C'est à se demander si tout ça ne serait pas un test psychologique géant et à ciel ouvert, façon expérience de Milgram, pour mesurer jusqu'où peut aller le consentement des masses. Ou alors un happening monumental qui s'appuierait sur la docilité des Franciliens et qui se conclurait par une expo au Palais de Tokyo révélant la grande farce artistique qui nous a tous été jouée. La farce ? Quelle farce ? Ces Jeux de Paris dont on découvre désormais chaque jour une joyeuseté. Ce mercredi 29 novembre, voilà le retour des QR codes, comme à la bonne époque post-confinement, pour pouvoir se déplacer dans la ville. Et la veille ? Le quasi-doublement du prix des tickets de métro durant la période des JO (Jeux paralympiques compris, c'est-à-dire jusqu'au 8 septembre) annoncé par une Valérie Pécresse dont la détermination à servir les intérêts de ses administrés est aussi élevée que son sens politique et son score à la présidentielle (ça va de pair).

Il y a en effet chez les organisateurs et les élus franciliens un vrai talent pour nous faire détester la tenue des jeux dans notre pays l’été prochain. On n'était pas forcément adeptes du #SaccageParis (encore que…), on a envie de lancer le hashtag #SaccageTony (Estanguet, notre roi de la pagaie, qui rame rame rame, avec sa gueule de gendre idéal, digne d'un Thomas Pesquet, à la tête du Comité organisateur). Et la colère se fait plus grande encore quand on lit dans les articles de nos confrères que la gratuité des transports figurait bien au budget du dossier de candidature de Paris ! Et qu'elle était même effective à Athènes en 2004, à Pékin en 2008 et Londres en 2012 ou que la hausse des tarifs était bien plus contenue à Rio en 2016…

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Mais voyons, pourquoi en faire des caisses sur le ticket de métro, nous dit-on, puisque le prix du Pass Navigo restera inchangé ? Certes, mais encore faut-il en avoir un en poche. Prix mensuel ? 84,10 euros. Les « heureux salariés » bénéficient d’une prise en charge minimal à 50 % par leur employeur. Et les autres ? Tous les autres, qui ne le sont pas, salariés, ou pas suffisamment ? Les indépendants, les intermittents, les intérimaires, et tous ces travailleurs pauvres, ces précaires qui font tourner la capitale. Sans compter tous ces galériens qui ne savent parfois rien des aides auxquelles ils peuvent prétendre ou ont abandonné l'idée de se faire rembourser quoi que ce soit vu la difficulté de certaines procédures qu'on croirait faite exprès ?

Oui, mais durant les JO, il y aura, nous dit le Monde, « un pass baptisé “Paris 2024” (...) et son tarif sera dégressif, allant de 16 euros pour une journée à 70 euros pour la semaine ». La dégressivité à 70 balles par semaine, ça nous fait une belle jambe. Tellement belle qu’on hésite à concourir à l'épreuve de 110 m haies catégorie unijambistes ! Et puis, nous fait-on comprendre en substance, façon dame patronnesse insupportable, « ils (comprendre : les pauvres) n’ont qu’à acheter des tickets à 2,10 euros l’unité ou en carnet, c’est moins cher, avant l’entrée en vigueur du dispositif, ils peuvent faire des stocks. » Ils n’y avaient pas pensé ! Qu’ils sont irrationnels, ces pauvres ! Infoutus de bien gérer leur petit pécule et de se montrer prévoyants. C’est peut-être pour ça, d’ailleurs, qu’ils sont… pauvres. Non ?

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Il est logique que cette mesure n’émeuve pas le bourgeois. De toute façon, lui, rappelons-le, il a son Pass Navigo au tarif allégé par sa boîte. Quand il prend les transports en commun… Et rester à Paris en été, et cet été-là en particulier, c’est une telle faute de goût, pense-t-il. Le bassin d’Arcachon, la Côte d’Opale, la Toscane, « c’est tellement plus respiraaaable à cette péééérioooode » (non, le bourgeois ne parle pas nécessairement comme ça, mais ça soulage de l'imaginer s'exprimer ainsi) ! « En plus, poursuivra notre spécimen, durant les Jeux, on a mis notre 3 pièces de la rue Caulaincourt sur Airbnb. Avec le parquet, les moulures au plafond et le poêle prussien dans le salon, et surtout la déco que nous a fait Stéphanie - elle est douée Stéphanie, elle adore chiiiiiner -, on va leur offrir du pur rêve parisien aux touristes australiens ! Et les dépouiller, aussi, ces couillons ! Non, je plaisante… Tu me connais, je ne suis pas comme ça... Mais ça paiera l’école et la cantine de Lubin pour deux ans, au moins ! »

C’est d’ailleurs là le vrai problème d’une telle décision. Elle est contraire au principe même du service public que le bourgeois ne chérit que quand ça l'arrange. Parce que l’idée qui sous-tend cette augmentation, c’est de profiter de l’affluence de 15 millions de personnes pour remplir les caisses (parce que vous comprenez, il y a l'inflation). C'est de profiter d'une hausse de l'offre de transports de 15 % pour augmenter le billet à l'unité de 90,5 %. C'est engranger, engranger et encore engranger.

Mais le service public n'est peut-être pas là pour engranger ? Il est là pour - navré pour la tautologie - servir le public. Tous les publics. D’ailleurs, pourquoi chercher à engranger en le faisant au passage sur le dos des Parisiens et des Franciliens les plus pauvres ? N'aurait-il pas fallu imaginer un maintien des tarifs pour les résidents d'Île-de-France ? Ou pire - voilà qui fleure bon le nationalisme le plus crasse - pour les Français ?

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À moins que le service public ait été comme contaminé par la nature profonde de ces Jeux. Oubliez l'idée qu'il puisse s’agir d'un grand rassemblement pacifique et festif des peuples organisé tous les quatre ans. Tout cela, c'est pour les enfants : une fable. Non, nous n'avons plus à faire qu'à une gigantesque « cash machine » où l'important, comme dirait l'autre, ce n'est pas de participer, mais de se gaver.

QOSHE - #GavageParis : ce qui se cache derrière la hausse du prix du ticket de métro lors des JO - Gérald Andrieu
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#GavageParis : ce qui se cache derrière la hausse du prix du ticket de métro lors des JO

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30.11.2023

C'est à se demander si tout ça ne serait pas un test psychologique géant et à ciel ouvert, façon expérience de Milgram, pour mesurer jusqu'où peut aller le consentement des masses. Ou alors un happening monumental qui s'appuierait sur la docilité des Franciliens et qui se conclurait par une expo au Palais de Tokyo révélant la grande farce artistique qui nous a tous été jouée. La farce ? Quelle farce ? Ces Jeux de Paris dont on découvre désormais chaque jour une joyeuseté. Ce mercredi 29 novembre, voilà le retour des QR codes, comme à la bonne époque post-confinement, pour pouvoir se déplacer dans la ville. Et la veille ? Le quasi-doublement du prix des tickets de métro durant la période des JO (Jeux paralympiques compris, c'est-à-dire jusqu'au 8 septembre) annoncé par une Valérie Pécresse dont la détermination à servir les intérêts de ses administrés est aussi élevée que son sens politique et son score à la présidentielle (ça va de pair).

Il y a en effet chez les organisateurs et les élus franciliens un vrai talent pour nous faire détester la tenue des jeux dans notre pays l’été prochain. On n'était pas forcément adeptes du #SaccageParis (encore que…), on a envie de lancer le hashtag #SaccageTony (Estanguet, notre roi de la pagaie, qui rame rame rame, avec sa gueule de gendre idéal, digne d'un Thomas Pesquet, à la tête du Comité organisateur). Et la colère se fait plus grande encore quand on lit dans les articles de nos confrères que la gratuité des transports figurait bien au budget du dossier de candidature de........

© Marianne


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