancienneté des faits. Les affaires concernant le Rwanda se jugent pour certaines aujourd’hui, soit 30 ans après les évènements… Et beaucoup sont encore à l’instruction. Ce sera sans doute le cas pour d’autres pays. Le facteur temps est d’autant plus déterminant que la parole des témoins occupe une place centrale dans ce type d’affaires, en particulier dans le génocide rwandais. Bien souvent il n’y a en effet ni constatation de police scientifique, ni dénombrement des victimes, ni analyses médico-légales. Contrairement au procès de Nuremberg où les preuves écrites existaient en abondance en raison de l’extrême bureaucratie nazie, les crimes et exactions commis dans les pays victimes de crimes de masse dans la seconde moitié du XXe siècle ont laissé très peu de preuves matérielles. Pour autant, ces déficiences ne sauraient permettre de laisser ces crimes impunis.

L’analyse des témoignages, matière essentielle de ces procès, se révèle donc fondamentale mais d’une grande complexité. Les témoignages sont en effet fragiles en raison du poids du temps sur la mémoire, des traumatismes du souvenir mais aussi d’influences extérieures qui peuvent orienter la parole. Qui peut en effet se rappeler avec précision de faits qui se sont déroulés il y a 30 ans même si l’évènement tragique se fixe bien plus qu’un autre dans la mémoire ? Les témoins et victimes sont souvent légitimement frappés par un choc traumatique lié aux violences extrêmes auxquelles ils ont pu assister et dont eux-mêmes ou leurs proches ont été victimes.

Ce choc et les souffrances endurées peuvent transformer les souvenirs en exacerbant les sentiments contre les « accusés » qui, à leurs yeux, coïncident avec l’image de celui ou ceux qui les ont fait souffrir. Il ne peut évidemment pas être reproché aux personnes entendues de ne pas se souvenir de chaque détail, mais l’effacement ou le trouble des souvenirs ne permet pas........

© Marianne


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