C’est lors des manifestations des Gilets jaunes que les lanceurs de balles de caoutchouc ont pu prétendre à la postérité. Petites, compactes, pour certaines fabriquées en Suisse, ces armes dites «non létales» ont servi à repousser les masses protestataires. Qui en ont payé le prix fort: plus de 20 éborgnements.

Parmi les victimes, des manifestants, des étudiants, parfois de simples passants. Un dysfonctionnement des polices françaises qui ne nous concerne pas, pourrait-on croire. Ce serait se tromper. Ces instruments s’utilisent également en Suisse. Avec des conséquences tout aussi dramatiques.

Théoriquement, ces outils ont été conçus dans un dessein louable: «neutraliser» la cible plutôt que de la tuer. Certains manifestants ou supporters ont certes été blessés ou ont perdu un œil. Mais ils ne sont pas morts. D’ailleurs, entend-on parfois, ne l’avaient-ils pas un peu mérité? Ils lançaient des pierres, ils proféraient des injures.

Parfois, face à une personne agressive, menaçante, armée, en cas de légitime défense, la police peut exercer le monopole régalien de la violence, qui lui échoit. Et tirer. Les récents débordements aux alentours des stades suisses prennent des proportions inquiétantes. Les policiers aussi ont peur. Certes. La solution est-elle pour autant dans les balles de caoutchouc?

On peut largement en douter. Comme ces armes sont imprécises et destinées à disperser la foule, un tir peut mettre en danger toutes les personnes alentour, qu’elles soient là pour en découdre ou non. Au-delà du risque de victime collatérale, il est difficile, dans un Etat de droit, de considérer comme proportionné que la police puisse mutiler des manifestants ou des supporters. Enfin, et c’est peut-être l’un des arguments les plus importants: dans une situation de tension, les forces de l’ordre devraient surtout chercher l’apaisement. Ce que ces armes ne semblent pas atteindre.

A court terme, elles causent des blessures dignes de scènes de conflit, elles créent la panique. A long terme, a fortiori pour ceux qui auront perdu un œil, elles représentent un traumatisme indélébile qui engendre une perte de confiance massive envers les institutions, du ressentiment, de l’incompréhension.

En 2012, interrogé sur l’acquisition potentielle de ces lanceurs de projectiles, un syndicat de police allemand disait la chose suivante: «Même si la police doit agir avec fermeté contre les militants violents, il n’y a pas de guerre civile en Allemagne et nous ne devons pas la provoquer.» Des mots qui sonnent juste.

QOSHE - Les lanceurs de balles de caoutchouc nuisent à la sécurité - Boris Busslinger
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Les lanceurs de balles de caoutchouc nuisent à la sécurité

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21.04.2024

C’est lors des manifestations des Gilets jaunes que les lanceurs de balles de caoutchouc ont pu prétendre à la postérité. Petites, compactes, pour certaines fabriquées en Suisse, ces armes dites «non létales» ont servi à repousser les masses protestataires. Qui en ont payé le prix fort: plus de 20 éborgnements.

Parmi les victimes, des manifestants, des étudiants, parfois de simples passants. Un dysfonctionnement des polices françaises qui ne nous concerne pas, pourrait-on croire. Ce serait se tromper. Ces instruments s’utilisent également en Suisse. Avec des conséquences tout aussi dramatiques.

Théoriquement, ces outils........

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