Tel secrétaire national de Parti comparé au « collabo Doriot », tel député accusé de « collabo des islamistes », tel athlète dénonçant « l’Occident collabo », c’est le grand retour de cette terminologie hideuse, et des comportements afférents. Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde, de Bertolt Brecht (Arturo Ui, 1941), est en exergue du livre de Romain Slocombe, J’étais le collabo Sadorski (Robert Laffont, 2022).

C’est une série bien documentée sur les années détestables de la France, toujours prompte à revenir ici et ailleurs. « Replacez tous ces déments, ces sadiques dans le contexte de l’Occupation, de la Libération, et vous avez les auxiliaires de la Gestapo… ceux de la Carlingue, les bourreaux des juifs… et puis, ensuite, les épurateurs sanglants comme ce capitaine Paul », écrit Alphonse Boudard dans le Corbillard de Jules.

Une certitude ? Chaque moment de la guerre, des premières frappes à la libération, est à vomir ; la guerre respectant les conventions de Genève n’existe pas. Quant au personnage fictionnel de Léon Sadorski, Romain Slocombe s’est inspiré, pour le faire vivre, de l’inspecteur principal adjoint Louis Sadosky (1899-1967), bien réel, de la 3e section de la direction générale des Renseignements généraux et des Jeux, qui dirigeait le « rayon juif » au sein de ce service. Une ordure.

Face à lui, beaucoup de « résistants de la dernière heure », d’autant plus virulents qu’ils étaient lâches, voire dangereux. Et Sadorski qui balance avec une vraie jouissance le nom des collègues « embochis », mélangeant le vrai et le faux, transformant certains en agents doubles, infiltrés, pour mieux défendre les juifs, narrant les épisodes tortionnaires en les rendant encore plus confus, bref, empêchant par sa parole toute tentative de justice.

C’est aussi cela, le collaborationnisme : nourrir la bête du négationnisme. Pourquoi (re) lire cette série ? « Ni l’auteur ni l’éditeur ne cautionnent les propos ou les agissements du personnage central de ce livre, qui sont pourtant le reflet de son époque, comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. »

Pour décrire ce temps que l’on croit derrière soi, Romain Slocombe a consulté les archives de la préfecture de police, les rapports d’enquête sur les crimes pendant l’Occupation, bien sûr, mais aussi pendant l’épuration ; le Dépôt central d’archives de la justice militaire ; ou encore quantité de pièces de tel ou tel bureau des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Pourquoi sauver Sadorski dans cette histoire où si peu méritent le salut ? Deux trilogies pour nous enseigner la terrible immoralité de la vie. Il reste néanmoins la dure liberté de certains. Et leur sens de l’avenir.

QOSHE - « Collabo » - Cynthia Fleury
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« Collabo »

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22.11.2023

Tel secrétaire national de Parti comparé au « collabo Doriot », tel député accusé de « collabo des islamistes », tel athlète dénonçant « l’Occident collabo », c’est le grand retour de cette terminologie hideuse, et des comportements afférents. Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde, de Bertolt Brecht (Arturo Ui, 1941), est en exergue du livre de Romain Slocombe, J’étais le collabo Sadorski (Robert Laffont, 2022).

C’est une série bien documentée sur les années détestables de la France, toujours prompte à revenir ici et ailleurs. « Replacez tous ces déments, ces sadiques dans le contexte de l’Occupation, de la........

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