Personne ne sait à quoi il sert vraiment. Bien des gens le soupçonnent de faciliter le blanchiment d’argent pour le crime organisé un peu partout dans le monde. Et pourtant, les spéculateurs qui ont misé sur le bitcoin en 2023 sont ceux qui ont probablement fait le meilleur pari financier, cette année.
Le seul autre meilleur moyen de s’enrichir rapidement en Bourse, pour les spéculateurs que ça intéresse (et il y en a…), aurait été de parier contre les craintes de volatilité boursière, calculait la semaine dernière Bloomberg. L’agence financière américaine a dressé le palmarès des meilleurs rendements financiers de l’année.
Le meilleur moyen de s’enrichir en 2023, selon elle, aurait donc été de trouver un fonds négocié en bourse (FNB) conçu pour prendre de la valeur chaque fois que l’indice de volatilité VIX s’écrase. Le VIX calcule la variation des valeurs des titres composant le S & P 500, et plus elle est grande, cette variation, plus l’indice est élevé.
À la fin de 2022, les économistes et les analystes boursiers étaient majoritairement d’avis que 2023 allait être une année de récession, dans un contexte de surchauffe de l’économie et d’incertitude géopolitique. Bien des bulles promettaient aussi d’éclater, comme l’immobilier, qui sont finalement demeurées plutôt stables. Tout cela contribue normalement à créer cette fameuse volatilité.
En fin de compte, l’économie mondiale a évité le pire, en 2023. Rien n’est encore gagné pour 2024, mais le pessimisme n’est pas aussi généralisé qu’il l’était il y a un an.
Entre-temps, sans trop faire de bruit, le bitcoin, une cryptomonnaie qui était la grande vedette techno et financière jusqu’à son écrasement rapide à la fin 2021, s’est stabilisé au cours de 2022. Cette année, le bitcoin a regagné environ la moitié de sa valeur perdue par rapport au dollar américain il y a deux ans.
Depuis janvier, les investisseurs ont fait bondir d’un peu plus de 125 % la valeur du bitcoin, qui est passée de 16 000 $US au début janvier à presque 38 000 $US au 1er décembre.
Au troisième rang des meilleurs moyens de s’enrichir en 2023, la bonne idée aurait été de parier sur les titres technologiques. Eh oui, les fameux GAFAM. Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, a vu sa valeur bondir de 164 % en 2023. Microsoft, pourtant pas une start-up à la croissance exponentielle, a gagné environ 57 % au cours de l’année.
Et cela aussi, c’est surprenant. En Bourse, les titres technos sont souvent qualifiés de canari dans la mine : ce sont les premiers à s’effondrer quand les indicateurs économiques deviennent négatifs. Ils sont d’ailleurs particulièrement sensibles aux taux d’intérêt élevés.
Et tandis que les banques centrales ont haussé leurs taux à une vitesse historique, cette année, les technos s’en tirent étonnamment bien.
Plusieurs raisons peuvent expliquer le retour en force du bitcoin, cette année. Rappelons, quand même, qu’il s’agit d’une monnaie numérique qui n’a pour seule véritable valeur que la confiance des internautes qui la négocient. Elle ne s’appuie sur aucun actif tangible concret, sur aucune activité commerciale prévisible. Son contrôle échappe à toute forme d’autorité financière. Le bitcoin est même une façon très prisée du crime organisé de blanchir de l’argent.
Bref, il y a beaucoup de passif autour de cette cryptomonnaie.
Cela n’empêche pas des investisseurs de tous les horizons de s’intéresser à nouveau depuis quelques mois au bitcoin. Une des principales raisons est que la Securities and Exchange Commission (SEC), la puissante autorité financière américaine, songe à autoriser la mise en circulation aux États-Unis de fonds négociés en bourse (FNB, ou ETF en anglais) basés sur des cryptomonnaies comme le bitcoin ou l’Ethereum. Moins connue, l’Ethereum est la deuxième cryptomonnaie en importance, derrière le bitcoin.
On pense que la SEC pourrait autoriser les premiers FNB de crypto tôt en 2024. Les boursicoteurs salivent déjà à l’idée de leur arrivée. Des FNB de bitcoins qui existent au Canada depuis le début 2021 sont particulièrement actifs depuis le début de l’automne en cours.
Si cela se produit, ce ne sera pas une mince affaire. BlackRock, un gestionnaire d’actifs américain parmi les plus importants sur la planète, serait de la partie. Cela pourrait avoir un effet boule de neige. D’autres grandes firmes voudront imiter BlackRock, et les institutions financières et les gestionnaires de portefeuille indépendants risquent d’ajouter de tels FNB à leur portefeuille.
Vu qu’il est un des rares à avoir autorisé les FNB de crypto sur son territoire, le Canada est un des marchés financiers qui profitera le plus d’un retour en grâce du bitcoin, s’il obtient le feu vert de la SEC.
Peut-être que cela va stimuler l’intérêt envers des produits financiers associés au bitcoin, comme ceux de la société montréalaise Shakepay, qui propose à un million de Canadiens déjà des cartes Visa dont la récompense est une remise en bitcoin de 1 % de la valeur des achats.
Shakepay vient d’ajouter à ses services le dépôt direct, le paiement de factures et le virement électronique en dollars canadiens, aux côtés de son compte d’épargne en bitcoin. « Je pense que le bitcoin peut devenir une façon d’épargner à long terme », assure son p.-d.g., Jean Amiouny, un ancien de McGill. « On voit qu’avec le temps, la volatilité du bitcoin se calme. »
Personne ne sait comment va évoluer la cryptomonnaie en 2024. Mais après deux ans d’accalmie, elle semble partie pour s’établir pour de bon dans le paysage financier mondial.
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.
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