Les auditions à l’Assemblée nationale concernant le projet de loi 44, qui apporte une consolidation des Fonds de recherche du Québec, viennent de se terminer. Plusieurs choses ont été dites et écrites qui méritent, croyons-nous, des rectifications.

Avec le regroupement des Fonds et la création du poste de scientifique en chef en 2011, il y a eu une forte progression vers l’intégration des Fonds, tout en préservant la culture propre à chacun d’eux, et une augmentation des budgets sectoriels consacrés à la recherche libre et fondamentale.

Trois directions scientifiques avaient été créées, avec un directeur ou une directrice scientifique à titre de dirigeant de chacun des Fonds, et les services communs des Fonds ont tous été harmonisés et intégrés à une direction générale.

Ce regroupement a bénéficié à l’écosystème de la recherche, aux chercheurs, aux étudiants, et surtout à la recherche libre et fondamentale. Le projet de loi tient compte de ces acquis et maintient les postes du personnel des Fonds dans leur intégralité.

Nombreux sont ceux qui demandent que les Fonds demeurent rattachés au ministère de l’Enseignement supérieur, plutôt qu’à celui de l’Économie. Depuis 2003, à l’exception de la période de septembre 2012 à janvier 2016, les Fonds ont dans les faits toujours été rattachés au ministère de l’Économie ou du Développement économique : des crédits annuels lors du dépôt du budget du gouvernement à la reddition de comptes, tout passe par le ministère. Le projet de loi vient reconnaître un état de fait.

Plusieurs estiment que le « passage » des Fonds sous la tutelle du ministre de l’Économie comporterait un risque important, soit celui qu’ils privilégient progressivement la recherche ayant des retombées économiques. Depuis que les Fonds sont revenus sous la responsabilité du ministre de l’Économie, en 2016, leur budget global, excluant les partenariats et les grands défis, a connu une croissance de 35 %.

La recherche libre et fondamentale représente aujourd’hui 80 % des octrois des Fonds. La recherche orientée ne représente que 20 % de leurs budgets : là aussi les chercheurs ont la liberté de soumettre ou pas une demande de subvention.

Tout comme la précédente Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI), la SQRI2 (2022-2027) reconnaît le soutien des Fonds à la recherche libre et fondamentale, par une hausse de 13 % du budget global, et surtout par l’augmentation du budget de base des Fonds, une première dans une SQRI !

Deux recommandations pour rapprocher le nouveau Fonds de la réalité de la recherche. Les Fonds doivent impérativement se soumettre à la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État (LGSE). Nous pensons que le passage de trois à un seul conseil d’administration facilitera l’adaptation aux exigences de la LGSE et allégera les structures actuelles. Sans le projet de loi, la LGSE, qui s’appliquera de toute façon, viendrait manifestement alourdir la structure des Fonds, voire compromettre les synergies développées depuis plus de dix ans.

La LGSE et le projet de loi dans sa forme actuelle éloigneront le nouveau Fonds de la réalité de la recherche. La LGSE exige en effet que les deux tiers des membres du conseil d’administration soient indépendants. C’est pourquoi nous avons recommandé que les titulaires des postes de président du conseil d’administration, de scientifique en chef et de directeurs scientifiques soient issus du milieu universitaire et que la majorité des membres du conseil d’administration proviennent du milieu universitaire.

Par ailleurs, il nous semble essentiel que le nouveau Fonds puisse disposer d’un mécanisme lui permettant d’être le plus près possible des besoins et des préoccupations de la communauté scientifique, et ce, pour les trois secteurs de recherche.

C’est pourquoi nous avons recommandé la mise en place de trois comités scientifiques conseils, un par grand secteur de recherche et présidé chacun par la directrice scientifique, dont les membres sont des chercheurs actifs et représentatifs du secteur.

Ce mécanisme assurerait la pleine influence de la communauté scientifique afin de faire valoir les spécificités de chaque secteur. Les directions scientifiques exerceront ainsi un rôle de leadership dans la programmation scientifique et les priorités actuelles et futures de leur domaine respectif.

Le projet de loi vient aussi formaliser le rôle-conseil que le scientifique en chef exerce auprès du gouvernement depuis 2011, tout en assurant l’indépendance que requiert sa fonction. Il vient de plus renforcer la présence étudiante avec la nomination de trois membres étudiants dans le conseil d’administration.

Le projet de loi ne porte pas atteinte à la liberté universitaire : le soutien à la recherche libre et fondamentale demeurera l’essentiel des orientations et du financement du nouveau Fonds. La communauté scientifique et étudiante aura, comme toujours, la liberté de soumettre des demandes de subvention ou de bourse selon ses intérêts de recherche.

Aujourd’hui, nous sommes en meilleure position pour aller de l’avant vers une intégration complète où les secteurs du nouveau Fonds conserveront leurs poids, leurs spécificités et leurs missions de base : soutenir l’excellence en recherche.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

QOSHE - Le projet de loi 44 ne porte pas atteinte à la liberté universitaire - Rémi Quirion
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Le projet de loi 44 ne porte pas atteinte à la liberté universitaire

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05.04.2024

Les auditions à l’Assemblée nationale concernant le projet de loi 44, qui apporte une consolidation des Fonds de recherche du Québec, viennent de se terminer. Plusieurs choses ont été dites et écrites qui méritent, croyons-nous, des rectifications.

Avec le regroupement des Fonds et la création du poste de scientifique en chef en 2011, il y a eu une forte progression vers l’intégration des Fonds, tout en préservant la culture propre à chacun d’eux, et une augmentation des budgets sectoriels consacrés à la recherche libre et fondamentale.

Trois directions scientifiques avaient été créées, avec un directeur ou une directrice scientifique à titre de dirigeant de chacun des Fonds, et les services communs des Fonds ont tous été harmonisés et intégrés à une direction générale.

Ce regroupement a bénéficié à l’écosystème de la recherche, aux chercheurs, aux étudiants, et surtout à la recherche libre et fondamentale. Le projet de loi tient compte de ces acquis et maintient les postes du personnel des Fonds dans leur intégralité.

Nombreux sont ceux qui demandent que les Fonds demeurent rattachés au ministère de l’Enseignement supérieur, plutôt qu’à celui de l’Économie. Depuis 2003, à l’exception de la période de septembre 2012 à janvier 2016, les Fonds ont dans les faits toujours été rattachés au ministère de l’Économie ou du Développement économique : des crédits........

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