Pour mon dernier papier de l’année, je voulais vous proposer quelque chose de joyeux, d’allègre, de "charmant" comme on dit dans ma famille, c’est-à-dire de bon goût, pas vulgaire, pas vénère.

J’y aurais mis quelques clochettes, des rubans dorés, la ronde autour du sapin – on faisait ça chez nous. On se mettait sur notre 31 et on cachait tout derrière un sourire, absolument tout : la teinture ratée de Tante Clotilde ou la maigreur soudaine d’Etienne. J’en aurais profité, bien sûr, pour vous remercier de m’avoir lue, toute cette année, dans votre journal quotidien, et, pour certains, de m’avoir écrit. (Note de l’autrice : si cette chronique n’est pas vraiment une chronique de Noël, ma reconnaissance, elle, est authentique).

Pour les rubans dorés, je suis désolée, mais ça ne va pas être possible.

Première excuse : le Complément d’enquête sur Gégé m’est resté sur l’estomac, et j’ai beaucoup de mal à me concentrer sur autre chose en ce moment, si ce n’est pour ma deuxième excuse : une fiction qui me trotte dans la tête et que je voudrais tester auprès de vous.

Voilà un peu le scénario : imaginez une professeure de lettres sans histoire qui, en dehors d’une passion un peu dévorante pour l’Etranger de Camus, n’aurait strictement rien à se reprocher. Un soir, elle emmène ses élèves au théâtre et, alors que l’obscurité descend sur les gradins, elle tente un acte absurde, même pas par désir, plutôt par défi, par transgression : elle pose sa main sur le sexe de l’élève assis à ses côtés. Clac. C’en est fini pour elle : son travail, sa respectabilité, sa vie de famille.

La chronique du temps présent d'Astrid Eliard :"Nous sommes tous des enfants abusés"

Je prends un instant pour poser mon crayon, et prendre un peu de hauteur. Pauvre folle ! tu crois tenir une histoire originale ? Mais les mecs font ça depuis des siècles !

Et même pas pour rendre hommage à Camus, juste parce qu’il se trouve qu’ils peuvent le faire. Ne protestez pas. Ouvrez plutôt les yeux : cette possibilité est inscrite dans l’histoire de l’art, du cinéma, de la littérature.

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Tout récemment, un ami m’a mis un livre entre les mains, un petit livre d’art épuisé aujourd’hui, mais publié il n’y a pas si longtemps (2000). Le texte n’est pas présenté comme une fiction et est écrit par un écrivain qui œuvra comme professeur de littérature dans le secondaire. Je cite : "Vingt adolescentes – mais leur nombre est infini – entre quinze et seize ans, dans ce moment si singulier où elles accèdent à elles-mêmes et fourbissent leurs premières armes contre le seul adulte qui sache vraiment les regarder. […] Je veux croire, en franc-tireur amoureux que [ces amours] existèrent bien mieux que des amours adultes." J’ai parfois, hélas, une petite idée de comment tout cela va se terminer.

Astrid Eliard

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La chronique du temps présent d'Astrid Eliard : "Les rubans dorés des fêtes de fin d'année,...

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24.12.2023

Pour mon dernier papier de l’année, je voulais vous proposer quelque chose de joyeux, d’allègre, de "charmant" comme on dit dans ma famille, c’est-à-dire de bon goût, pas vulgaire, pas vénère.

J’y aurais mis quelques clochettes, des rubans dorés, la ronde autour du sapin – on faisait ça chez nous. On se mettait sur notre 31 et on cachait tout derrière un sourire, absolument tout : la teinture ratée de Tante Clotilde ou la maigreur soudaine d’Etienne. J’en aurais profité, bien sûr, pour vous remercier de m’avoir lue, toute cette année, dans votre journal quotidien, et, pour certains, de m’avoir écrit. (Note de l’autrice : si cette chronique n’est pas vraiment une chronique de Noël, ma reconnaissance,........

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