C’est peu dire que le retweet de Zineb El Rhazoui sur X (ex-Twitter), lequel établissait un parallèle dans « la science du génocide » entre nazisme et sionisme, n’a pas fait l’unanimité. Pour autant, quoi qu’on pense de ce retweet et de ses propos en général, cela méritait-il que la présidente du conseil régional d'Ile de France lui retirât un prix ? Fallait-il répondre à un point Godwin par un point de non-retour ?

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La question mérite d’autant plus d’être posée que Valérie Pécresse s’est, il n’y a pas si longtemps, insurgée contre le « wokisme » au motif qu’il serait « une cancel culture » et « la dictature du politiquement correct ». En quoi les positions actuelles de Zineb devraient-elles remettre en question les raisons pour lesquelles on lui a décerné ce prix, à savoir « le courage » dont elle a fait preuve et son « combat contre l'islamisme », comme le rappelle l’ex-candidate à la présidentielle ?

La présidente de la région Île-de-France a justifié sa décision en expliquant que les « récentes déclarations » à la fois « outrancières et choquantes » de la lauréate ne lui semblaient « absolument pas conformes au message de paix porté toute sa vie par Simone Veil. » Le prix est pourtant censé récompenser « une Francilienne pour son dévouement à défendre une cause ». Doit-on considérer que le tweet de l'ex-collaboratrice franco-marocaine de Charlie Hebdo efface ses actions passées ? Et quelle valeur accorde-t-on à un prix dont on peut destituer le bénéficiaire du jour au lendemain ?

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Valérie Pécresse précise que la décision a été prise « en accord avec les ayants droit de Simone Veil » - Aurélien Veil, petit-fils de l'ancienne présidente du Parlement européen qui fut déportée à Auschwitz, avait auparavant manifesté sur X « sa consternation ». Mais qu’en est-il du droit lui-même ? Ceux qui approuvent aujourd’hui la démarche de la présidente de région n’étaient pas toujours les derniers pour critiquer les adeptes de la disparition du titre Dix petits nègres au motif que l'arrière-petit-fils de la romancière y était favorable. Ne sont-ce pas parfois les mêmes qui appellent à ne pas céder au simplisme, à considérer la complexité de l’être humain, à ne pas juger une personnalité uniquement sur la base d’une seule période de sa vie voire une seule action ou déclaration ?

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Pour Valérie Pécresse, il ne s’agit d’ailleurs pas d’un cas isolé. Le 6 juillet dernier, elle avait, choisi de baptiser « Rosa-Parks » un lycée de Saint-Denis qui avait lui-même choisi le nom d’Angela-Davis, en raison de positions de cette dernière « contraires aux lois de la République ». Certes, le choix initial du conseil d'administration du Lycée « Plaine-Commune » n’avait pas été entériné mais il avait été proposé dès 2018 par le conseil d’administration du lycée, validé par le maire de l’époque et Valérie Pécresse elle-même qui répétait en commission en 2020 « Pour moi, il n’y a aucun sujet. Le lycée s’appelle Angela-Davis, il a été nommé Angela-Davis, il n’y a pas de sujet ».

Quels arguments opposer ensuite à ceux qui veulent débaptiser certaines rues au nom des horreurs que ces personnages célèbres ont commises si la moindre « déviance idéologique » justifie le retrait de tel ou tel nom ? Comment expliquer aux élèves de ce lycée qu’une telle décision n’a rien à voir avec une forme de pression idéologique et ne relève pas de la « cancel culture » ? En agissant ainsi, on fait l’inverse de ce qu’on explique aux thuriféraires inconscients de la « cancel culture » : donner trop d’importance au nom et vouloir que la vie des célébrités dont on choisit d’honorer l'action ou la mémoire soit exempte de tout reproche, au risque de verser encore une fois dans une forme de puritanisme qui ne dit pas son nom.

On peut comprendre la volonté de choisir des personnalités plus en phase avec les valeurs que l’on veut prôner, mais en ce cas pourquoi ne pas faire ce qu’on serine à longueur de temps aux « woke » : plutôt que de vouloir corriger l’existant, changer le futur ? En profitant par exemple de la création de nouveaux lieux pour honorer la mémoire d’Arnaud Beltrame, de Samuel Paty ou de Dominique Bernard, et en évitant de se réveiller cinq ans trop tard.

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Bref, nous ne saurions trop conseiller à Valérie Pécresse de s’appliquer ce qu’elle prône pour les autres. Et de ne jamais oublier une chose : si l’on décidait de récompenser d'un prix toutes les mauvaises décisions et les inepties prononcées au cours d'une campagne électorale, elle serait une sérieuse candidate.

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Prix Simone-Veil retiré à Zineb El Rhazoui : Valérie Pécresse, reine de la "cancel culture" ?

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11.12.2023

C’est peu dire que le retweet de Zineb El Rhazoui sur X (ex-Twitter), lequel établissait un parallèle dans « la science du génocide » entre nazisme et sionisme, n’a pas fait l’unanimité. Pour autant, quoi qu’on pense de ce retweet et de ses propos en général, cela méritait-il que la présidente du conseil régional d'Ile de France lui retirât un prix ? Fallait-il répondre à un point Godwin par un point de non-retour ?

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La question mérite d’autant plus d’être posée que Valérie Pécresse s’est, il n’y a pas si longtemps, insurgée contre le « wokisme » au motif qu’il serait « une cancel culture » et « la dictature du politiquement correct ». En quoi les positions actuelles de Zineb devraient-elles remettre en question les raisons pour lesquelles on lui a décerné ce prix, à savoir « le courage » dont elle a fait preuve et son « combat contre l'islamisme », comme le rappelle l’ex-candidate à la présidentielle ?

La présidente de la région Île-de-France a justifié sa décision en expliquant que les « récentes déclarations » à la fois « outrancières et choquantes » de........

© Marianne


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