Avec « La Bibliothèque à remonter le temps », les éditions du Cerf lancent une collection destinée aux adolescents à partir de 14 ans. Les historiens entendent rendre l'histoire accessible à tous, de la Préhistoire au monde moderne, en passant par le Moyen Âge et le siècle des Lumières. En résumant l'état des connaissances fondamentales, des dates importantes et les débats historiographiques en cours. Les quatre premiers numéros sont consacrés au Néolithique, aux dieux de l’Égypte, aux Vikings et à De Gaulle.

Olivier Grenouilleau, qui dirige la collection, en résume l'esprit, et répond à la question de savoir si l'Histoire peut encore avoir une dimension patrimoniale, du moins civique.

Marianne : Les éditions du Cerf lancent « La Bibliothèque à remonter le temps », une nouvelle collection historique. À qui est-elle destinée ?

Olivier Grenouilleau : À chacun d’entre nous, à partir, pour les plus jeunes, du moment où l’on quitte l’enfance pour entrer dans l’adolescence, et sans prescription pour la suite, soit, globalement, de 14 à 99 ans (et davantage). Les ouvrages sont pensés et écrits pour tous, que l’on soit adolescent ou adulte, étudiant ou professeur, parent ou grand-parent, en fait pour tout citoyen. Il s’agit de connaître hier pour comprendre aujourd’hui, en associant le goût du savoir et le plaisir de la lecture.

Le goût du savoir, qu'est-ce donc ?

Effectivement, car ce n’est pas parce que l’on s’adresse à des adolescents ou à des adultes non spécialistes que l’on doit leur proposer des abrégés ou des résumés. Nous avons, pour tous, une vraie ambition, intellectuelle.

Concrètement, comment mettez-vous en œuvre cette ambition intellectuelle ?

Il s’agit de donner à savoir, à comprendre, à réfléchir. À savoir car, en environ 120 pages, les ouvrages font le point des connaissances sur un sujet donné. Ils associent pour cela les faits, les repères essentiels (cartes/chronologies) et les notions (polythéisme et monothéisme, immanence et transcendance, par exemple, pour Les dieux de l’Égypte). Mais enfiler des faits comme on pourrait le faire avec des perles pour un collier n’aurait pas grand sens.

Ce qu’il faut c’est que ces données permettent de comprendre de vastes questions, de vrais problèmes à résoudre. Dans le livre sur le Néolithique, tout indique que l’Humanité entre dans l’Histoire, avant même l’écriture : avec l’invention de l’agriculture et de l’élevage, mais aussi la sédentarisation, la roue, les nécropoles, les temples, l’accroissement des inégalités, l’intensification du phénomène guerrier, l’esclavage… Comment tout cela s’est-il produit ? Qu’est-ce que cela a changé, pour le quotidien des Néolithiques ? Comment des inventions sont-elles devenues des innovations et conduit à une véritable révolution, même si elle a pris des milliers d’années à se produire ? Cela se fit-il pour le meilleur, en permettant à l’Humanité de produire sa propre nourriture, et d’être indépendante, ou pour le pire, en amorçant un cycle permettant à l’Homme de maîtriser toujours davantage la nature, au risque de la détruire ?

Et vous répondez à cette question ?

À toutes ces questions nous donnons les éléments de réponse. Dans le livre, le lecteur comprendra ainsi que les deux manières de percevoir le Néolithique (pour le « meilleur » ou le « pire ») renvoient à deux grands récits qui ne tiennent pas forcément la route. Parce qu’ils puisent davantage dans notre manière d’appréhender le « progrès » (comme un « bien » ou un « mal »), que dans la mise à distance du Néolithique réel. Mais le lecteur, pourra, avec les données du livre, qui présentent toutes les pièces du débat, se faire sa propre idée des choses.

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Nous ne souhaitons pas dire au lecteur ce qu’il doit penser, mais l’aider à comprendre par lui-même. Il y a, à la fin de l’introduction de chaque ouvrage, une phrase rituelle : « à ces questions, et à bien d’autres tout aussi passionnantes, ce livre vous permettra de répondre ». Il ne s’agit pas là d’un artifice, mais d’un objectif.

Vous disiez savoir, comprendre, réfléchir. Qu’en est-il de ce « réfléchir » ?

Une fois que l’on sait, que l’on a compris, il devient possible de mettre les choses en perspective. On peut ainsi, notamment, réfléchir aux résonances entre passé et présent. Parler de « résonances » signifie que l’on ne confond pas le passé et le présent, et que l’on ne tente pas d’expliquer le second à partir du premier. D’abord parce que l’Histoire ne se répète jamais vraiment. Ensuite parce que si le passé expliquait le présent, cela voudrait dire que nous, aujourd’hui, n’aurions aucune marge de manœuvre. Le passé permet seulement, mais cela est essentiel, de mieux comprendre des éléments du présent. Ajoutons que si l’on est habitué à décrypter des passés bien différents de ce que nous sommes aujourd’hui, on pourra ensuite utiliser cette capacité de décryptage au présent. C’est ainsi que l’Histoire et La Bibliothèque à remonter le temps peuvent être utiles.

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Ces résonances entre passé et présent apparaissent dans tous les ouvrages, lorsque cela est nécessaire, ici ou là, au fil du texte. Mais c’est plus particulièrement le sujet du dernier chapitre (le neuvième) de chaque livre. Dans celui sur les Vikings on voit comment, d’inventions en réinventions, s’est constitué notre image présente du Viking. Dans Les dieux de l’Égypte, on se demande sur le polythéisme égyptien a pu constituer ou non un pont avec les monothéismes. Le De Gaulle conduit à poser la question du rapport du Général à l’Histoire. Le Néolithique aborde la question des deux grands récits soulignés plus haut.

Pourquoi ces quatre premiers choix de titre ? Et quels thèmes pensez-vous aborder à l’avenir ?

Il s’agit, avec Le Néolithique, Les dieux de l’Égypte, Les Vikings et De Gaulle, d’offrir une large palette de sujets, qui correspond à des thématiques, des périodes historiques et des espaces géographiques variés.

Il en sera de même à l’avenir. Car cette histoire pour tous est ouverte à tous les champs de l’histoire. Il est prévu de faire paraître six livres par an, deux par deux. Il y aura ainsi La naissance de Rome, La Guerre d’Algérie, La Révolution française, Les Conquistadors, un Au temps des cathédrales, La Guerre froide, La Russie des Tsars, La France sous l’Occupation, La Guerre de cent Ans, ainsi que Les Indiens d’Amérique ou Les empires africains médiévaux

Cette collection revêt-elle aussi une dimension patrimoniale ? L’Histoire doit-elle comporter une dimension civique ?

La culture générale, écrivait De Gaulle, est l’école du commandement. Mais elle n’est pas seulement l’apanage du « chef ». Dans une société de plus en plus atomisée comme la nôtre, où l’on doute de tout, avec les conséquences que l’on sait (complotisme, rupture du lien social…), la culture générale renvoie à ce qui est commun, à ce qui peut relier. Aussi revêt-elle plus que jamais une valeur civique. Permettre à chacun de s’élever par le savoir, comme nous le souhaitons, avec cette collection, est aussi un constituant essentiel de notre démocratie.

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Avec, en plus, le plaisir de la lecture…

Pas en plus, mais avec. Car l’un ne va pas sans l’autre. Nous avons voulu de beaux livres, élégamment illustrés par des dessins répliques de vrais documents historiques. Ainsi qu’un texte rythmé en courts chapitres, paragraphes et phrases. Sans lexique, car tout doit se comprendre, même le complexe, par la manière d’écrire. Ouvrez un livre de la collection, dévorez-le et, l’équipe de La Bibliothèque à remonter le temps en est sûre, vous lirez les autres.

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Olivier Grenouilleau : "La bibliothèque à remonter le temps, une collection pour se réapproprier l'Histoire"

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09.04.2024

Avec « La Bibliothèque à remonter le temps », les éditions du Cerf lancent une collection destinée aux adolescents à partir de 14 ans. Les historiens entendent rendre l'histoire accessible à tous, de la Préhistoire au monde moderne, en passant par le Moyen Âge et le siècle des Lumières. En résumant l'état des connaissances fondamentales, des dates importantes et les débats historiographiques en cours. Les quatre premiers numéros sont consacrés au Néolithique, aux dieux de l’Égypte, aux Vikings et à De Gaulle.

Olivier Grenouilleau, qui dirige la collection, en résume l'esprit, et répond à la question de savoir si l'Histoire peut encore avoir une dimension patrimoniale, du moins civique.

Marianne : Les éditions du Cerf lancent « La Bibliothèque à remonter le temps », une nouvelle collection historique. À qui est-elle destinée ?

Olivier Grenouilleau : À chacun d’entre nous, à partir, pour les plus jeunes, du moment où l’on quitte l’enfance pour entrer dans l’adolescence, et sans prescription pour la suite, soit, globalement, de 14 à 99 ans (et davantage). Les ouvrages sont pensés et écrits pour tous, que l’on soit adolescent ou adulte, étudiant ou professeur, parent ou grand-parent, en fait pour tout citoyen. Il s’agit de connaître hier pour comprendre aujourd’hui, en associant le goût du savoir et le plaisir de la lecture.

Le goût du savoir, qu'est-ce donc ?

Effectivement, car ce n’est pas parce que l’on s’adresse à des adolescents ou à des adultes non spécialistes que l’on doit leur proposer des abrégés ou des résumés. Nous avons, pour tous, une vraie ambition, intellectuelle.

Concrètement, comment mettez-vous en œuvre cette ambition intellectuelle ?

Il s’agit de donner à savoir, à comprendre, à réfléchir. À savoir car, en environ 120 pages, les ouvrages font le point des connaissances sur un sujet donné. Ils associent pour cela les faits, les repères essentiels (cartes/chronologies) et les notions (polythéisme et monothéisme, immanence et transcendance, par exemple, pour Les dieux........

© Marianne


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