Un véhicule plus cher n’est pas forcément plus fiable. Parlez-en aux acheteurs de Land Rover… et aux usagers du Réseau express métropolitain (REM). Or, en train comme en automobile, il existe parfois des modèles plus fiables qui coûtent aussi moins cher. À condition de chercher un peu…

L’ironie est que les usagers du REM exaspérés des pannes trop fréquentes se tournent vers l’automobile, alors que personne parmi ceux qui ont les moyens de s’acheter un VUS trop gros, trop fragile et franchement trop cher ne rêve de faire un tour de train électrique.

Ailleurs sur la planète, des technologies autrement plus audacieuses sont présentement à l’essai.

En Chine, la CRRC, un constructeur de trains qui appartient à l’État, a mis sur la route dès 2018 son propre système de train électrique et autonome qui dessert aujourd’hui une poignée de villes chinoises, qui est à l’essai dans les Émirats arabes unis et qui intéresse l’Australie ainsi que des pays africains.

C’est exactement le modèle d’affaires exportable dont rêvait la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) quand elle a décidé d’exploiter un train électrique et autonome à Montréal. Une différence est que la CRRC a construit localement ses propres wagons, alors que ceux du REM sont fabriqués en Inde.

Au Québec, en 2018, on a accusé la Caisse d’abandonner Bombardier, qui était à ce moment parmi les plus grands constructeurs ferroviaires au monde, avec Alstom et la CRRC. Alstom a racheté la division ferroviaire de Bombardier par la suite.

Particularité intéressante du train chinois : c’est un véhicule hybride. Il est à mi-chemin entre un train léger et un tramway, puisqu’il repose sur des essieux et des pneus et qu’il circule directement sur la chaussée. Pas de superstructure aérienne coûteuse, donc. Ses stations sont au centre des boulevards qu’il sillonne, un peu à la manière du SRB Pie-IX, dans l’est de Montréal.

Au terminus, le train peut faire le plein puis redémarrer en sens inverse. La CRRC, qui est aussi l’opérateur, a récemment commencé à tester une version à pile à hydrogène, une autre solution de l’avenir pour le transport décarboné.

Si la Caisse et le gouvernement avaient investi une partie des 8 milliards de dollars qu’a coûté le REM dans un réseau de distribution d’hydrogène vert pour son train, elle pourrait aujourd’hui desservir d’autres systèmes de transport, comme des camions, des trains et des bateaux.

Cela ne serait probablement pas rentable aujourd’hui, mais ça aurait été un pari intéressant. On voit l’hydrogène comme une solution d’avenir pour décarboner le transport lourd et commercial partout sur le continent… jusque sur l’eau.

Le géant danois Maersk, un des plus grands transporteurs maritimes au monde, teste justement l’hydrogène pour remplacer les carburants dans sa flotte, qu’il espère carboneutre avant 2040.

En plus d’être, bien malgré lui, un exportateur net de véhicules à essence, avec ces voleurs qui l’utilisent pour envoyer de l’autre côté de l’Atlantique des VUS volés, le Port de Montréal serait aussi devenu importateur de véhicules zéro émission… et se hisserait aux côtés du port de Los Angeles comme un leader nord-américain du transport maritime de demain.

Il n’y a pas qu’en Chine que le transport collectif autonome est en train d’éclore. Le géant français Transdev teste des navettes autonomes en Europe. Le même Transdev qui a fourni à la Ville de Candiac sa propre navette autonome en 2018.

Le projet de Candiac, à quelques kilomètres au sud de Montréal, a été tout sauf un succès. La principale raison : la navette devait suivre des marqueurs au sol qui devenaient invisibles par mauvais temps. Plutôt que de corriger le problème, on l’a abandonné.

Si le projet était à refaire aujourd’hui, la navette ferait mieux, dit-on. Elle s’orienterait même l’hiver en combinant un système de navigation par satellite d’une précision quasi millimétrique à des marqueurs placés en hauteur.

Il faudrait aussi isoler ces navettes des autres usagers de la route. L’imprévisibilité des automobilistes fait dérailler les systèmes autonomes plus que tout autre obstacle autoroutier.

À Montréal, un tel train urbain pourrait remplacer le terre-plein central du boulevard René-Lévesque et poursuivre sa course sur la rue Notre-Dame au moins jusqu’à la plage de l’Est, au bout de l’île.

Cela ne coûterait pas 8 milliards, affirme Marie-France Laurin, une consultante en mobilité intelligente qui fait partie des rares experts au pays certifiés en la matière par l’Association for Commuter Transportation, un OBNL transnational consacré à l’optimisation des systèmes de transport.

Pour le prix d’un REM, on pourrait installer des trains comme ceux de Transdev ou de la CRRC dans l’est de Montréal, vers le nord jusqu’à Saint-Jérôme, vers l’est jusqu’à Saint-Hyacinthe et dans de nombreuses autres directions.

Mais on ne le fait pas. « On trouve plein d’excuses au Québec pour éviter d’innover », laisse tomber l’experte montréalaise, dépitée. On craint trop les pannes et les coûts élevés, soit… exactement ce qui se produit avec le REM.

À l’exception qu’au moins, on aurait osé innover. Pire que d’échouer quand on prend un risque, c’est échouer quand on n’en prend pas.

Ah, détail en passant à propos du train autonome chinois : c’est gratuit pour les usagers.

Land Rover, vous l’aurez compris, adore le REM.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Des REM pour une fraction du prix - Alain Mckenna
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Des REM pour une fraction du prix

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05.02.2024

Un véhicule plus cher n’est pas forcément plus fiable. Parlez-en aux acheteurs de Land Rover… et aux usagers du Réseau express métropolitain (REM). Or, en train comme en automobile, il existe parfois des modèles plus fiables qui coûtent aussi moins cher. À condition de chercher un peu…

L’ironie est que les usagers du REM exaspérés des pannes trop fréquentes se tournent vers l’automobile, alors que personne parmi ceux qui ont les moyens de s’acheter un VUS trop gros, trop fragile et franchement trop cher ne rêve de faire un tour de train électrique.

Ailleurs sur la planète, des technologies autrement plus audacieuses sont présentement à l’essai.

En Chine, la CRRC, un constructeur de trains qui appartient à l’État, a mis sur la route dès 2018 son propre système de train électrique et autonome qui dessert aujourd’hui une poignée de villes chinoises, qui est à l’essai dans les Émirats arabes unis et qui intéresse l’Australie ainsi que des pays africains.

C’est exactement le modèle d’affaires exportable dont rêvait la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) quand elle a décidé d’exploiter un train électrique et autonome à Montréal. Une différence est que la CRRC a construit localement ses propres wagons, alors que ceux du REM sont fabriqués en Inde.

Au Québec, en 2018, on a accusé la Caisse d’abandonner Bombardier, qui était à ce moment parmi les plus........

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