Le piratage de films, de séries télévisées et de musique par Internet a été complètement transformé par l’arrivée des services à la demande, comme Netflix et Spotify. En effet, eux aussi se sont mis au streaming ! Résultat : en 2024, le piratage est en excellente santé.

Signe des temps, les cibles du piratage moderne ont quand même un peu changé. Il y a vingt ans, durant l’âge d’or des réseaux poste-à-poste comme le fameux protocole BitTorrent, c’étaient les télédiffuseurs, les producteurs de musique et les studios de cinéma, principalement hollywoodiens, qui voyaient leurs oeuvres reproduites à volonté sur Internet. Aujourd’hui, les plateformes en ligne en paient aussi le prix. Apple TV , Disney , Netflix et les autres services du genre voient des gens préférer payer moins cher là où la distribution de leur contenu est pourtant interdite.

Selon des données diffusées par l’industrie, en 2023 seulement, ce ne sont pas moins de 230 milliards de fichiers numériques qui auraient été échangés de manière illicite sur Internet. Des films et des épisodes de séries télévisées, surtout, mais aussi des livres numériques, des jeux vidéo et des logiciels en tout genre. C’est un sommet.

Ce chiffre seul a de quoi frapper l’imaginaire, mais il y a pire : au Québec, on n’a pas d’idée exacte de l’ampleur de ce phénomène. Des producteurs audiovisuels aux éditeurs de livres, personne n’a un portrait exclusivement québécois du problème.

Les événements sportifs en direct, qui étaient perçus jusqu’à tout récemment comme le dernier rempart des diffuseurs traditionnels face au numérique, sont la cible de choix des pirates ces jours-ci.

Avant la pandémie, on n’imaginait pas qu’il serait rentable pour Netflix de développer une offre de diffusion en direct. C’était sans compter sur la puissance financière des géants numériques. Pour Amazon et Apple, il n’est pas très difficile de verser quelques milliards pour s’octroyer les droits de diffusion du baseball, du football et du soccer professionnels.

Résultat : le sport se regarde désormais confortablement sur Internet. Et de plus en plus à partir d’une source illégale. La diffusion piratée d’événements sportifs en direct attire chaque année plus d’internautes. La pandémie a accéléré cette tendance, si bien que la part du piratage dans le sport en direct a crû de 30 % par année ces trois dernières années, selon des statistiques rapportées par l’agence PDN, surnommée la « police du Net », une firme montréalaise spécialisée dans la protection de la propriété intellectuelle et la suppression des sources de piratage en ligne.

Tout ça mis ensemble, PDN calcule que la majorité des contenus piratés qu’ont consultés les internautes dans le monde en 2023 étaient offerts sous la forme d’un service de diffusion à la demande qui n’avait simplement pas les droits légaux pour offrir ce contenu.

Une multitude de bonnes raisons expliquent la popularité des contenus piratés. La plus importante, évidemment, c’est le prix. Pris individuellement, les services à la demande coûtent moins cher aux consommateurs qu’un abonnement à la télévision câblée. Mais à mesure qu’on les empile, la facture grimpe. Surtout si, justement, on désire regarder du sport sur Internet. Alors là, ça coûte encore plus cher, étant donné que chaque ligue et que chaque plateforme n’offrent qu’une très mince part du gâteau.

Pendant ce temps, tout internaute peu scrupuleux n’est qu’à une recherche sur Google près de trouver une source piratée, un site Web ou même une petite boîte à système Android dont le prix de détail est en dessous des 200 $, et pour laquelle il n’aura ensuite qu’à payer une dizaine de dollars par mois pour débloquer la centaine de chaînes sportives qu’elle compte. Sans parler des répertoires de films, de séries télévisées et de musique qu’on peut aussi y trouver.

Les pirates en herbe se moquent pas mal des questions de droits d’auteur, des ententes commerciales entre multinationales qui se partagent les droits de diffusion régionaux et de l’avenir de l’industrie audiovisuelle.

De toute façon, au Canada à tout le moins, la loi ne les accuse de rien. Ce sont les distributeurs du contenu piraté qui sont dans l’illégalité. Ces distributeurs n’ont aucune présence matérielle au pays, et changent l’adresse Internet de leurs opérations dès qu’elle est bloquée par les principaux fournisseurs de service Internet. Les internautes qui consomment leur contenu, eux, ne le réalisent peut-être pas, mais ils aident aussi à la prolifération des logiciels malveillants et des menaces Internet.

Selon d’autres données de l’industrie, un internaute qui visite un site de contenu piraté multiplie par 28 son risque de contracter une maladie transmise numériquement, que ce soit un logiciel espion ou malveillant. L’internaute risque ainsi de voir son activité en ligne épiée. Ce qui peut inclure la prise en note de tout ce qu’il tape au clavier de son ordinateur personnel, y compris les mots de passe de ses comptes bancaires, sur Facebook et ailleurs.

En effet, il est toujours bon de le rappeler, rien n’est jamais gratuit sur Internet. Pas même le contenu piraté, dont le prix n’est pas toujours en argent.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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Films, télé et livres à volonté gratuitement!

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12.02.2024

Le piratage de films, de séries télévisées et de musique par Internet a été complètement transformé par l’arrivée des services à la demande, comme Netflix et Spotify. En effet, eux aussi se sont mis au streaming ! Résultat : en 2024, le piratage est en excellente santé.

Signe des temps, les cibles du piratage moderne ont quand même un peu changé. Il y a vingt ans, durant l’âge d’or des réseaux poste-à-poste comme le fameux protocole BitTorrent, c’étaient les télédiffuseurs, les producteurs de musique et les studios de cinéma, principalement hollywoodiens, qui voyaient leurs oeuvres reproduites à volonté sur Internet. Aujourd’hui, les plateformes en ligne en paient aussi le prix. Apple TV , Disney , Netflix et les autres services du genre voient des gens préférer payer moins cher là où la distribution de leur contenu est pourtant interdite.

Selon des données diffusées par l’industrie, en 2023 seulement, ce ne sont pas moins de 230 milliards de fichiers numériques qui auraient été échangés de manière illicite sur Internet. Des films et des épisodes de séries télévisées, surtout, mais aussi des livres numériques, des jeux vidéo et des logiciels en tout genre. C’est un sommet.

Ce chiffre seul a de quoi frapper l’imaginaire, mais il y a pire : au Québec, on n’a pas d’idée exacte de l’ampleur de ce phénomène. Des........

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