Marianne : « Contrairement à la morale, le droit ne proclame pas le bien ou le mal », écrivez-vous. Les réseaux sociaux, avec les procès médiatiques qui y ont lieu, contribuent-ils à alimenter la confusion entre la morale et le droit ?

Daniel Borrillo :Pas seulement les réseaux sociaux. Un certain journalisme alimente également cette confusion en condamnant des comportements qui sont certes choquants moralement (ou d’un goût douteux), mais ne constituent nullement une infraction. L’humour graveleux relève de la liberté d’expression. La Cour européenne des droits de l’homme rappelle, dans sa jurisprudence constante, que « la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture des sociétés démocratiques ».

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Le tribunal médiatique ne parle pas de plaignante, mais de victime, et ceci avant même le dépôt d’une plainte. En bafouant tous les droits fondamentaux de la défense : présomption d’innocence, bénéfice du doute en faveur du prévenu, respect du contradictoire, secret de l’instruction, respect de la vie privée, autorité de la chose jugée, prescription de l’action publique… la curée médiatique ignore souvent les attendus de l’affaire et instaure un régime arbitraire où la parole des victimes supposées vaut preuve irréfutable.

Vous arguez que la liberté individuelle est trop souvent réfrénée et ce, pour de mauvais motifs, notamment le paternalisme. N’y a-t-il jamais d’aliénation de l’individu ?

Si, lorsqu’il s’agit d’une personne vulnérable qu’il faut placer sous tutelle. Toutefois, considérer que dans aucune circonstance, aucune personne ne peut disposer librement de son corps pour, par exemple, se prostituer, faire une GPA [gestation pour autrui] ou demander une aide active à mourir, ne reviendrait-il pas à traiter tous les gens comme des incapables ?

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"La curée médiatique instaure un arbitraire où la parole des victimes supposées vaut preuve irréfutable"

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04.01.2024

Marianne : « Contrairement à la morale, le droit ne proclame pas le bien ou le mal », écrivez-vous. Les réseaux sociaux, avec les procès médiatiques qui y ont lieu, contribuent-ils à alimenter la confusion entre la morale et le droit ?

Daniel Borrillo :Pas seulement les réseaux sociaux. Un certain journalisme alimente également cette confusion en condamnant des comportements qui sont certes choquants moralement (ou d’un goût douteux), mais ne constituent nullement une infraction. L’humour graveleux relève de la liberté........

© Marianne


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