Le drame se poursuit dans la bande de Gaza. L’invasion de l’armée israélienne a déjà fait plus de 30 000 morts, dont de nombreux civils, en représailles à l’attaque du mouvement islamiste Hamas en octobre dernier, qui s’était soldée par quelque 1200 victimes et 250 otages, en partie déjà tués. Dans l’étriqué territoire, des milliers de personnes ne mangent plus à leur faim, rappellent des ONG. Certaines se nourrissent même de feuilles d’arbre.

L’urgence alimentaire n’est pas contestée. Mais le Conseil fédéral va-t-il pour autant reprendre ses paiements à l’UNRWA, cette agence de l’ONU qui nourrit les réfugiés palestiniens? C’est loin d’être sûr. Le camp bourgeois, surtout en Suisse alémanique, met une pression folle.

Pourtant, rien n’a vraiment changé depuis le gel des versements décidé par Berne, en écho à plusieurs pays occidentaux: Israël n’a pas apporté la preuve de ses accusations contre l’UNRWA et de l’implication terroriste d’employés. Un rapport officiel, chapeauté par l’ancienne ministre française Catherine Colonna, vient de le souligner.

Malgré cela, le Conseil fédéral pourrait bien supprimer ces prochains jours sa contribution à l’agence de l’ONU, entend-on de façon insistante à Berne. Et ce, alors que le second rapport officiel sur l’UNRWA n’est pas encore publié. Cette précipitation paraît incompréhensible et interroge la qualité de la gouvernance des sept Sages. Ne sont-ils pas censés baser ce type de décisions en premier lieu sur l’examen des faits?

La situation alimentaire à Gaza est catastrophique. L’UNRWA demeure la seule institution apte à nourrir la population. Elle n’est certainement pas parfaite, comme l’a relevé le rapport Colonna, mais la Suisse a tout à fait les moyens de conditionner son aide à des réformes. Recruter maintenant, à la hâte, des œuvres d’entraide de remplacement, comme l’évoque la droite alémanique, paraît peu réaliste.

Au-delà de la tradition humanitaire, une autre valeur nationale se retrouve en souffrance: la neutralité et ses bons offices. S'il coupe les vivres à l’UNRWA, et donc aux civils palestiniens, Berne fera peu de cas de l’équilibre entre les deux parties, puisqu’il continue de commercer et de collaborer militairement avec Israël, à qui il reconnaît le droit de se défendre. Il s’écartera en outre clairement de sa stratégie au Proche-Orient, soit favoriser la paix via la solution à deux Etats.

Après s’être isolée à l’ONU et avoir refusé la reconnaissance de la Palestine comme membre à part entière, la Suisse doit choisir entre l’agenda américain et une certaine vision de sa neutralité.

QOSHE - Le Conseil fédéral et l’UNRWA: tradition humanitaire et neutralité sur le billot - Philippe Boeglin
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Le Conseil fédéral et l’UNRWA: tradition humanitaire et neutralité sur le billot

44 6
29.04.2024

Le drame se poursuit dans la bande de Gaza. L’invasion de l’armée israélienne a déjà fait plus de 30 000 morts, dont de nombreux civils, en représailles à l’attaque du mouvement islamiste Hamas en octobre dernier, qui s’était soldée par quelque 1200 victimes et 250 otages, en partie déjà tués. Dans l’étriqué territoire, des milliers de personnes ne mangent plus à leur faim, rappellent des ONG. Certaines se nourrissent même de feuilles d’arbre.

L’urgence alimentaire n’est pas contestée. Mais le Conseil fédéral va-t-il pour autant reprendre ses paiements à l’UNRWA, cette agence de l’ONU qui nourrit les réfugiés palestiniens? C’est loin........

© Le Temps


Get it on Google Play