Le Parti québécois (PQ) a beau avoir le vent dans les voiles, il est présomptueux de prédire sa victoire avec autant d’assurance que l’a fait Paul St-Pierre Plamondon au dernier conseil national. Entre la confiance et l’arrogance, il y a une ligne qu’il faut se garder de franchir.

Il y avait plus de 25 ans que les militants péquistes n’avaient pas affiché un tel optimisme. Depuis les élections de 1998, remportées malgré l’obtention de moins de voix que le Parti libéral du Québec (PLQ), les « conditions gagnantes » n’avaient cessé de s’éloigner. À Drummondville, la foi qu’on dit capable de transporter les montagnes était de retour.

Pour que la tenue d’un référendum avant la fin de la décennie devienne « une certitude », il faudrait toutefois que le PQ forme un gouvernement majoritaire. Sinon, il devra négocier le libellé de la question avec au moins un autre parti pour être en mesure de la faire adopter. M. St-Pierre Plamondon a appelé à la formation de « la plus grande coalition pour le Oui que le Québec n’aura jamais connue ». Inviter les autres partis à « délaisser la dynamique partisane actuelle à l’Assemblée nationale », c’est malheureusement rêver en couleurs. Le passé a démontré que le parti l’emporte généralement sur la patrie.

La rhétorique qu’il a utilisée en fin de semaine n’est pas de nature à favoriser les rapprochements. Tous les partis, même le PLQ, déplorent l’invasion des champs de compétence du Québec par Ottawa. De là à y voir une volonté bien arrêtée d’anéantissement, à l’instar de lord Durham, c’est une autre affaire.

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Sans surprise, le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay, a dénoncé le caractère « radical » de son discours. Les libéraux ne demandent pas mieux que de redevenir les champions de la lutte contre les séparatistes. M. St-Pierre Plamondon ne s’imagine sûrement pas pouvoir les enrôler dans sa coalition.

Le sort de la Coalition avenir Québec après les prochaines élections demeure un point d’interrogation. La perspective d’un référendum pourrait même la faire éclater. Le chef péquiste s’est fait un malin plaisir de remercier François Legault pour sa contribution à la cause indépendantiste en démontrant l’impossibilité d’une « troisième voie », qui semble en effet bloquée.

En 2017, Québec solidaire (QS) avait signé, avec le PQ, Option nationale et le Bloc québécois, une « feuille de route » prévoyant une démarche commune d’accession à l’indépendance. À l’occasion d’un congrès qui s’était transformé en véritable procès, les militants de QS avaient cependant rejeté toute forme d’alliance avec le PQ. M. St-Pierre Plamondon a indiqué en fin de semaine qu’il n’entendait pas refaire l’exercice avant les élections de 2026. Il a également réitéré que la démarche prévue dans le programme solidaire, qui propose l’élection d’une assemblée constituante préalablement à la tenue d’un référendum sur un projet de constitution, ne pouvait pas mener à l’indépendance.

Il y a manifestement là un problème.

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Au-delà de la mécanique référendaire, les propos que le chef du PQ a tenus en fin de semaine risquent de raviver la méfiance des militants solidaires. S’il y a une chose qui les indispose au plus haut point, c’est qu’on présente l’immigration comme un danger pour le Québec et son identité.

En toute justice, précisons que M. St-Pierre Plamondon n’a adressé aucun reproche aux immigrants. Quand il a dit que « l’effacement de notre différence est en marche » et qu’il a présenté le prochain référendum comme « l’ultime chance de se donner une pérennité linguistique et culturelle », il pensait plutôt à la menace que représente l’entreprise de nation-building qu’Ottawa poursuit inlassablement depuis des décennies. Il n’en demeure pas moins que les objectifs fédéraux en matière d’immigration excèdent la capacité d’intégration du Québec, même si le gouvernement Trudeau envisage de mettre provisoirement un frein à l’afflux d’immigrants temporaires.

Aussi bien au PQ qu’à QS, on sait très bien que l’union est une condition indispensable à l’indépendance. La question est de savoir quand et sur quelles bases reprendre le dialogue. Il ne sera pas possible d’effacer les blessures du passé ; ce serait déjà un progrès de ne pas en causer de nouvelles et d’éviter les querelles inutiles.

Les délégués au conseil général ont planché pendant deux jours sur un programme de lutte contre la crise du logement et de facilitation de l’accès à la propriété. Cela s’impose pour tout parti qui aspire à former un gouvernement, à plus forte raison quand il se réclame des valeurs de la social-démocratie. On sent néanmoins un certain agacement lié au fait que QS a réussi à s’approprier ce thème, comme en témoigne le refus mesquin d’accoler le nom de Françoise David à la loi visant à protéger les aînés contre les évictions. Il est plus facile de faire valoir ses propres mérites quand on reconnaît ceux de l’autre.

De part et d’autre, on constate que les objectifs électoraux ne sont plus nécessairement incompatibles. QS est né et s’est développé en puisant dans l’électorat du PQ, mais la progression de ce dernier depuis un an s’est faite essentiellement aux dépens de la Coalition avenir Québec. C’est comme si les deux partis avaient maintenant des clientèles distinctes.

Cela pourrait éliminer un obstacle. Temporairement, du moins.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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La grande coalition de Paul St-Pierre Plamondon

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16.04.2024

Le Parti québécois (PQ) a beau avoir le vent dans les voiles, il est présomptueux de prédire sa victoire avec autant d’assurance que l’a fait Paul St-Pierre Plamondon au dernier conseil national. Entre la confiance et l’arrogance, il y a une ligne qu’il faut se garder de franchir.

Il y avait plus de 25 ans que les militants péquistes n’avaient pas affiché un tel optimisme. Depuis les élections de 1998, remportées malgré l’obtention de moins de voix que le Parti libéral du Québec (PLQ), les « conditions gagnantes » n’avaient cessé de s’éloigner. À Drummondville, la foi qu’on dit capable de transporter les montagnes était de retour.

Pour que la tenue d’un référendum avant la fin de la décennie devienne « une certitude », il faudrait toutefois que le PQ forme un gouvernement majoritaire. Sinon, il devra négocier le libellé de la question avec au moins un autre parti pour être en mesure de la faire adopter. M. St-Pierre Plamondon a appelé à la formation de « la plus grande coalition pour le Oui que le Québec n’aura jamais connue ». Inviter les autres partis à « délaisser la dynamique partisane actuelle à l’Assemblée nationale », c’est malheureusement rêver en couleurs. Le passé a démontré que le parti l’emporte généralement sur la patrie.

La rhétorique qu’il a utilisée en fin de semaine n’est pas de nature à favoriser les rapprochements. Tous les partis, même le PLQ, déplorent........

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