A partir de « Vers la sécession scolaire ? », de Youssef Souidi, qui paraît demain, Alternatives Economiques vous propose un état des lieux des clivages sociaux qui séparent les élèves au cours de leur scolarité.

Elle avait disparu des radars politiques pendant cinq ans sous le mandat de Jean-Michel Blanquer. Mais depuis, la question de la mixité sociale revient régulièrement sous les feux de l’actualité. Après que Pap Ndiaye en a fait un de ses chevaux de bataille (même si son plan n’avait pas abouti à grand-chose), les frasques de la fugace ministre de l’Education nationale Amélie Oudéa-Castera ont imposé le sujet au sommet de l’agenda au début de l’année 2024. La semaine dernière, c’est la parution d’un rapport parlementaire sur le financement public de l’enseignement privé, qui interroge en particulier la contribution de ce secteur à la ségrégation scolaire.

C’est au tour de l’économiste Youssef Souidi d’animer le débat, avec la parution…

Elle avait disparu des radars politiques pendant cinq ans sous le mandat de Jean-Michel Blanquer. Mais depuis, la question de la mixité sociale revient régulièrement sous les feux de l’actualité. Après que Pap Ndiaye en a fait un de ses chevaux de bataille (même si son plan n’avait pas abouti à grand-chose), les frasques de la fugace ministre de l’Education nationale Amélie Oudéa-Castera ont imposé le sujet au sommet de l’agenda au début de l’année 2024. La semaine dernière, c’est la parution d’un rapport parlementaire sur le financement public de l’enseignement privé, qui interroge en particulier la contribution de ce secteur à la ségrégation scolaire.

C’est au tour de l’économiste Youssef Souidi d’animer le débat, avec la parution ce mercredi 10 avril d’un ouvrage intitulé Vers la sécession scolaire ? Mécaniques de la ségrégation au collège (Fayard, 232 p., 20 euros). S’appuyant sur de nombreuses données, ce livre centré sur les collèges propose sans doute l’état des lieux le plus complet sur la question, et permet de mesurer à la fois l’ampleur du phénomène et la complexité des réponses à y apporter, même si un constat s’impose : on n’arrivera pas à faire progresser la mixité sociale si l’on ne revoit pas les privilèges octroyés au secteur privé en matière de recrutement et de sélection des élèves. Démonstration en neuf graphiques tirés de son travail.

Le grand évitement

La première observation, simple et brutale, c’est l’impressionnant écart de composition sociale des collèges : entre les 10 % de collèges les plus populaires et les 10 % les plus sélects, la part d’élèves d’origine sociale favorisée1varie quasiment de 1 à 9.

Composition sociale des collèges : le grand écart

Part d'élèves d'origine sociale favorisée dans les 10 % de collèges....

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

L’une des principales explications de ce fossé est bien entendu la ségrégation résidentielle : il y aurait beaucoup moins de collèges « réputés » et de collèges « ghettos » s’il n’y avait pas des quartiers huppés et d’autres paupérisés.

Néanmoins, ce lien est très loin d’être mécanique, insiste Youssef Souidi. C’est d’ailleurs l’un des résultats les plus frappants de son ouvrage : la situation dans laquelle, au sein de son collège, un élève retrouve peu ou prou la composition sociale de son voisinage est minoritaire.

« La ségrégation scolaire s’apparente à un miroir grossissant de la ségrégation résidentielle », résume le chercheur.

Seule une minorité d’élèves fréquente un collège à la composition sociale similaire à celle de son voisinage

Composition sociale du collège fréquenté par rapport à celle du voisinage

Lecture : 43 % des élèves socialement défavorisés et 37 % des élèves socialement favorisés fréquentent un collège à la composition sociale similaire à celle de leur voisinage.

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

Lecture : 43 % des élèves socialement défavorisés et 37 % des élèves socialement favorisés fréquentent un collège à la composition sociale similaire à celle de leur voisinage.

A l’inégale répartition des groupes sociaux dans l’espace viennent en effet s’ajouter des comportements d’évitement qui aggravent la ségrégation. Les statistiques montrent que les collèges de secteur les plus défavorisés sont massivement fuis par les familles favorisées au moment de l’entrée en sixième. Cette fuite diminue au fur et à mesure que la composition sociale du collège s’élève.

On remarque également la même progression pour les familles défavorisées : même si la « pente » est nettement atténuée, elles sont tout de même plus de 30 % à éviter le collège de secteur lorsque celui-ci est très défavorisé, contre seulement 20 % lorsqu’il est très favorisé.

Les collèges les moins attractifs sont désertés par les catégories favorisées

Fréquentation du collège de secteur selon sa composition sociale l'année précédant l'entrée de l'enfant en sixième*

* Données sur 2 000 collèges. Ces établissements ont été classés de 1 à 10 en fonction de leur composition sociale l’année précédant l’entrée de l’enfant en sixième. Le rang 1 correspond aux 10 % de collèges à la composition sociale la moins favorisée, le rang 10 aux 10 % de collèges les plus favorisés. Lecture : seuls 34 % des élèves de familles favorisées fréquentent leur collège de secteur lorsque celui-ci fait partie des 10 % de collèges les moins favorisés, contre 69 % des enfants de familles défavorisées.

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

* Données sur 2 000 collèges. Ces établissements ont été classés de 1 à 10 en fonction de leur composition sociale l’année précédant l’entrée de l’enfant en sixième. Le rang 1 correspond aux 10 % de collèges à la composition sociale la moins favorisée, le rang 10 aux 10 % de collèges les plus favorisés. Lecture : seuls 34 % des élèves de familles favorisées fréquentent leur collège de secteur lorsque celui-ci fait partie des 10 % de collèges les moins favorisés, contre 69 % des enfants de familles défavorisées.

Les dérogations permettant de rejoindre un autre collège public (langues rares, classes à horaires aménagées…) alimentent ce mouvement d’évitement, la part d’élèves y recourant variant entre 7 % et 17 % selon le profil social des familles et du collège de secteur. Mais, selon Youssef Souidi, elles participent peu à l’aggravation des clivages : les interdirait-on demain que le niveau de ségrégation sociale à l’école resterait pour l’essentiel inchangé.

Non, l’évitement scolaire est essentiellement nourri par le recours au secteur privé qui offre souvent une solution de proximité pour échapper au collège de secteur. C’est marquant à Paris, où la quasi-totalité de la population peut trouver un collège privé à moins de 15 minutes à pied de chez elle. Mais cette part reste significative dans les agglomérations de moindre taille.

Une telle structuration « impose aux familles des choix difficiles quant à la scolarité de leur enfant », estime Youssef Souidi :

« Le système d’affectation tel qu’il est organisé aujourd’hui fait (…) peser une pression importante sur les familles qui, sachant qu’il leur est possible d’éviter le collège de secteur, sont incitées à se comporter en consommatrices du service d’éducation, comparant les coûts et les bénéfices estimés des établissements situés à proximité, pour finalement choisir celui qui leur apportera une satisfaction maximale. »

Au-delà de Paris, le privé fait concurrence au public dans les villes de toutes tailles

Part des élèves de sixième, par type de commune, à proximité* d'au moins...

* Temps de marche inférieur à 15 minutes depuis le lieu de résidence

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

* Temps de marche inférieur à 15 minutes depuis le lieu de résidence

Par ailleurs, le recrutement du privé, on le sait désormais, n’est pas neutre socialement : la plupart des collèges du secteur figurent parmi les 10 % d’établissements les plus favorisés socialement, alors que les collèges publics sont très dispersés. Malgré la diversité des situations locales, avec parfois des collèges privés au recrutement défavorisé, voire très défavorisé, ce constat peut être généralisé, au-delà de la situation parisienne souvent mise en exergue, aux grandes métropoles comme à celles de plus petite taille (Dijon, Brest, Perpignan…).

Les raisons de la faible présence des enfants de familles défavorisées au sein du secteur privé sont encore mal connues. Faute de connaître le vivier de candidats, on ne sait pas dans quelle mesure ils sont mis de côté par les établissements ou s’excluent d’eux même. Youssef Souidi pointe néanmoins les nombreux facteurs qui peuvent freiner les meilleures volontés : difficulté d’accéder à l’information pour chaque établissement, dossier de candidature parfois exigeant (lettre de recommandation ou de motivation), sans parler des frais de scolarité qui peuvent constituer un obstacle rédhibitoire pour des foyers modestes.

Dans les grandes métropoles, un recrutement social plus aisé pour le privé malgré des situations locales contrastées

Distribution des collèges publics et privés selon leur indice de position sociale (IPS) dans les plus grandes villes (rentrée 2021)

figure1_2.png

Chaque losange jaune représente un collège public, chaque triange rouge un collège privé, chacun placé selon son indice de position sociale (IPS), qui résume le statut social moyen des élèves qu’il accueille. Plus cet IPS est élevé (plus le collège est positionné à droite de l’axe), plus l’établissement recrute au sein des enfants de familles aisées.

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

Chaque losange jaune représente un collège public, chaque triange rouge un collège privé, chacun placé selon son indice de position sociale (IPS), qui résume le statut social moyen des élèves qu’il accueille. Plus cet IPS est élevé (plus le collège est positionné à droite de l’axe), plus l’établissement recrute au sein des enfants de familles aisées.

Autre indice de la sélectivité du secteur privé, la probabilité, pour un élève ayant un niveau scolaire faible, de changer de collège en cours de scolarité est bien plus élevée lorsque ce collège est privé.

Même si les raisons de ce phénomène sont mal connues, les éléments dont on dispose « donnent toutefois corps à l’idée selon laquelle une partie des établissements privés se délestent des éléments les moins prometteurs – charge aux collèges publics d’en assurer ensuite l’accueil », assure Youssef Souidi.

Les élèves à faible niveau scolaire poussés vers la sortie, en particulier dans le privé

Pourcentage d'élèves ayant changé de collège, selon le type d'établissement fréquenté en sixième

Niveau de compétences le plus faible/le plus élevé : le quart des élèves ayant obtenu les résultats les moins/les plus élevés aux évaluations de fin de sixième.

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

Niveau de compétences le plus faible/le plus élevé : le quart des élèves ayant obtenu les résultats les moins/les plus élevés aux évaluations de fin de sixième.

Il serait toutefois réducteur d’accabler le seul secteur privé, même s’il joue un rôle prépondérant. Des formes de ségrégation, pas forcément sociale, existent également au sein des établissements publics. Ainsi, les élèves sont inégalement répartis dans les collèges selon leur niveau de compétences en français et en mathématique.

Les élèves sont aussi ségrégés selon leur niveau scolaire

Répartition des élèves selon leur niveau scolaire à l'entrée en sixième, par type de collège fréquenté

Lecture : 54 % des élèves scolarisés dans un collège classé en éducation prioritaire renforcée ont un niveau fragile à l’entrée en sixième

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

Lecture : 54 % des élèves scolarisés dans un collège classé en éducation prioritaire renforcée ont un niveau fragile à l’entrée en sixième

La ségrégation passe aussi à l’intérieur des établissements, par le biais de la constitution des classes. Quel que soit le contexte, il peut y avoir un monde entre deux classes d’un même collège, en raison des équilibres à respecter entre garçons et filles, mais aussi du regroupement d’élèves ayant pris la même option par exemple.

La ségrégation sociale passe aussi à l’intérieur des établissements scolaires

Composition sociale moyenne des collèges, de la classe la moins favorisée socialement et de la classe la plus favorisée socialement

figure1_9.png

Les collèges sont ici classés de 1 à 10 en fonction de la part d’élèves de sixième socialement favorisés. Lecture : dans les collèges de rang 1 (les moins favorisés globalement), la part d’élèves socialement favorisés s’élève en moyenne à 8 %. Dans la classe la moins favorisée de ces établissements, cette part n’est que de 3 % ; dans la classe la plus favorisée, elle est de 14 %, soit la même proportion que la classe la moins favorisée des collèges de rang 4

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

Les collèges sont ici classés de 1 à 10 en fonction de la part d’élèves de sixième socialement favorisés. Lecture : dans les collèges de rang 1 (les moins favorisés globalement), la part d’élèves socialement favorisés s’élève en moyenne à 8 %. Dans la classe la moins favorisée de ces établissements, cette part n’est que de 3 % ; dans la classe la plus favorisée, elle est de 14 %, soit la même proportion que la classe la moins favorisée des collèges de rang 4

La carte scolaire, par ailleurs, reste un impensé des politiques scolaires. Longtemps envisagé comme un simple outil de gestion, le traçage des contours des secteurs est une compétence qui a été diversement appropriée par les conseils généraux, qui en ont hérité en 2004. Ces derniers n’ont pas toujours les outils et les compétences nécessaires pour mener un travail approfondi en la matière, qui plus est si l’on veut se donner des objectifs de mixité sociale pas toujours faciles à atteindre.

Résultat, dans certains cas, rien ne bouge alors qu’il faudrait faire évoluer les périmètres, dans d’autres, les découpages créent ou renforcent des clivages sociaux.

Selon Youssef Souidi, qui a analysé les secteurs de recrutement de plus de 2 000 collèges, les décalages de composition sociale entre secteur et quartier, que l’on observe pour une fraction des collèges, jouent généralement contre les plus défavorisés de ces établissements, à qui les départements demandent « d’accueillir un public à la tonalité sociale encore plus dégradée que le quartier d’implantation ». D’autres chercheurs ont mis en évidence, dans un certain nombre de cas, des « frontières discriminantes », c’est-à-dire ces frontières qui séparent deux secteurs de collèges limitrophes, l’un défavorisé, l’autre beaucoup moins, Créant ainsi des clivages profonds entre établissements parfois distants d’à peine quelques centaines de mètres.

Options ségrégationnistes

Une fois posé ce constat global, que faire ? Au sein du secteur public, il serait possible de sensibiliser davantage aux enjeux de mixité les personnels en charge d’organiser la scolarité, par exemple les proviseurs.

La réforme des classes multilingues fournit en la matière une expérience naturelle assez parlante : leur suppression en 2016 conduit brutalement à la composition de classes de sixième beaucoup plus mixtes. Leur réintroduction progressive l’année suivante réalimente aussitôt les logiques ségrégatives.

Au collège, les options font le jeu de la ségrégation

Effets de la suppression des sections bilangues sur l'excès de ségrégation intra-établissement dans les classes de sixième

figure3_1.png

L’axe des ordonnées (axe vertical) représente l’excès de ségrégation, autrement dit le surplus de ségrégation observé par rapport à une situation où les classes seraient composées par tirage au sort.

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

L’axe des ordonnées (axe vertical) représente l’excès de ségrégation, autrement dit le surplus de ségrégation observé par rapport à une situation où les classes seraient composées par tirage au sort.

La même démarche pourrait être entreprise pour les responsables de la sectorisation au sein des départements. Il serait même envisageable, selon Youssef Souidi, de restituer cette compétence aux rectorats, potentiellement moins sensibles aux pressions politiques.

Par ailleurs, de nombreuses expériences ont été menées, à Paris comme ailleurs, pour amenuiser les logiques ségrégatives : fermeture de collèges fortement évités, fusion de secteurs, implantation d’options dans des établissements défavorisés, création de secteurs discontinus… Beaucoup de pistes de réflexion existent, sachant qu’elles ne peuvent résoudre à elles seules tous les problèmes et qu’elles doivent être accompagnées d’un dialogue appuyé avec les familles concernées pour lever les craintes.

Concernant le privé, Youssef Souidi propose dans un premier temps d’établir une plus grande transparence dans les modes de recrutement, « par exemple en imaginant une sorte de Parcoursup du privé ». Autrement dit, une plate-forme établissant un calendrier commun et donnant toutes les informations sur chaque établissement (attendus, nombre de places, taux de sélectivité, montant des frais de scolarité…), et permettant de savoir qui postule et qui est sélectionné.

Sur l’idée de moduler les financements en fonction des efforts en matière de mixité sociale, encore évoquée la semaine dernière dans le rapport des députés Paul Vannier et Christophe Weissberg, Youssef Souidi souligne les difficultés méthodologiques d’une telle démarche, qu’il s’agisse de l’indicateur à retenir (l’IPS ?, le taux de boursier ?) ou des objectifs à fixer. Faut-il définir pour chaque établissement privé un secteur de recrutement de référence ? Comparer dans chaque cas le profil social des candidats et des admis et sanctionner ceux qui pratiqueraient le tri social ?

Aussi intéressantes soient-elles, ces propositions butent, constate l’économiste, sur l’autonomie en matière de recrutement accordée au secteur privé, qui semble chaque jour plus difficile à justifier, alors que celui-ci est subventionné aux trois quarts par de l’argent public. Un sujet qui mériterait « une réflexion approfondie », reconnaît-il. Mais qui osera la provoquer ?

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Neuf graphiques pour saisir l’ampleur de la ségrégation scolaire en France

9 1
09.04.2024

A partir de « Vers la sécession scolaire ? », de Youssef Souidi, qui paraît demain, Alternatives Economiques vous propose un état des lieux des clivages sociaux qui séparent les élèves au cours de leur scolarité.

Elle avait disparu des radars politiques pendant cinq ans sous le mandat de Jean-Michel Blanquer. Mais depuis, la question de la mixité sociale revient régulièrement sous les feux de l’actualité. Après que Pap Ndiaye en a fait un de ses chevaux de bataille (même si son plan n’avait pas abouti à grand-chose), les frasques de la fugace ministre de l’Education nationale Amélie Oudéa-Castera ont imposé le sujet au sommet de l’agenda au début de l’année 2024. La semaine dernière, c’est la parution d’un rapport parlementaire sur le financement public de l’enseignement privé, qui interroge en particulier la contribution de ce secteur à la ségrégation scolaire.

C’est au tour de l’économiste Youssef Souidi d’animer le débat, avec la parution…

Elle avait disparu des radars politiques pendant cinq ans sous le mandat de Jean-Michel Blanquer. Mais depuis, la question de la mixité sociale revient régulièrement sous les feux de l’actualité. Après que Pap Ndiaye en a fait un de ses chevaux de bataille (même si son plan n’avait pas abouti à grand-chose), les frasques de la fugace ministre de l’Education nationale Amélie Oudéa-Castera ont imposé le sujet au sommet de l’agenda au début de l’année 2024. La semaine dernière, c’est la parution d’un rapport parlementaire sur le financement public de l’enseignement privé, qui interroge en particulier la contribution de ce secteur à la ségrégation scolaire.

C’est au tour de l’économiste Youssef Souidi d’animer le débat, avec la parution ce mercredi 10 avril d’un ouvrage intitulé Vers la sécession scolaire ? Mécaniques de la ségrégation au collège (Fayard, 232 p., 20 euros). S’appuyant sur de nombreuses données, ce livre centré sur les collèges propose sans doute l’état des lieux le plus complet sur la question, et permet de mesurer à la fois l’ampleur du phénomène et la complexité des réponses à y apporter, même si un constat s’impose : on n’arrivera pas à faire progresser la mixité sociale si l’on ne revoit pas les privilèges octroyés au secteur privé en matière de recrutement et de sélection des élèves. Démonstration en neuf graphiques tirés de son travail.

Le grand évitement

La première observation, simple et brutale, c’est l’impressionnant écart de composition sociale des collèges : entre les 10 % de collèges les plus populaires et les 10 % les plus sélects, la part d’élèves d’origine sociale favorisée1varie quasiment de 1 à 9.

Composition sociale des collèges : le grand écart

Part d'élèves d'origine sociale favorisée dans les 10 % de collèges....

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

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L’une des principales explications de ce fossé est bien entendu la ségrégation résidentielle : il y aurait beaucoup moins de collèges « réputés » et de collèges « ghettos » s’il n’y avait pas des quartiers huppés et d’autres paupérisés.

Néanmoins, ce lien est très loin d’être mécanique, insiste Youssef Souidi. C’est d’ailleurs l’un des résultats les plus frappants de son ouvrage : la situation dans laquelle, au sein de son collège, un élève retrouve peu ou prou la composition sociale de son voisinage est minoritaire.

« La ségrégation scolaire s’apparente à un miroir grossissant de la ségrégation résidentielle », résume le chercheur.

Seule une minorité d’élèves fréquente un collège à la composition sociale similaire à celle de son voisinage

Composition sociale du collège fréquenté par rapport à celle du voisinage

Lecture : 43 % des élèves socialement défavorisés et 37 % des élèves socialement favorisés fréquentent un collège à la composition sociale similaire à celle de leur voisinage.

Source : Youssef Souidi, "Vers la sécession scolaire ?" / Données Ministère de l’Education nationale (DEPP)

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Lecture : 43 % des élèves socialement défavorisés et 37 % des élèves socialement favorisés fréquentent un collège à la composition sociale similaire à celle de leur voisinage.

A l’inégale répartition des groupes sociaux dans l’espace viennent en effet s’ajouter des comportements d’évitement qui aggravent la ségrégation. Les statistiques montrent que les collèges de secteur les plus défavorisés sont massivement fuis par les familles favorisées au moment de l’entrée en sixième. Cette fuite diminue au fur et à mesure que la composition sociale du collège s’élève.

On remarque également la même progression pour les familles défavorisées : même si la « pente » est nettement atténuée, elles........

© Alternatives Économiques


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