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«Des gens nous appellent trois semaines avant Noël pour se renseigner: “Est-ce que vous pouvez nous le réserver? On viendra le chercher le 23 ou le 24 décembre. Le 24, vous êtes ouverts?” On leur explique que c'est pas un sac à main.» Voilà ce que nous raconte Anne-Sophie Perillat, responsable du refuge SPA de Cluses (Haute-Savoie).

Tout au long de l'année, elle accueille des personnes désireuses d'adopter un animal de compagnie ou d'en offrir un à des proches. Au sein de ce refuge savoyard, c'est durant les semaines précédant Noël que sont formulées la moitié de ces dernières requêtes –le reste du temps, l'adoption est envisagée comme un cadeau d'anniversaire ou de mariage. Autant d'occasions de rappeler que ce n'est pas forcément une bonne idée, car un animal est tout sauf un objet de consommation à glisser sous le sapin.

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Bien qu'elle ne fasse pas autant face à ce genre de demandes, Anne Puggioni, responsable du refuge La Tuilerie de la Fondation 30 millions d'amis, à Saint-Hilliers (Seine-et-Marne), se méfie aussi de la période des fêtes. «Quand on a un doute quant à la motivation derrière l'adoption, on répond qu'on préfère laisser passer la période des fêtes, pour que ce soit une adoption réfléchie.»

En 2018, la fondation, spécialisée dans les sauvetages d'animaux maltraités, a d'ailleurs publié sur son site un article expliquant qu'un animal n'est pas un cadeau de Noël. Il s'ouvre sur un enfant qui souhaite se faire offrir un toutou, parce que «c'est gentil un chien, c'est petit, c'est doux comme une peluche et fait des câlins». «Cette situation, de nombreux parents la vivent. [...] Le témoignage de Justine, 36 ans, maman de deux enfants, illustre parfaitement les acquisitions compulsives qui se terminent… mal», poursuit l'article. Et quand les humains prennent de mauvaises décisions, c'est toujours l'animal qui en pâtit.

«Accueillir un animal, un être vivant, donc, doit correspondre à l'ensemble de la famille et ne pas faire plaisir qu'aux enfants ou qu'aux parents, indique Anne Puggioni. C'est pour ça qu'on demande que tous les membres du foyer soient là, pour pouvoir échanger avec tout le monde. On rappelle aux parents que même si ce sont les enfants qui ont toujours demandé un chien, on sait très bien qui va s'en occuper, d'autant plus que les mineurs n'ont pas de responsabilités légales. Et qu'a contrario, on n'a pas le droit d'imposer à des enfants, ni à un autre membre du foyer, la présence d'un animal.»

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«On est très vigilants quand on entend le mot “cadeau”. La plupart des parents sont conscients de ce que ça implique d'offrir un animal à leur enfant, mais pas tous, remarque Anne-Sophie Perillat. On leur demande s'ils ont bien compris qu'il y aura une litière à changer, des croquettes à acheter, des frais vétérinaires. “Et quand vous allez partir en vacances cet été, vous allez en faire quoi?”» Il s'agit avant tout d'aborder tous les points qui font craindre un risque d'abandon au premier imprévu.

Contactée par le quotidien La Dépêche, Lalia Andasmas, juriste spécialisée en droit animalier auprès de Défense de l'animal, une confédération regroupant 270 associations et refuges, rappelle que d'après la loi n°2015-177 du 16 février 2015, «les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité» et non une paire de chaussures à la mode à déposer sous le sapin pour faire plaisir à l'enfant ou au conjoint.

Elle ajoute qu'imposer la présence d'un animal sans discussion préalable met «dans une position inconfortable le destinataire du cadeau»: comment assumer la charge de ce chien, ce chat ou ce lapin, qu'il va falloir identifier, loger, nourrir, soigner, toiletter, promener, amuser, éduquer, faire garder? D'autant que l'animal va avoir besoin de faire ses besoins naturels, qu'il fera sûrement du bruit à des heures parfois improbables et souvent quelques bêtises, aussi.

«Et si l'animal n'est pas comme on voulait, on en fait quoi? On le change? On le donne?», questionne Anne-Sophie Perillat. L'article 521-1 du code pénal punit «l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité» de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende (quatre ans d'emprisonnement et de 60.000 euros d'amende lorsqu'il est perpétré «dans des conditions présentant un risque de mort immédiat ou imminent pour l'animal domestique»).

Sur le sujet des abandons légaux, la France a, cette année encore, battu un bien triste record européen: entre le 1er mai et le 31 août 2023, 16.498 animaux de compagnie ont été déposés dans les soixante-trois refuges et «maisons» de la SPA, indique un communiqué de l'association publié en septembre. Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA, espérait à l'époque que la rentrée «sera[it] propice à une prise de conscience sur la responsabilité qu'engendre un animal». D'autant que la hausse des coûts de l'alimentation et des soins vétérinaires est devenue, avec l'inflation, un motif récurrent d'abandon.

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Promulguée le 30 novembre 2021, la loi «visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes» permet de davantage éviter les adoptions irréfléchies. Depuis fin 2022, le certificat d'engagement et de connaissance (CEC) est ainsi devenu obligatoire pour toute nouvelle adoption, afin de confronter la personne voulant acquérir un animal aux besoins de celui-ci. Il doit être imprimé, complété et signé au moins sept jours avant que l'animal soit cédé: impossible de repartir avec un petit compagnon sur un coup de tête.

«Tous les refuges informaient, expliquaient déjà bien avant la mise en place du CEC. Pour nous ce n'est qu'une formalité, réagit Anne Puggioni. Ça permet surtout de contrôler les achats en animalerie. Nous, ce qui nous importe, c'est de bien placer nos animaux.» Même réflexion de la part d'Anne-Sophie Perillat. «Vous allez acheter des fleurs avec votre enfant. Vous passez par le rayon animaux, il craque sur un petit lapin, ce n'était pas prévu!, projette-t-elle. [Depuis la mise en place du CEC], il faut revenir une semaine après. Et entretemps, l'enfant aura peut-être oublié ce lapin.»

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Offrir une adoption peut toutefois faire éclore une jolie histoire, tant qu'elle est suffisamment mûrie et anticipée. «C'est arrivé il n'y a pas longtemps: une maman qui voulait offrir un compagnon à son fils âgé d'une vingtaine d'années, qui venait de perdre son papa, décrit Anne-Sophie Perillat. Elle avait repéré un chat, on lui a gentiment expliqué que ce serait bien qu'elle revienne avec son fils. Ni une ni deux, elle a fait l'aller-retour pour l'amener. Il a choisi un animal totalement différent de celui que sa mère avait repéré pour lui: un petit chat un peu timide, qu'il voulait apprivoiser et rassurer. C'était une chouette adoption.» De cette façon, l'arrivée d'un compagnon au moment de Noël peut faire le bonheur de tout le monde. Mais «si on est prêt à avoir un animal, on peut aussi très bien attendre début janvier, une fois l'euphorie des fêtes passée», souligne Anne Puggioni.

Envie de prendre soin d'un animal sans partager son toit avec? Les refuges comme celui de GroinGroin (à Neuvillette-en-Charnie, dans la Sarthe), dédié aux animaux dits «de ferme» rescapés de l'élevage et des abattoirs, ou ceux de la SPA cherchent constamment des parrains et marraines, afin de financer les frais de leurs pensionnaires. Les personnes amatrices d'abeilles peuvent même parrainer une ruche en échange de pots de miel.

Et si vous vivez déjà avec un compagnon, ne l'oubliez pas au moment des cadeaux à déballer: selon un sondage réalisé pour le réseau de pet-sitting Rover, quelque 78% des chiens et des chats avaient été gâtés en 2022. Aucune raison que ce ne soit pas le cas cette année encore.

QOSHE - Offrir un animal à Noël est une très mauvaise idée - Lucie Inland
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Offrir un animal à Noël est une très mauvaise idée

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01.12.2023

Temps de lecture: 5 min

«Des gens nous appellent trois semaines avant Noël pour se renseigner: “Est-ce que vous pouvez nous le réserver? On viendra le chercher le 23 ou le 24 décembre. Le 24, vous êtes ouverts?” On leur explique que c'est pas un sac à main.» Voilà ce que nous raconte Anne-Sophie Perillat, responsable du refuge SPA de Cluses (Haute-Savoie).

Tout au long de l'année, elle accueille des personnes désireuses d'adopter un animal de compagnie ou d'en offrir un à des proches. Au sein de ce refuge savoyard, c'est durant les semaines précédant Noël que sont formulées la moitié de ces dernières requêtes –le reste du temps, l'adoption est envisagée comme un cadeau d'anniversaire ou de mariage. Autant d'occasions de rappeler que ce n'est pas forcément une bonne idée, car un animal est tout sauf un objet de consommation à glisser sous le sapin.

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En 2018, la fondation, spécialisée dans les sauvetages d'animaux maltraités, a d'ailleurs publié sur son site un article expliquant qu'un animal n'est pas un cadeau de Noël. Il s'ouvre sur un enfant qui souhaite se faire offrir un toutou, parce que «c'est gentil un chien, c'est petit, c'est doux comme une peluche et fait des câlins». «Cette situation, de nombreux parents la vivent. [...] Le témoignage de Justine, 36 ans, maman de deux enfants, illustre parfaitement les acquisitions compulsives qui se terminent… mal», poursuit l'article. Et quand les humains prennent de mauvaises décisions, c'est toujours l'animal qui en pâtit.

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