Qu’ont en commun la diminution de l’offre de transport collectif, les investissements dans le projet d’usine de Northvolt, la pollution émise par la fonderie Horne et le nouveau projet de loi qui ouvre la vente d’électricité entre entreprises privées ?

Ce sont tous des éléments qui ont des impacts directs sur nos vies, les inégalités et notre planète. Ce sont les résultats de choix politiques qui sont faits pour nous, sans nous consulter. En cette semaine d’occupation et d’éducation populaire, le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MEPACQ) dénonce l’inaction du gouvernement face à la crise climatique et invite la population à se mobiliser pour exiger des engagements en faveur des gens et de l’environnement plutôt qu’en faveur des profits des entreprises privées.

Nos gouvernements déroulent le tapis rouge aux entreprises privées au détriment des conditions de vie des Québécoises et Québécois. La Fonderie Horne en est un exemple parlant : l’entreprise Glencore continue de rejeter du poison dans l’air de la ville de Rouyn-Noranda avec la complicité du gouvernement. En effet, ce dernier a donné à l’entreprise jusqu’en mars 2028 pour réduire ses émissions d’arsenic à 15 nanogrammes par mètre cube d’air… soit cinq fois la norme provinciale !

Le dossier Northvolt illustre lui aussi les entorses et courbettes que le gouvernement est prêt à faire à ses propres règles pour faire plaisir à l’industrie. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a avoué en mars dernier avoir délibérément aidé Northvolt à éviter l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, et ce, malgré l’avis de ses fonctionnaires. Rien pour rassurer les 62 % de la population qui se disent « préoccupés » ou « très préoccupés » par les conséquences du développement de la filière batterie sur les arbres, les milieux humides, les terres agricoles et les cours d’eau.

En parallèle, 60 ans après la nationalisation de l’électricité au Québec, le gouvernement Legault envisage de légaliser la vente d’électricité d’une entreprise privée à une autre, sabrant ainsi le monopole étatique. Celui-ci est pourtant bénéfique à la population : en 2023, il a rapporté 3,4 milliards de dollars en dividendes au gouvernement du Québec, un montant pouvant contribuer à améliorer les services sociaux, le système de santé ou d’éducation. Quel intérêt pour nous de le partager avec l’entreprise privée ?

Pendant que des milliards en argent public sont investis dans la filière batterie, que le gouvernement offre des cadeaux à Glencore et privatise des pans de notre réseau d’hydroélectricité, faute de financement, nos services publics, eux, sont mis à mal.

Le transport collectif est un excellent exemple de ce désintérêt du gouvernement pour le filet social. Alors qu’il s’agit d’un service essentiel pour plusieurs personnes à faible revenu et d’une façon éprouvée de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, une récente recherche de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dévoile qu’il y a aujourd’hui sept fois moins de départs d’autobus interurbains qu’en 1980 en raison des désinvestissements dans ce secteur.

Dans les régions mal desservies par les transports collectifs, il devient de plus en plus inévitable de se tourner vers l’achat d’une voiture individuelle, ce qui, en plus de contribuer à l’accroissement du parc automobile, diminue les sources de revenus pour les services de transport. La roue tourne : les services diminuent, la pollution augmente.

Cela démontre bien comment les choix de notre gouvernement, qui privilégie les occasions d’affaires plutôt que le bien commun, ne sont pas sans conséquences. Dans certains cas, comme celui de Rouyn-Noranda, c’est la santé de gens qui se trouve directement affectée. Dans d’autres, les effets délétères sont plus subtils ou indirects, mais présents. Cela a pour effet de laisser les choses se détériorer et de donner l’impression qu’il n’existe pas de solution ni d’autre chose que ce modèle.

Pourtant, des solutions pour lutter contre la crise climatique et les inégalités, il y en a, nous les connaissons. On peut penser à un filet social fort qui permet d’éviter que les personnes plus vulnérables soient laissées-pour-compte. On peut également penser à des choix politiques cohérents avec les intérêts de la population, comme de financer le transport en commun ou d’appliquer les normes environnementales dont nous nous sommes pourtant dotés collectivement.

Pour le MEPACQ, deux solutions sont claires. D’abord, il faut sortir des énergies fossiles d’ici 2030, en s’assurant d’une transition juste et inclusive pour les communautés et les travailleuses et travailleurs. Par ailleurs, plutôt que de lui donner des passe-droits, il faut taxer massivement la richesse afin de réinvestir dans le filet social et d’assurer des conditions de vie décentes pour toutes et tous.

Face à l’inaction des gouvernements, il nous faut hausser le ton pour que la lutte contre les inégalités et la crise climatique soit une priorité bien avant les profits des entreprises privées. Nous avons notre force collective, notre espoir et notre colère pour nous organiser et rendre le changement inévitable.

*Ont cosigné cette lettre : Marc Benoît, Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie (ROEPAM) ; Naélie Bouchard-Sylvain, Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches ; Julie Corbeil, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire (TROVEP) de Montréal ; André Fortin, Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean ; Gabriel Grégoire-Mailhot, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire (TROVEP) de l’Estrie ; Josée Harnois, Table régionale des organismes volontaires d’éducation populaire (TROVEP) de la Montérégie ; Nancy Hubert, Association des groupes d’éducation populaire autonome du Centre-du-Québec (AGEPA CDQ) ; Christian Milot, Regroupement d’éducation populaire de l’Abitibi-Témiscamingue ; Catherine Pouliot, Mouvement d’éducation populaire autonome de Lanaudière ; Geneviève Tremblay-Racette, Table ronde des organismes volontaires en éducation populaire d’éducation de l’Outaouais (TROVEPO) ; Michel Savard, Table des groupes populaires de la Côte-Nord ; Stéphane Handfield, Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec (GRFPQ) ; Janie Bergeron, Regroupement des organismes Espace du Québec ; Emmélia Blais-Dowdy, Carrefour de participation, ressourcement et formation (CPRF).

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QOSHE - Nos vies avant leurs profits - Valérie Lépine
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Nos vies avant leurs profits

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17.04.2024

Qu’ont en commun la diminution de l’offre de transport collectif, les investissements dans le projet d’usine de Northvolt, la pollution émise par la fonderie Horne et le nouveau projet de loi qui ouvre la vente d’électricité entre entreprises privées ?

Ce sont tous des éléments qui ont des impacts directs sur nos vies, les inégalités et notre planète. Ce sont les résultats de choix politiques qui sont faits pour nous, sans nous consulter. En cette semaine d’occupation et d’éducation populaire, le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MEPACQ) dénonce l’inaction du gouvernement face à la crise climatique et invite la population à se mobiliser pour exiger des engagements en faveur des gens et de l’environnement plutôt qu’en faveur des profits des entreprises privées.

Nos gouvernements déroulent le tapis rouge aux entreprises privées au détriment des conditions de vie des Québécoises et Québécois. La Fonderie Horne en est un exemple parlant : l’entreprise Glencore continue de rejeter du poison dans l’air de la ville de Rouyn-Noranda avec la complicité du gouvernement. En effet, ce dernier a donné à l’entreprise jusqu’en mars 2028 pour réduire ses émissions d’arsenic à 15 nanogrammes par mètre cube d’air… soit cinq fois la norme provinciale !

Le dossier Northvolt illustre lui aussi les entorses et courbettes que le gouvernement est prêt à faire à ses propres règles pour faire plaisir à l’industrie. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a avoué en mars dernier avoir délibérément aidé Northvolt à éviter l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, et ce, malgré l’avis de ses fonctionnaires. Rien pour rassurer les 62 % de la........

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