Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, se doutait bien que les dernières sommes annoncées cette semaine aux provinces pour les aider à financer le logement provisoire de demandeurs d’asile sur leur territoire ne répondaient en rien à celles réclamées par le Québec. Non seulement l’enveloppe réservée est-elle deçà de celle espérée, elle ne correspond même pas aux services sociaux visés par la requête québécoise, ignorée par Ottawa depuis maintenant plus d’un an.

Les airs de générosité du ministre ont plutôt rapidement révélé toute la condescendance qu’il réserve aux demandes du Québec.

Il ne lui a fallu que quelques minutes pour répéter son affront favori à l’endroit du gouvernement de François Legault, à l’effet que les migrants cherchant l’asile au Canada ne sont « pas du bétail ». Cette répartition souhaitée des demandeurs d’asile à l’échelle canadienne, qui représentait pourtant une pratique acceptable aux yeux d’Ottawa lorsqu’elle répondait aussi aux inquiétudes de municipalités ontariennes, est désormais injustifiable venant de la part du Québec.

Quant au soutien financier réclamé pour acquitter une part des services publics offerts aux migrants en terre québécoise, M. Miller refuse d’y voir l’effet mathématique du bond démographique découlant des politiques frontalière et d’immigration fédérales. Le ministre renvoie la balle à sa collègue Chrystia Freeland, aux Finances. Et il fait valoir que ce filet social bénéficie déjà de transferts fédéraux en matière de santé et de programmes sociaux, de même que de l’Accord Canada-Québec en immigration.

Or, ceux-ci n’ont pas été bonifiés en proportion de l’envolée d’arrivées migratoires des dernières années.

Le Québec aura ainsi droit à 100 millions de dollars pour l’année 2023 en vertu du Programme d’aide au logement provisoire (PALP), créé il y a cinq ans et prolongé successivement par le ministère fédéral de l’Immigration. Une annonce globale de 362 millions de dollars qui tombait à point, surtout, pour répliquer à la Ville de Toronto, dont la mairesse Olivia Chow menaçait, dans son budget de cette semaine, de faire porter l’odieux d’une hausse de taxes encore plus importante à l’arrivée de migrants mal gérée par le fédéral. La Ville Reine recevra donc à elle seule 143 millions.

Le gouvernement Legault réclame cependant 470 millions de dollars à Ottawa, en sus du PALP. Une somme équivalente à l’aide de dernier recours (232 millions), aux services d’éducation et de francisation (170 millions), ainsi qu’aux services sociaux et de santé (67 millions) offerts aux demandeurs d’asile arrivés au Québec en 2021 et 2022. Deux années au cours desquelles, respectivement, 40 % et 64 % des demandes d’asile traitées par le gouvernement du Canada l’ont été en sol québécois. Un chiffre qui atteignait encore 46 % des demandes l’an dernier, pour un total d’environ 65 600, soit plus de six fois le nombre enregistré en 2021.

Le ministre Miller a beau prétendre qu’il reconnaît que le Québec « a fait plus que sa juste part », il s’entête à faire fi du fait que cet accueil engendre des frais que le gouvernement québécois ne peut à lui seul assumer.

La balle est désormais dans le camp de la ministre des Finances et vice-première ministre Freeland. Bien que Québec espère encore qu’elle délie les cordons de la bourse, il y a fort à parier qu’un éventuel remboursement fédéral — s’il se concrétise — sera bien moindre que les besoins réels.

Ottawa planche enfin sur des correctifs structurants à son système d’immigration : en accélérant l’octroi beaucoup trop lent de permis de travail et en préparant le retour d’une exigence de voyage pour les ressortissants mexicains, chez qui la levée de visas par le gouvernement de Justin Trudeau (contre l’avis de fonctionnaires fédéraux) s’est traduite par une explosion de demandes d’asile, toujours plus nombreuses au Québec.

Les flux migratoires de la planète ne contourneront pas subitement le Canada, qui a la responsabilité d’accueillir ceux qui fuient une terre hostile à la recherche d’un asile sûr et paisible. Le gouvernement canadien porte cependant en outre celle de les soutenir dignement dans ce périple. Et non d’esquiver sa part de responsabilité financière accompagnant cet accueil.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

QOSHE - Ottawa fait la sourde oreille sur les demandeurs d’asile - Marie Vastel
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Ottawa fait la sourde oreille sur les demandeurs d’asile

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02.02.2024

Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, se doutait bien que les dernières sommes annoncées cette semaine aux provinces pour les aider à financer le logement provisoire de demandeurs d’asile sur leur territoire ne répondaient en rien à celles réclamées par le Québec. Non seulement l’enveloppe réservée est-elle deçà de celle espérée, elle ne correspond même pas aux services sociaux visés par la requête québécoise, ignorée par Ottawa depuis maintenant plus d’un an.

Les airs de générosité du ministre ont plutôt rapidement révélé toute la condescendance qu’il réserve aux demandes du Québec.

Il ne lui a fallu que quelques minutes pour répéter son affront favori à l’endroit du gouvernement de François Legault, à l’effet que les migrants cherchant l’asile au Canada ne sont « pas du bétail ». Cette répartition souhaitée des demandeurs d’asile à l’échelle canadienne, qui représentait pourtant une pratique acceptable aux yeux d’Ottawa lorsqu’elle répondait aussi aux inquiétudes de municipalités ontariennes, est désormais injustifiable venant de la part du Québec.

Quant au soutien financier........

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