Ce dimanche 10 décembre à Bruxelles, plusieurs milliers de personnes ont marché contre l’antisémitisme, à l’appel de trois organisations – le CCOJB (Comité de coordination des organisations juives de Belgique), le Forum der Joodse Organisaties et la Ligue belge contre l’antisémitisme – et d’environ 150 personnalités. Le constat, en effet, est d’une effrayante limpidité : depuis le pogrom perpétré le 7 octobre par le Hamas en Israël, les actes antisémites augmentent dramatiquement : la Commission européenne s’est ainsi alarmée le 5 novembre de « la recrudescence des incidents antisémites à travers l'Europe [qui] ces derniers jours atteint des niveaux exceptionnellement élevés, rappelant certaines des périodes les plus sombres de l'histoire ». Et la Belgique n’est évidemment pas épargnée, où les actes antisémites ont décuplé : agressions physiques et verbales, profanations de tombes juives, tags antisémites, etc.

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Si ce rassemblement a indéniablement été un succès, il a cependant été assombri de deux manières. D’abord, par ceux qui, l’instar de l’Union des progressistes juifs de Belgique, ont voulu à toute force faire de cette marche une marche contre tous les racismes, et qui ont finalement défilé de manière distincte des autres participants, soucieux de dénoncer l’ « instrumentalisation à des fins racistes et islamophobes » de la lutte contre l’antisémitisme par la « droite extrême » « manipulant l’histoire du traumatisme juif pour déshumaniser d’autres communautés ». Quelle étrange attitude, pourtant, de vouloir à toute force noyer l’antisémitisme dans une haine générale et indifférenciée ! Ne faut-il pas pourtant, comme disait Charles Peguy, « dire ce qu’on voit » ? Même s’il ajoutait que le plus difficile, sans doute, est de « voir ce qu’on voit »… Or, depuis le 7 octobre, ce n’est pas la haine envers les différentes communautés ethniques qui a augmenté, mais le seul antisémitisme. Vouloir englober cela dans un propos plus général, n’est-ce pas tenter pathétiquement de noyer le gefilte fish ?

Sans compter que l’on peut sincèrement s’interroger sur cette « instrumentalisation à des fins racistes et islamophobes » pointée par l’UPJB, dès lors que tant dans les semaines précédant la marche, le président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, Joël Rubinfeld, avait rappelé de manière extrêmement claire à quel point l’extrême droite n’était définitivement pas la bienvenue dans ce rassemblement de démocrates. Un avertissement cinglant encore réitéré dans son discours de clôture : « Je veux dire à ceux qui à l’extrême droite se profilent non sans cynisme comme étant les “boucliers” des juifs, que nous ne voulons pas de leur protection. Nous savons ce que leurs ancêtres idéologiques ont fait subir à nos ancêtres biologiques. Nous savons aussi qu’ils ciblent aujourd’hui d’autres groupes humains pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font. Les juifs ont trop souffert de l’essentialisation pour céder à leur tour à ces sirènes de la haine. »

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Le spectre de l’extrême droite, hélas, a encore été brandi par certains qui, à l’instar de la ministre Zakia Khattabi – la même qui n’utilisait pas le terme « terroriste » pour qualifier le Hamas – ou du député fédéral Gilles Vanden Burre, ont invoqué le bref passage de Joël Rubinfeld au Parti populaire (PP) pour marquer celui-ci du sceau infamant de l’extrême droite. Attaque indécente s’il en fut, dès lors que l’intéressé n’a passé que quelques mois dans la fonction de vice-président du PP en 2010, et que ce parti était alors considéré comme faisant partie de la droite libérale. D’autant qu’en matière d’infréquentabilité, certains représentants d’Écolo en connaissent un bout, eux qui battent régulièrement le pavé en soutien au peuple palestinien sans s’émouvoir de la présence de drapeaux du Hamas, de croix gammées associées à l’étoile de David ou de banderoles appelant à libérer la Palestine du fleuve à la mer… La métaphore de la paille et de la poutre, décidément, a encore de beaux jours devant elle. Mais le pavé bruxellois, ce dimanche, a vibré d’un cri unanime : « Plus jamais ça, c’est maintenant ». Et ça, c’est précieux.

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"Ce n’est pas la haine envers les communautés ethniques qui a augmenté, mais le seul antisémitisme"

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11.12.2023

Ce dimanche 10 décembre à Bruxelles, plusieurs milliers de personnes ont marché contre l’antisémitisme, à l’appel de trois organisations – le CCOJB (Comité de coordination des organisations juives de Belgique), le Forum der Joodse Organisaties et la Ligue belge contre l’antisémitisme – et d’environ 150 personnalités. Le constat, en effet, est d’une effrayante limpidité : depuis le pogrom perpétré le 7 octobre par le Hamas en Israël, les actes antisémites augmentent dramatiquement : la Commission européenne s’est ainsi alarmée le 5 novembre de « la recrudescence des incidents antisémites à travers l'Europe [qui] ces derniers jours atteint des niveaux exceptionnellement élevés, rappelant certaines des périodes les plus sombres de l'histoire ». Et la Belgique n’est évidemment pas épargnée, où les actes antisémites ont décuplé : agressions physiques et verbales, profanations de tombes juives, tags antisémites, etc.

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Si ce rassemblement a indéniablement été un succès, il........

© Marianne


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