Les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont à l’image de leurs électeurs. Ils subissent leur gouvernement. Dans un cri du coeur combinant pénitence et prière, le député de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, a ainsi confié à Radio-Canada : « Moi, je dis que la priorité, c’est… juste commencer à être bons ! »

Ce serait en effet une excellente idée. L’occasion est belle. Avec la nouvelle année, après une salutaire période de repos, chacun est prêt à donner une nouvelle chance au coureur. Le festival de bourdes caquistes de 2023 a certainement rendu les Québécois sceptiques, mais ils ne sont pas du genre revanchards ou intransigeants. En éducation et en santé, la CAQ a fait adopter des lois qu’elle promet structurantes. Elle semble avoir plié plus que prévu pour amadouer ses salariés, dont certains, mais pas tous, semblent satisfaits. On comprend qu’il faudra du temps pour appliquer tout ça (la nouvelle agence Santé Québec ne sera vraiment opérationnelle qu’en avril 2025), mais l’embellie est possible. Chacun est disposé à être agréablement surpris que les choses finissent par s’améliorer.

En immigration temporaire, le premier ministre vient d’admettre qu’il n’a jusqu’ici pas pris les mesures nécessaires pour juguler le flot. C’est, en soi, un changement. De plus, après avoir semoncé tous ceux qui souhaitaient de la retenue en immigration, Québec solidaire vient de trancher clairement : il y en a trop. Alors, on avance.

L’essentiel est de ne pas s’enfarger dans des « distractions », a bien dit le premier ministre. On ne peut éviter de traiter les dossiers qui choquent et que l’actualité impose, certes. Mais une réduction du taux assez élevé d’autopeluredebananisation caquiste serait bienvenue.

Je suis cependant au regret de vous informer que la machine à s’autolancer des pelures de bananes est toujours active, à la CAQ, en ce début d’année. Cette semaine, j’en ai compté trois.

Pelure no 1. D’abord, sur le sujet sensible du coût de la vie, la demande d’augmentation tarifaire d’Hydro-Québec semble avoir été conçue pour susciter la grogne. Elle plafonne à 3 %, comme promis, l’augmentation pour les particuliers, mais elle fait preuve d’une flagrante injustice en augmentant le tarif des petites et moyennes entreprises de 5,1 % et celui de la grande industrie de seulement 3,3 %. Il est impossible de croire que la proposition n’a pas été validée par le bureau du premier ministre. Déjà, la CAQ s’était fait une réputation de trop grande générosité envers les grandes entreprises étrangères. Désormais, on l’accusera avec raison de discriminer les PME québécoises. C’est fâcheux, les petits entrepreneurs formant une partie de la base électorale caquiste.

Pelure no 2. La saga des collectes de fonds caquiste louches se poursuit. Cette fois, le député de Rousseau, Louis-Charles Thouin, vient spécialement d’inviter pour début février dix maires de sa circonscription à débourser 100 $ chacun pour le privilège de plonger leur regard dans les yeux de la vice-première ministre et titulaire des Transports, Geneviève Guilbault. Pour « amasser des fonds en vue des prochaines élections ». Thouin — qui, de toute évidence, n’a pas suivi les épisodes précédents des controverses sur le financement imprudent — les invite par écrit à « joindre l’utile à l’agréable ». « Geneviève et moi serons ravis de vous accueillir et de pouvoir échanger avec vous sur divers sujets qui vous préoccupent, dont les enjeux de transports routiers et collectifs », écrit-il, selon le document obtenu par La Presse canadienne. (Et je tiens à remercier ici le, ou les, maires délateurs.)

La commissaire à l’éthique, débordée depuis l’élection de la CAQ, est bien sûr saisie de la nouvelle affaire. Mais le Directeur général des élections pourrait s’aviser que cet appel est contraire à la loi, qui stipule que ces 100 $ ne doivent permettre aucune « compensation ni contrepartie ». Et pourquoi le Directeur des poursuites civiles et pénales ne compare-t-il pas le texte du député avec le libellé de l’article 119 (1) du Code criminel ? Il pourra y lire qu’« est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque […] membre du Parlement ou d’une législature provinciale, accepte ou obtient, convient d’accepter ou tente d’obtenir, directement ou indirectement, par corruption, pour lui-même ou pour une autre personne, de l’argent, une contrepartie valable, une charge, une place ou un emploi à l’égard d’une chose qu’il a faite ou s’est abstenu de faire ou qu’il fera ou s’abstiendra de faire en sa qualité officielle ».

Demander 100 $ à un maire en échange d’une rencontre avec la ministre qui peut, ou non, débloquer ses dossiers de transport ne répond-il pas exactement à cette définition ? Cependant, je l’admets, quatorze ans de prison, ce serait un peu excessif.

Pelure no 3. Déterminé à projeter esprit de décision et optimisme, le bureau du premier ministre a chargé un vidéaste de tourner une pub, en marge du caucus de Sherbrooke, montrant François Legault et ses principaux ministres pris en flagrant délit de fermer des cahiers et des ordinateurs pour mieux se recentrer sur l’essentiel et « changer ce qui ne marche pas ». Un message de pur positionnement politique, assez efficace à mon avis. Aucun problème, jusqu’à ce qu’apparaisse en finale le logo « Votre gouvernement », qui indique qu’il ne s’agit pas d’une pub du parti politique, mais de l’État.

Dans ses années d’opposition, François Legault n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer la production de publicités autocongratulantes du gouvernement libéral de Philippe Couillard. Son équipe avait décortiqué les budgets pour y départager les pubs qui informaient le public d’un service ou d’un programme, d’une part, de celles qui faisaient purement et simplement la promotion de l’image du gouvernement, d’autre part. À ce dernier titre, les libéraux avaient dépensé 7,4 millions de dollars. « Il n’y a rien comme information là-dedans, déploraient les caquistes. Il n’y a rien. C’est de la pure propagande. »

Les téléspectateurs ont pu constater que, depuis 2018, les caquistes ont adopté les politiques de communication qui, hier, leur donnaient des boutons. Le nombre de publicités de prestige qui n’expliquent aucun programme ou service a augmenté. Cependant, jamais, jusqu’à cette semaine, les caquistes n’avaient osé produire à même les fonds publics une promo personnelle de leurs ministres et de leur chef.

Une nouvelle frontière est donc franchie dans le reniement des convictions, dans l’inconscience éthique et dans l’autopeluredebananisation.

Bonne année.

Chroniqueur, l’auteur a dirigé le PQ de 2016 à 2018. Il vient de publier Par la bouche de mes crayons. jflisee@ledevoir.com

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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Juste commencer à être bons

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27.01.2024

Les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont à l’image de leurs électeurs. Ils subissent leur gouvernement. Dans un cri du coeur combinant pénitence et prière, le député de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, a ainsi confié à Radio-Canada : « Moi, je dis que la priorité, c’est… juste commencer à être bons ! »

Ce serait en effet une excellente idée. L’occasion est belle. Avec la nouvelle année, après une salutaire période de repos, chacun est prêt à donner une nouvelle chance au coureur. Le festival de bourdes caquistes de 2023 a certainement rendu les Québécois sceptiques, mais ils ne sont pas du genre revanchards ou intransigeants. En éducation et en santé, la CAQ a fait adopter des lois qu’elle promet structurantes. Elle semble avoir plié plus que prévu pour amadouer ses salariés, dont certains, mais pas tous, semblent satisfaits. On comprend qu’il faudra du temps pour appliquer tout ça (la nouvelle agence Santé Québec ne sera vraiment opérationnelle qu’en avril 2025), mais l’embellie est possible. Chacun est disposé à être agréablement surpris que les choses finissent par s’améliorer.

En immigration temporaire, le premier ministre vient d’admettre qu’il n’a jusqu’ici pas pris les mesures nécessaires pour juguler le flot. C’est, en soi, un changement. De plus, après avoir semoncé tous ceux qui souhaitaient de la retenue en immigration, Québec solidaire vient de trancher clairement : il y en a trop. Alors, on avance.

L’essentiel est de ne pas s’enfarger dans des « distractions », a bien dit le premier ministre. On ne peut éviter de traiter les dossiers qui choquent et que l’actualité impose, certes. Mais une réduction du taux assez élevé d’autopeluredebananisation caquiste serait........

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