Nous sommes de futurs enseignants et enseignantes, des étudiants et étudiantes en éducation à l’Université de Sherbrooke. Nous sommes « l’aide » espérée dans les écoles. Nous serons les enseignants et enseignantes de demain. Chaque trimestre, nos cohortes arrivent motivées et engagées dans leurs nouveaux milieux de stage et nous nous investissons entièrement pour rejoindre nos futurs collègues du milieu de l’éducation.

Le système éducatif, nous le connaissons bien. Nous faisions partie des enfants qui ont subi de près ou de loin les répercussions du système d’éducation à trois vitesses. Nous avons évolué dans le système le plus inégalitaire du pays, comme les milliers d’enfants des nouvelles générations.

Déjà comme stagiaires, nous constatons les répercussions de l’inaction politique. Nous côtoyons des élèves issus de divers parcours ; les enfants du privé, des programmes à vocation et du régulier. Selon le statut des élèves, ils et elles reçoivent un traitement différencié de la part de l’institution. Au privé, on choisit minutieusement les élèves selon leurs compétences cognitives. Par ailleurs, ceux et celles qui n’ont pas les moyens de débourser les montants faramineux d’une telle éducation ne peuvent tout simplement pas espérer en bénéficier. Ces enfants sont exclus systématiquement.

Au public, on offre des programmes à vocation aux enfants performants. Évidemment, une généreuse contribution monétaire est exigée. Les autres élèves, qui sont dans l’incapacité de rejoindre l’une des deux options, aboutissent dans les classes régulières, dans les classes « ordinaires ». Dans ces classes, les échecs, les difficultés d’apprentissage et les troubles de comportement sont surreprésentés.

En 1964 sortait le rapport Parent. Dans ce rapport, on imaginait collectivement un système d’éducation égalitaire. Le statut économique ne devenait plus une barrière. On institutionnalisait l’éducation pour tous et toutes. Pourtant, les rapports inégaux dans le système d’éducation n’ont jamais été aussi visibles qu’aujourd’hui. C’est l’argent qui dicte la place et le statut des enfants.

En plus de classer les enfants selon leur revenu familial, notre système d’éducation contribue à rompre les liens entre les élèves. On les isole dans des classes distinctes. On brise les relations possibles entre eux. On disloque les fondements même de l’école. Le manque de mixité sociale entre les élèves mène à des violences quotidiennes observables dans nos milieux de stage : clans distincts, intimidation, insultes, etc. Notre système d’éducation creuse chaque jour un fossé toujours plus grand entre les enfants.

Les enseignants et enseignantes se retrouvent devant un choix : une classe de « bons » ou de « mauvais » élèves. Considérant l’ampleur de la charge de travail d’un enseignant type, qui ne choisirait pas la première option ? Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, les nouvelles charges proposées aux diplômés sont ardues, complexes et minent l’engagement des nouveaux et des nouvelles professionnels. Dans de telles circonstances, il n’est pas surprenant d’observer une désillusion massive parmi les nouveaux et nouvelles diplômés.

Nous signons collectivement cette lettre pour éviter d’enseigner dans un système d’éducation qui disqualifie systématiquement une partie des élèves. Nous ne voulons pas expliquer à nos futurs élèves pourquoi ils et elles sont exclus des activités parascolaires. Nous ne voulons pas voir des enfants au potentiel immense confinés dans des classes « ordinaires ». Nous voulons éviter d’être témoins, encore une fois, des violences sociales vécues par les élèves.

Nous demandons à Bernard Drainville d’assumer ses responsabilités. Nous demandons une réforme et une réflexion collective sur l’avenir de l’éducation. Nous voulons assister à la naissance d’un nouveau système d’éducation juste, équitable et accessible pour tous et toutes.

*Ont cosigné cette lettre : Benjamin Lalonde ; Vik Daoust Proietti ; Christopher Lortie ; Justin Allaire ; Kasandra Boucher ; Mindy Chabot ; Kathy Poirier ; Stéphanie Lanctôt ; Tamie Malenfant ; Meghan Vinet-Richer ; Megan Bergeron ; Léa McCollough ; Arianne Guay ; Justine Lussier ; Marie-Pier Deacon ; Amélie Ouellet-Tremblay ; Marilou Couture ; Sabrina Provencher ; Mindy Chabot ; Pénélope Poirier ; Olivier Provost ; Mireille Fortin ; Maxime Coutu ; Sabrina Laplante ; Raphaëlle Cypihot-Tremblay ; Luis Canizalez ; Camila Lopez Hincapie ; Nicola Bertolini ; Osée Blais.

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QOSHE - Nous voulons enseigner dans un système juste, équitable et accessible - Simon Dugrenier Et Éliane Quimper
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Nous voulons enseigner dans un système juste, équitable et accessible

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19.04.2024

Nous sommes de futurs enseignants et enseignantes, des étudiants et étudiantes en éducation à l’Université de Sherbrooke. Nous sommes « l’aide » espérée dans les écoles. Nous serons les enseignants et enseignantes de demain. Chaque trimestre, nos cohortes arrivent motivées et engagées dans leurs nouveaux milieux de stage et nous nous investissons entièrement pour rejoindre nos futurs collègues du milieu de l’éducation.

Le système éducatif, nous le connaissons bien. Nous faisions partie des enfants qui ont subi de près ou de loin les répercussions du système d’éducation à trois vitesses. Nous avons évolué dans le système le plus inégalitaire du pays, comme les milliers d’enfants des nouvelles générations.

Déjà comme stagiaires, nous constatons les répercussions de l’inaction politique. Nous côtoyons des élèves issus de divers parcours ; les enfants du privé, des programmes à vocation et du régulier. Selon le statut des élèves, ils et elles reçoivent un traitement différencié de la part de l’institution. Au privé, on choisit minutieusement les élèves selon leurs compétences cognitives. Par ailleurs, ceux et celles qui n’ont pas les moyens de débourser les montants faramineux d’une telle........

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