Depuis la «crise des réfugiés» de 2015, les murs anti-migrants poussent comme des champignons en Europe. En 2014, 315 kilomètres de clôtures pour freiner la migration illégale avaient été érigés, nous en sommes aujourd’hui à plus de 2000. Et certains sont en gestation, motivés par les attaques hybrides de la Biélorussie et de la Russie, qui utilisent les migrants comme une arme politique pour déstabiliser l’UE.

Bien sûr, la pression migratoire est forte. L’Europe connaît une hausse des demandes d’asile, qui pourraient dépasser le million d’ici à fin 2023, selon l’Agence de l’Union européenne pour l’asile. Une hausse des arrivées irrégulières, aussi. L’Organisation internationale pour les migrations situait le chiffre autour de 268 975 au 4 décembre. Ce sont ces migrants-là que les murs tentent de repousser sur terre, alors que Frontex agit aussi en mer pour intercepter des embarcations.

Mais les murs, au-delà de l’image désastreuse et de la lourde symbolique qu’ils véhiculent, n’ont jamais vraiment empêché les migrants de passer. Ceux qui sont déterminés à entrer en Europe continueront à y parvenir. L’UE est traversée par une poussée de mouvements populistes, et ces constructions sont surtout une réponse sécuritaire destinée à rassurer les citoyens. En réalité, ils sont le symbole de l’impuissance des gouvernements à gérer l’immigration de manière efficace.

D’abord, parce que des droits fondamentaux sont bafoués de manière crasse, comme celui de permettre à des personnes ayant besoin d’une protection de déposer une demande d’asile. Ensuite, parce que ces clôtures ont pour principal effet de déplacer les flux migratoires un peu plus loin. Lutter contre l’immigration clandestine passe par la nécessité de casser le modèle économique des trafiquants; or, ces murs, en poussant des migrants à emprunter des voies plus dangereuses, permettent au contraire aux passeurs de faire monter les enchères.

Divisée, l’Europe expose une fois de plus ses contradictions. La Commission européenne refuse de financer ces murs mais l’UE renforce ses frontières extérieures, pendant que des pays réintroduisent des contrôles au cœur de Schengen. Redisons-le une nouvelle fois, à la veille du Forum mondial sur les réfugiés qui démarre à Genève: seule une réponse coordonnée et concertée entre Etats permettra d’avoir une approche plus saine – et efficace – en matière d’asile et de migration. Plutôt que de se barricader derrière des murs coûteux qui contribuent à diaboliser le migrant, c’est en amont qu’il faut trouver des solutions. Et sans violations des droits humains. Il est permis de rêver.

QOSHE - Des murs anti-migrants «made in Europe», un symbole d’impuissance - Valérie De Graffenried
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Des murs anti-migrants «made in Europe», un symbole d’impuissance

6 0
11.12.2023

Depuis la «crise des réfugiés» de 2015, les murs anti-migrants poussent comme des champignons en Europe. En 2014, 315 kilomètres de clôtures pour freiner la migration illégale avaient été érigés, nous en sommes aujourd’hui à plus de 2000. Et certains sont en gestation, motivés par les attaques hybrides de la Biélorussie et de la Russie, qui utilisent les migrants comme une arme politique pour déstabiliser l’UE.

Bien sûr, la pression migratoire est forte. L’Europe connaît une hausse des demandes d’asile, qui pourraient dépasser le million d’ici à fin 2023, selon l’Agence de l’Union européenne pour l’asile. Une hausse des arrivées........

© Le Temps


Get it on Google Play