Dans sa célèbre Psychologie des foules, Gustave Le Bon (1841-1931) écrivait que, lorsque l’humain se retrouve en groupe, il aime à se sentir subjugué. C’est alors qu’il ferme les yeux et préfère l’irréel au réel, le mensonge à la vérité. Et lorsqu’un sentiment de stagnation s’installe dans la population, ce phénomène s’amplifie et prend des proportions inquiétantes.

Or c’est le cas aujourd’hui aux États-Unis où, prétextant le manque de vitalité économique et la présence nuisible d’étrangers, Donald Trump espère tirer son épingle du jeu.

Se plaisant constamment à fragiliser et à déstabiliser un auditoire conservateur captif par d’innombrables discours apocalyptiques, cet ancien animateur de téléréalité a habilement transformé ses propres vices et ses phobies au rang de vertus nationales. Il se présente d’ailleurs comme un électron libre quasi insaisissable par les pouvoirs judiciaires du pays.

Or, c’est exactement ce qui plaît au peuple américain, un peuple toujours avide de plus de liberté, de surprises et de sensations fortes. Fort de sa paranoïa savamment utilisée, Trump dira à ses partisans que leur nation est présentement la risée du monde avec un président qu’il s’amuse à décrire comme sénile. Pourtant, tant politiquement que diplomatiquement ou encore économiquement, rien ne vient confirmer cette évaluation rapide de son concurrent à la Maison-Blanche.

Mais Trump ne se gêne pas et présente la présidence de Joe Biden comme une des pires de l’histoire américaine. Et cela, même si, selon la plupart des analystes politiques, celle-ci aura été marquée par une plus grande ouverture au monde et aura été profitable économiquement.

Mais peu importe, c’est à partir d’affirmations frauduleuses de la sorte que, comme par magie, la mégalomanie de Donald Trump de même que son racisme et sa haine de l’étranger apparaîtront au peuple américain comme autant de nécessités sociales.

Remarquons d’ailleurs comment les propos haineux de Donald Trump, qui, prononcés par n’importe quel autre politicien ou chef d’État, auraient été inacceptables et irrecevables sur la scène politique, s’avèrent aux yeux de ses partisans tout à fait légitimes et même louables…

Or, et c’est ce qui est déconcertant, il est important de souligner qu’en société, ce n’est jamais l’individu, la tradition ou sa culture qui sont garants du sens moral, mais bien plutôt… le politique ! C’est toujours lui qui, au final et dans tous genres de régimes, trace les lignes de ce qui sera… le bien et le mal. On n’a ici qu’à considérer les agissements des partisans de Donald Trump lors de l’assaut du Capitole pour en saisir la portée.

Et malgré la foi naïve de l’intelligentsia américaine démocrate dans le fonctionnement de leur système politique, ce beau grand pays risque malheureusement, avec cet agitateur professionnel comme président, de renforcer la présence de dictateurs partout dans le monde. Actuellement, seul un débordement incontrôlable de violence de la part de ses partisans pourrait ralentir sa course. Ce qui, on l’a vu, reste toujours possible. Mais encore là…

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QOSHE - Aux États-Unis, le cauchemar annoncé - Pierre Desjardins
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Aux États-Unis, le cauchemar annoncé

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25.03.2024

Dans sa célèbre Psychologie des foules, Gustave Le Bon (1841-1931) écrivait que, lorsque l’humain se retrouve en groupe, il aime à se sentir subjugué. C’est alors qu’il ferme les yeux et préfère l’irréel au réel, le mensonge à la vérité. Et lorsqu’un sentiment de stagnation s’installe dans la population, ce phénomène s’amplifie et prend des proportions inquiétantes.

Or c’est le cas aujourd’hui aux États-Unis où, prétextant le manque de vitalité économique et la présence nuisible d’étrangers, Donald Trump espère tirer son épingle du jeu.

Se plaisant constamment à fragiliser et à déstabiliser un auditoire conservateur captif par d’innombrables discours apocalyptiques, cet ancien animateur de téléréalité a habilement transformé ses propres vices et ses phobies au rang de vertus nationales. Il se présente d’ailleurs comme un électron........

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