On se remet du Vendredi fou et du Cyberlundi, grand rendez-vous annuel du consumérisme d’avant-Noël. Entre inflation et changement climatique, lequel exerce le plus d’influence sur les habitudes de consommation ? On a une petite idée n’est-ce pas ?

Difficile d’y voir une conclusion sinon une orientation claire dans les résultats de l’étude de la firme EY sur les habitudes de consommation des Canadiens publiée le 14 novembre. D’entrée de jeu, l’indice d’EY de l’évolution des habitudes des consommateurs fait ressortir que « l’aggravation des préoccupations à l’égard de l’inflation (96 %) et des changements climatiques (84 %) pousse les Canadiens à changer leur façon de vivre et leurs habitudes d’achat ».

Au fil des ans, de sondage en sondage, le décalage entre les intentions et les actions se fait persistant, et ce, tant dans les réponses des entreprises que dans celles des consommateurs. Mais, cette fois, il semble que « les effets réels des changements environnementaux sur la vie des gens rétrécissent cet écart et suscitent une nouvelle vague de changement », poursuit le cabinet.

Première mesure observée : les consommateurs achètent moins. En fait, plus de la moitié des répondants prévoient de réduire leurs achats, le geste s’inscrivant dans une démarche d’effort de protection de l’environnement pour 38 % d’entre eux. Le fait d’acheter moins d’accessoires de mode arrive en tête de liste des intentions de réduction des dépenses. Ils sont suivis des jouets et des gadgets, puis des vêtements, chaussures, produits de beauté et cosmétiques. On évoque surtout l’effet sur les prix et l’abordabilité des phénomènes météorologiques extrêmes, de la hausse des coûts de l’énergie ou encore celui du climat sur les récoltes plutôt qu’un changement de conscience incitant à l’engagement.

Autre observation : les consommateurs modifient leur alimentation. Ici, on retient que le changement climatique a fait grimper les prix ou a limité l’accès aux produits, ce qui a forcé près du tiers des répondants à modifier leur comportement en matière d’alimentation. Plus précisément, l’on parle de 32 % des répondants qui « commencent à envisager d’acheter des produits qui peuvent atténuer les effets des changements climatiques ».

Cette lecture n’est évidemment pas sans faire ressortir l’existence d’un certain fossé intergénérationnel. Ainsi, les boomers sont majoritairement plus sensibles à l’utilisation de plastique, au recyclage ou à l’économie de l’eau, alors que c’est le cas pour beaucoup moins de la moitié des plus jeunes. En revanche, « un quart des membres de la génération Z indiquent qu’ils sont prêts à payer pour des biens et services plus durables, par rapport à 6 % des baby-boomers ». Ou encore, « 32 % des membres de la génération Z vérifieront en ligne les politiques en matière de développement durable d’une organisation donnée, par rapport à 7 % des baby-boomers ». On joue, ici, dans les pourcentages minoritaires. Mais lorsque tous les petits gestes comptent…

Cela n’est pas sans rappeler cette date du 2 août qui a marqué, cette année, la journée du dépassement de la biocapacité de la Terre. Selon les derniers comptes nationaux de l’empreinte de Global Footprint Network (GFN), l’humain consommerait en ressources écologiques comme s’il vivait sur 1,7 planète Terre.

Faible consolation, cette date se maintient en août depuis 2005. Rendue à son creux, la tendance de cette empreinte écologique s’est également stabilisée au cours des cinq dernières années. Il est toutefois difficile de déterminer dans quelle mesure cela est dû au ralentissement économique ou aux efforts délibérés de décarbonation, souligne l’organisation internationale vouée au développement durable.

Il ressort des calculs de GFN que si tous consommaient comme les Canadiens, ce jour arriverait le 13 mars. Le Canada est, ici, rejoint par les États-Unis et les Émirats arabes unis. À l’opposé, si tous consommaient comme les Jamaïcains, ce jour du dépassement se déplacerait au 20 décembre. Le Canada se situe à la cinquième position au bas de l’échelle avec le Qatar (10 février), qui ferme la marche du classement 2023.

Au Québec, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a publié en mai une étude sur l’empreinte matérielle ayant pour objectif de faire la démonstration que la réduction de la consommation individuelle est insuffisante pour contrer la crise écologique. Pire, « que la simple couverture des besoins de base n’est pas viable sur le plan environnemental ». L’IRIS estime qu’il faut entre 16 et 19 tonnes de ressources naturelles par année pour couvrir les besoins de base au Québec, soit le double du seuil maximal suggéré par la littérature scientifique pour une consommation individuelle durable. La note conclut que, même si les ménages québécois réduisaient considérablement leur consommation et, pure utopie, se limitaient à répondre à leurs besoins de base, leur mode de vie aurait encore des conséquences néfastes sur l’environnement.

« Si on ne peut demander aux individus de vivre modestement pour réduire leur impact environnemental, c’est alors la manière dont nous produisons les biens et services nécessaires à notre vie qui doit changer drastiquement », écrivent les auteurs de l’étude. Ce qui ne devrait pas empêcher une combinaison des deux approches.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Les habitudes de consommation, entre inflation et climat - Gérard Bérubé
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Les habitudes de consommation, entre inflation et climat

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28.11.2023

On se remet du Vendredi fou et du Cyberlundi, grand rendez-vous annuel du consumérisme d’avant-Noël. Entre inflation et changement climatique, lequel exerce le plus d’influence sur les habitudes de consommation ? On a une petite idée n’est-ce pas ?

Difficile d’y voir une conclusion sinon une orientation claire dans les résultats de l’étude de la firme EY sur les habitudes de consommation des Canadiens publiée le 14 novembre. D’entrée de jeu, l’indice d’EY de l’évolution des habitudes des consommateurs fait ressortir que « l’aggravation des préoccupations à l’égard de l’inflation (96 %) et des changements climatiques (84 %) pousse les Canadiens à changer leur façon de vivre et leurs habitudes d’achat ».

Au fil des ans, de sondage en sondage, le décalage entre les intentions et les actions se fait persistant, et ce, tant dans les réponses des entreprises que dans celles des consommateurs. Mais, cette fois, il semble que « les effets réels des changements environnementaux sur la vie des gens rétrécissent cet écart et suscitent une nouvelle vague de changement », poursuit le cabinet.

Première mesure observée : les consommateurs achètent moins. En fait, plus de la moitié des répondants prévoient de réduire leurs achats, le geste s’inscrivant dans une démarche d’effort de protection de l’environnement pour 38 % d’entre eux. Le fait d’acheter moins........

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