Il n’y a plus qu’au sein de la sphère politique conservatrice qu’émergent de nouveaux freins à la lutte contre les changements climatiques du gouvernement de Justin Trudeau. Deux décisions des tribunaux, rendues coup sur coup, sont venues à leur tour fragiliser ce cadre environnemental libéral.

En tentant de forcer ce virage écologique au fil des ans, les libéraux fédéraux ont notamment réformé le processus d’évaluation d’impact environnemental et interdit certains articles de plastique à usage unique. Dans les deux cas, Ottawa a erré, en instaurant des mesures d’une « portée excessive » et donc inconstitutionnelles, ont tranché la Cour suprême et la Cour fédérale dans les six dernières semaines.

Des décisions qui viennent heureusement rappeler la compétence exclusive des provinces dans ces domaines, après la leur avoir niée dans le dossier de la tarification du carbone. Mais qui, à tout au plus deux ans d’une prochaine élection, renvoient le gouvernement Trudeau faire rapidement ses devoirs s’il souhaite fortifier, dans le respect cette fois-ci de sa propre juridiction, son legs climatique aujourd’hui de plus en plus chancelant.

Ni l’une ni l’autre des lois libérales concernées n’a été invalidée. Le décret indexant à la liste de substances toxiques six produits de plastique à usage unique a été jugé trop vaste, « déraisonnable » et a ainsi été annulé par la Cour fédérale. Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a annoncé qu’Ottawa interjeterait appel. Mais la loi se référant au décret pour bannir ces produits à compter de la fin de l’année reste inchangée. Du moins, tant qu’elle n’est pas elle aussi contestée.

À voir des citoyens, des politiciens de droite et les premiers ministres de l’Alberta et de la Saskatchewan s’insurger encore en 2023 de devoir faire des emplettes avec des sacs réutilisables, il y a fort à parier qu’une telle contestation anachronique ne saura tarder.

La loi libérale de l’évaluation d’impact environnemental demeure aussi en place. La Cour suprême n’en a déclaré inconstitutionnel qu’un seul pan, portant sur l’étude de projets n’étant pas directement du ressort du fédéral, dans une opinion non contraignante. Le ministre Guilbeault a néanmoins promis, afin d’en ternir compte, d’amender rapidement le projet de loi C-69 en question.

Ces deux récentes opinions judiciaires viennent conforter les provinces conservatrices dans leur entêtement à s’opposer à toute action climatique trop ambitieuse à leurs yeux plus que frileux. Tout comme l’a fait le gouvernement Trudeau lui-même, en amputant son propre régime de tarification carbone pour en exempter temporairement le chauffage au mazout.

Aux balises judiciaires apportées au plan libéral environnemental s’ajoute en outre une défection croissante de la population. Les préoccupations économiques sont en train d’éclipser l’angoisse et la responsabilité climatiques.

L’environnement ne se classe désormais priorité que pour 22 % des Canadiens, contre 40 % il y a quatre ans. Le coût de la vie et la lutte contre l’inflation dominent au palmarès des inquiétudes pour 62 % des répondants. Le récent coup de sonde d’Angus Reid révèle en outre que plus de la moitié des Canadiens (56 %) s’opposent maintenant à une tarification carbone.

Les pronostics d’échec de l’atteinte des cibles climatiques du Canada ne sont plus à recenser. Voici autant de nouveaux obstacles qui viendront ralentir cette course contre la montre déjà essoufflée.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

QOSHE - Une lutte de toutes parts ralentie - Marie Vastel
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Une lutte de toutes parts ralentie

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22.11.2023

Il n’y a plus qu’au sein de la sphère politique conservatrice qu’émergent de nouveaux freins à la lutte contre les changements climatiques du gouvernement de Justin Trudeau. Deux décisions des tribunaux, rendues coup sur coup, sont venues à leur tour fragiliser ce cadre environnemental libéral.

En tentant de forcer ce virage écologique au fil des ans, les libéraux fédéraux ont notamment réformé le processus d’évaluation d’impact environnemental et interdit certains articles de plastique à usage unique. Dans les deux cas, Ottawa a erré, en instaurant des mesures d’une « portée excessive » et donc inconstitutionnelles, ont tranché la Cour suprême et la Cour fédérale dans les six dernières semaines.

Des décisions qui viennent heureusement rappeler la compétence exclusive des provinces dans ces domaines, après la leur avoir niée dans le dossier de la tarification du carbone. Mais qui, à........

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