EXPERT INVITÉ. Les marchés ne se contentent plus d’analyser les faits : ils parient désormais directement sur ce qui va se produire. Des plateformes permettent aujourd’hui de transformer une opinion, une phrase ou un événement futur en prix de marché. Cette nouvelle façon de « coter l’incertitude » intrigue, fascine… et pose de vraies questions pour les investisseurs. Synthèse et analyse. 

Le marché des prédictions s’installe dans le paysage financier, et il ne le fait pas discrètement. Un exemple récent a fait sourire… tout en posant un vrai problème : Brian Armstrong, le patron de Coinbase, a volontairement prononcé cinq fois le mot « paris » sur une conférence de résultats pour « se moquer » des marchés qui misaient sur ses déclarations.  

Ces « marchés de mentions » parient sur des détails de langage, et ils sont donc naturellement vulnérables à l’influence de celui qui parle. Le montant était modeste, mais le signal est immense : la frontière entre information, divertissement et manipulation devient floue.  

Dans le même temps, Coinbase prépare le lancement de marchés de prédiction et d’actions « tokenisées » (actions représentées sous forme numérique sur une infrastructure de chaine de blocs).  

Autrement dit, l’écosystème crypto veut devenir une sorte de place de marché universelle où l’on peut échanger des actifs… et des événements.  

Les plateformes comme Kalshi ou Polymarket se transforment en thermomètres d’opinion, parfois plus rapides que les sondages ou les commentaires d’experts.  

Et quand un thermomètre devient négociable, il attire forcément les capitaux. 

Le principe est simple : on achète un contrat « oui/non » et le prix reflète une probabilité implicite.  

Si le contrat vaut 0,60 et paie 1 en cas de réalisation, le marché « dit » qu’il y a environ 60 % de chances que l’événement arrive.  

C’est intuitif, donc addictif. Là où un sondage est une photo, un marché de prédiction est un film, car le prix bouge en continu.  

Chaque nouvelle information est immédiatement digérée, parfois de manière brutale. Le concept séduit parce qu’il donne l’illusion d’une vérité chiffrée, propre, instantanée.  

Mais cette propreté est trompeuse : une probabilité de marché n’est pas une certitude, c’est un consensus temporaire.  

Et un consensus temporaire peut être fragile, surtout quand la liquidité est faible.  

En clair : ce n’est pas parce que le marché « cote » une issue qu’elle est la bonne, c’est juste l’issue la plus achetée à cet instant. 

Le grand argument des marchés de prédiction, c’est la « sagesse des foules » : beaucoup de participants,........

© Les Affaires