Le 10 avril dernier, le Parlement européen a adopté le pacte pour la migration et l’asile, au terme de plusieurs années de tractation. Jusqu’au bout incertain, le vote est survenu à quelques semaines des élections européennes du 9 juin prochain. « Nous avons écrit l'histoire », a déclaré sur X (ex-Twitter) la présidente du Parlement, Roberta Metsola. Le pacte devrait entrer en vigueur au printemps 2026.

A droite de l’échiquier politique, les parlementaires ont critiqué la solidarité qu’il instaure entre pays membres. A peine le pacte adopté, quinze pays ont envoyé à l’exécutif européen une lettre lui demandant d’aller plus loin « pour prévenir l’immigration irrégulière en Europe » (la France n’en fait pas partie). A gauche, le pacte est jugé attentatoire aux droits des exilés.

Dans de nombreux médias, les commentateurs ont souligné les deux aspects du texte : solidarité d’un côté, fermeté de l’autre. Peu ont en réalité pris le temps de lire cet ensemble aussi dense qu’indigeste. Pour y voir plus clair, Alternatives Economiques s’est entretenu avec la professeure de droit Marie-Laure Basilien-Gainche qui, avec sa collègue Ségolène Barbou des Places, s’est attelée à cette lecture ardue, et propose dans le cadre de l’Institut Convergences migrations, un séminaire DroitS des étrangers, consacré au pacte.

Le 10 avril dernier, le Parlement européen a adopté le pacte pour la migration et l’asile, au terme de plusieurs années de tractation. Jusqu’au bout incertain, le vote est survenu à quelques semaines des élections européennes du 9 juin prochain. « Nous avons écrit l’histoire », a déclaré sur X (ex-Twitter) la présidente du Parlement, Roberta Metsola. Le pacte devrait entrer en vigueur au printemps 2026.

A droite de l’échiquier politique, les parlementaires ont critiqué la solidarité qu’il instaure entre pays membres. A peine le pacte adopté, quinze pays ont envoyé à l’exécutif européen une lettre lui demandant d’aller plus loin « pour prévenir l’immigration irrégulière en Europe » (la France n’en fait pas partie). A gauche, le pacte est jugé attentatoire aux droits des exilés.

Dans de nombreux médias, les commentateurs ont souligné les deux aspects du texte : solidarité d’un côté, fermeté de l’autre. Peu ont en réalité pris le temps de lire cet ensemble aussi dense qu’indigeste. Pour y voir plus clair, Alternatives Economiques s’est entretenu avec la professeure de droit Marie-Laure Basilien-Gainche qui, avec sa collègue Ségolène Barbou des Places, s’est attelée à cette lecture ardue, et propose dans le cadre de l’Institut Convergences migrations, un séminaire DroitS des étrangers, consacré au pacte.

Qu’est-ce que le pacte pour la migration et l’asile ?

Marie-Laure Basilien-Gainche : C’est un ensemble de textes normatifs qui visent à modifier le régime d’asile européen commun. L’Union européenne s’est dotée d’un premier paquet « asile »entre 2001 et 2005, puis d’un deuxième entre 2011 et 2013. En 2015-2016, dans le cadre de la crise de l’accueil des exilés, la proposition d’un troisième paquet a été faite, mais n’a pas abouti.

En septembre 2020, la Commission von der Leyen, tout juste entrée en fonction, s’est emparée de la question. Le pacte, définitivement adopté par le Parlement en avril, est composé stricto sensu de cinq règlements, auquel un sixième a été ajouté in extremis en décembre 2023. Au sens large, en tenant compte des textes adoptés depuis 2016, il est composé de dix textes – des règlements et quelques directives. Cela représente 1 500 pages de normes pour le pacte stricto sensu, et 3 000 pour le pacte lato sensu. C’est l’aboutissement de neuf ans de travail.

« Le pacte se présente comme un système d’une extrême complexité produisant une forme de saturation normative et administrative »

Le pacte est un ensemble colossal et difficilement intelligible. Il construit un régime de la migration et de l’asile global, avec des textes qui se citent les uns les autres, se modifient les uns les autres. Il envisage tous les cas de figure, de sorte à ne laisser passer aucune situation entre les mailles du filet. Il se présente donc comme un système d’une extrême complexité, dense et détaillé à l’excès, produisant une forme de saturation normative et administrative.

Par rapport aux directives, les règlements sont d’application directe : ils ne nécessitent pas de transposition dans l’ordre juridique interne des Etats membres. Le pacte renforce donc l’harmonisation des procédures entre pays de l’Union européenne en matière d’asile et de migration. Il limite les marges de manœuvre laissées aux Etats membres, notamment la possibilité de dispositifs nationaux d’asile plus favorables aux ressortissants des pays tiers que le droit de l’Union.

On entend souvent dire de ce pacte qu’il marche sur deux jambes, la fermeté et la solidarité. Qu’en pensez-vous ?

M.-L. B.-G. : C’est totalement faux. Cette affirmation émane de la Commission européenne, mais ne résiste pas à l’examen. La dimension solidaire du pacte est tout à fait mineure, tandis que la fermeté est omniprésente. En matière de solidarité avec les exilés, par exemple, le pacte prévoit certes un mécanisme de « réinstallation », c’est-à-dire une voie légale d’accès à l’Union européenne. C’est une première.

En pratique, cela veut dire que des ressortissants de pays tiers, qui se trouvent dans des Etats tiers (le Liban, la Jordanie ou le Kenya par exemple), souvent dans des camps gérés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, pourront être transférés sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne. Les réinstallations auront lieu dans les Etats membres qui sont volontaires.

C’est là que le bât blesse : tout repose sur le volontariat. Le mécanisme ne sera pas opposable par les ressortissants des pays tiers, qui ne sauraient s’en prévaloir pour se voir reconnaître des droits. Les proportions d’exilés concernées seront donc minimes. Il s’agit d’une solidarité factice.

Qu’en est-il de la solidarité entre Etats membres ?

M.-L. B.-G. : Cette solidarité est présentée comme une nouveauté, qui apparaît dans le règlement sur la gestion de la migration et de l’asile, lequel reprend et remplace le règlement Dublin, qui permet de déterminer, entre les pays de l’Union, celui qui est responsable de la demande d’asile. Pour les Etats, cette solidarité peut prendre trois formes. La relocalisation d’abord, en acceptant d’accueillir des réfugiés ou demandeurs d’asile qui se trouvent dans les pays de première entrée pour alléger la charge de l’accueil.

Mais l’objectif fixé n’est que de 30 000 relocalisations par an, ce qui est ridiculement faible sachant que l’Union a reçu un million de demandes d’asile l’an dernier et qu’il y a eu 380 000 franchissements irréguliers de frontières. Il n’y a du reste aucune garantie que l’objectif soit atteint. En 2016-2017, sur un objectif de 160 000 relocalisations prévues sur deux ans, seules 34 000 avaient finalement eu lieu.

« Le volet "solidarité" du pacte est ridicule et largement factice »

Deuxième option : les contributions financières, en faveur soit du dispositif d’accueil, soit du contrôle des frontières, avec un objectif de 600 millions d’euros par an. Enfin, la solidarité pourra se manifester par la fourniture d’une aide en nature, à l’équipement ou à l’entraînement de garde-côtes et de gardes-frontières. Les Etats membres auront le choix entre ces trois modalités, qui recouvrent des options politiques dont certaines peuvent difficilement être qualifiées de « solidaires ». Le volet « solidarité » du pacte est donc ridicule et largement factice.

La fermeté constitue l’essentiel du pacte pour la migration et l’asile. Que faut-il en retenir ?

M.-L. B.-G. : Quatre éléments sont notables. D’abord, l’obligation de procédures aux frontières extérieures de l’Union. Jusque-là optionnelle, la procédure d’asile à la frontière devient obligatoire dans un très grand nombre de cas. Elle se distingue de la procédure d’asile normale par des délais d’examen très contraints et des garanties procédurales très amoindries, qui, selon la Commission et les Etats membres, concerneraient les demandeurs d’asile ayant une moindre opportunité de bénéficier d’une protection internationale.

La frontière doit être comprise dans toute son épaisseur : elle s’étend dans l’espace et se répand dans le temps au gré des textes normatifs, venant exciser le territoire national par la création de fictions de non-entrée. Par exemple, un ressortissant de pays tiers interpellé sur le territoire français en situation irrégulière, sans que puisse être prouvé qu’il a été contrôlé lors du franchissement des frontières extérieures, pourra être placé dans la procédure de filtrage puis la procédure d’asile à la frontière.

Tel sera automatiquement le cas des migrants qui tentent de franchir irrégulièrement les frontières extérieures, qui demandent l’asile lors des contrôles aux frontières extérieures, ou qui sont débarqués après une opération de sauvetage en mer. En effet, durant la procédure de filtrage, ainsi que durant les procédures d’asile et de retour à la frontière, les exilés ne seront pas autorisés à rentrer sur le territoire (légal) alors même qu’il se trouve sur le territoire (physique). En pratique, cela signifie une multiplication des centres aux frontières de l’Union européenne, et certainement aussi une augmentation des locaux d’attente.

Le deuxième élément notable de fermeté est la diminution des droits des migrants, jusqu’à leur suppression s’ils ne respectent pas les obligations qu’on leur impose. Les exilés devront par exemple rester dans le pays de première entrée (par lequel ils ont pénétré sur le territoire de l’Union) s’ils y ont enregistré une demande d’asile. S’ils le quittent, la demande d’asile sera considérée comme retirée.

La restriction des droits porte aussi sur les aspects procéduraux : les délais de recours seront désormais très réduits

La restriction des droits porte aussi sur les aspects procéduraux : les délais de recours contre les refus d’entrée ou les décisions de transfert Dublin sont raccourcis (d’une à trois semaines pour les décisions de transfert Dublin, contre trois semaines à un mois dans les autres cas). Ils seront désormais très réduits par rapport à ceux dont bénéficient les nationaux qui contestent une mesure administrative (un à deux mois).

Quels sont les autres éléments de fermeté du pacte ?

M.-L. B.-G. : Le troisième apparait en filigrane, dans l’un des règlements : l’externalisation, autrement dit le fait de sous-traiter à des pays tiers la gestion des migrations vers l’Union européenne. Elle poursuit deux buts : la réadmission de ressortissants de pays tiers dans des pays extérieurs à l’Union, et la prévention de la migration. Elle passe à la fois par des accords internationaux en bonne et due forme, mais aussi par des arrangements – on parle de soft law. Il n’y a alors ni contrôle du parlement ni du juge, ce qui pose un problème démocratique et de respect des droits humains.

Des memorandums of understanding ont ainsi été signés entre l’Union européenne et la Tunisie, l’Egypte ou la Mauritanie, dans le but d’y renvoyer des ressortissants de pays tiers, qu’il s’agisse de leurs ressortissants nationaux ou de ceux d’autres Etats tiers ayant transité par leur territoire.

Quant à la prévention de la migration, elle pose un très gros problème de violation de l’article 13 du pacte international sur les droits civils et politiques. Ce traité des Nations unies adopté en 1966 précise les droits et libertés énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme ; son article 13 affirme le droit de chacun à quitter le territoire de tout pays.

L’externalisation de la gestion des migrations témoigne de la volonté de l’UE d’étendre ses frontières extérieures le plus en amont possible

L’externalisation témoigne de la volonté de l’Union européenne d’étendre ses frontières extérieures le plus en amont possible, quitte à passer des accords avec des Etats dirigés par des gouvernements autoritaires, comme la Tunisie de Kaïs Saïed ou l’Egypte de Fattah al-Sissi, voire carrément des Etats faillis, comme la Libye. Or les violations des droits humains commises dans ces pays sont très largement documentées.

Dernier élément de fermeté : l’obsession pour l’efficacité de la politique de retour. L’éloignement des migrants vers des Etats tiers est la priorité de l’Union, quitte à procéder à des refoulements d’exilés aux frontières, illégaux. On ne considère pas que la liberté ou la dignité des exilés s’en trouvent affectées. Comme le dit le professeur de droit international James Hathaway, le pacte est un instrument de négation du droit d’asile, un outil de contournement de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et de la Convention de Genève sur les réfugiés.

A quel point le pacte entérine-t-il des pratiques déjà mises en œuvre, comme les hotspots1 ?

M.-L. B.-G. : Le pacte est présenté comme quelque chose de nouveau par la Commission. C’est faux. Il reprend les propositions de 2016. Hormis le mécanisme de solidarité, très insuffisant, et le règlement réinstallation, factice, il y a davantage de continuité que de bouleversements. Prenons la procédure d’asile à la frontière : elle est nouvelle sans l’être. Elle était déjà autorisée. Désormais, elle devient obligatoire dès lors que la demande d’asile doit être étudiée en procédure accélérée, ce qui correspond à un très grand nombre d’hypothèses.

Les hotspots ont déjà été expérimentés, on a vu que ça ne marchait pas… et pourtant, on persiste

De même, la Commission affirme que « Dublin, c’est fini ». Mais le règlement sur la gestion de l’asile et de la migration ne fait que reprendre ce règlement, en y ajoutant de petites subtilités. « Dublin est mort, vive Dublin ! », devrait-on plutôt dire. Quant aux hotspots, ils ont été mis en œuvre à grande échelle par l’Italie et la Grèce à partir des années 2010, entérinés par l’agenda européen sur la migration en 2015, et développés par la Bulgarie et la Roumanie depuis le printemps 2023.

L’outil a déjà été expérimenté, on a vu que ça ne marchait pas… et pourtant, on persiste. Tels les Shadoks, nous continuons à pomper. Il y a donc une très grande continuité, avec une accentuation de la fermeté, et une réduction des droits de ressortissants des pays tiers et des demandeurs d’asile.

Vu sa complexité, le pacte pourra-t-il être appliqué tel qu’il a été pensé ?

M.-L. B.-G. : Bien que les règlements soient des textes directement applicables, le pacte va demander des changements importants dans les droits nationaux. Notamment du fait de la procédure obligatoire d’asile à la frontière, et de l’association entre rejet de la demande d’asile et édiction d’une mesure de retour.

Le règlement « filtrage » et celui sur les procédures d’asile ne peuvent donner lieu qu’à la création d’immenses camps

Dans le règlement « filtrage », qui prévoit la conduite de nombreuses vérifications du statut des migrants et de la procédure qui leur est applicable, et dans celui sur les procédures d’asile, il n’est pas mentionné que les migrants vont être détenus. Mais il est précisé : « Ils n’ont pas le droit de rentrer sur le territoire », « il faut empêcher les mouvements non autorisés », « il faut qu’ils soient en permanence à disposition des autorités ». En pratique, cela ne peut donner lieu qu’à la création d’immenses camps pour gérer ces flux humains.

Or les délais de traitement des dossiers sont très courts. Douze semaines seulement sont prévues pour le traitement des procédures à la frontière, qu’il s’agisse d’asile ou de retour. En 2015, la Grèce avait prévu deux semaines pour l’examen des demandes d’asile. Dans les faits, cela mettait en moyenne sept mois (donc plus pour certaines demandes). Les délais fixés sont impossibles à tenir à moins d’un investissement massif dans les dispositifs nationaux d’asile des Etats membres. Mais comment l’envisager en période de restrictions budgétaires ?

Sauf à décider de ne faire qu’un examen très superficiel des demandes d’asile, et à privilégier la procédure de retour. Mais cela n’empêchera pas que 70 % des personnes qui font l’objet d’une procédure de retour ne peuvent pas être renvoyées : parce que les pays vers lesquels les autorités veulent les renvoyer n’acceptent pas de délivrer des laissez-passer consulaires, ou parce qu’elles obtiennent que soit reconnu le risque de refoulement en cas de renvoi, ou bien parce qu’elles peuvent faire valoir leur droit à une vie privée et familiale à raison de leurs attaches avec le pays qui veut les éloigner.

Bref, nous avons là une usine à gaz qui va produire de nouveaux hotspots comme on en a vu en Grèce et en Italie, et que la Cour européenne des droits de l’Homme a condamnés à maintes reprises pour traitements inhumains et dégradants.

Le pacte me semble irrationnel, en droit autant qu’en pratique. Il a pourtant été adopté

A quoi sert un texte qui ne peut pas être mis en œuvre tel qu’il a été conçu ?

M.-L. B.-G. : Le pacte me semble irrationnel, en droit autant qu’en pratique. Il a pourtant été adopté. Plusieurs explications sont possibles. La première, c’est la peur que surviennent d’autres crises, mal à propos qualifiées de « migratoires ». L’actualité, avec son lot de coups d’Etat par des régimes militaires, produit des réfugiés, donc des signaux de risque tels que les analyse l’agence Frontex.

Deuxième explication : la Commission von der Leyen a voulu se mettre au centre des institutions, en ne laissant plus l’initiative aux Etats, comme cela avait été le cas pour le règlement de Dublin et les accords de Schengen. C’est la dimension de stratégie institutionnelle.

Enfin, on ne peut occulter la stratégie électoraliste à l’approche des élections européennes de 2024. La Commission l’a utilisé pour faire pression sur le Parlement en lui disant en substance : « Si nous ne sommes pas capables de nous mettre d’accord sur une politique commune d’asile et de migration, la prochaine mandature adoptera un pacte encore plus dur. »

Peut-on encore infléchir le pacte ?

M.-L. B.-G. : D’un point de vue juridique, en théorie, c’est assez simple : il suffit d’adopter des normes qui organisent et rendent possible la migration légale. D’un point de vue politique, les échéances électorales avec une montée anticipée de l’extrême droite laissent augurer d’une politique qui ne sera pas plus rationnelle.

Bien qu’il n’y ait pas de problème migratoire en Europe, l’ambiance générale est très peu propice à l’adoption de règles qui favorisent les voies de migration légale. Le secours en mer brille par son absence dans le pacte. Le Parlement avait pourtant appelé, dans une résolution de juillet 2023, à l’adoption d’un plan européen sur cette question.

La voie méditerranéenne est la plus létale au monde, avec entre 3 000 et 5 000 morts par an depuis plus de vingt ans. C’est un triste record.

QOSHE - « Le pacte européen pour la migration et l’asile est un outil de contournement des droits humains » - Recueilli Par Céline Mouzon
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« Le pacte européen pour la migration et l’asile est un outil de contournement des droits humains »

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25.05.2024

Le 10 avril dernier, le Parlement européen a adopté le pacte pour la migration et l’asile, au terme de plusieurs années de tractation. Jusqu’au bout incertain, le vote est survenu à quelques semaines des élections européennes du 9 juin prochain. « Nous avons écrit l'histoire », a déclaré sur X (ex-Twitter) la présidente du Parlement, Roberta Metsola. Le pacte devrait entrer en vigueur au printemps 2026.

A droite de l’échiquier politique, les parlementaires ont critiqué la solidarité qu’il instaure entre pays membres. A peine le pacte adopté, quinze pays ont envoyé à l’exécutif européen une lettre lui demandant d’aller plus loin « pour prévenir l’immigration irrégulière en Europe » (la France n’en fait pas partie). A gauche, le pacte est jugé attentatoire aux droits des exilés.

Dans de nombreux médias, les commentateurs ont souligné les deux aspects du texte : solidarité d’un côté, fermeté de l’autre. Peu ont en réalité pris le temps de lire cet ensemble aussi dense qu’indigeste. Pour y voir plus clair, Alternatives Economiques s’est entretenu avec la professeure de droit Marie-Laure Basilien-Gainche qui, avec sa collègue Ségolène Barbou des Places, s’est attelée à cette lecture ardue, et propose dans le cadre de l’Institut Convergences migrations, un séminaire DroitS des étrangers, consacré au pacte.

Le 10 avril dernier, le Parlement européen a adopté le pacte pour la migration et l’asile, au terme de plusieurs années de tractation. Jusqu’au bout incertain, le vote est survenu à quelques semaines des élections européennes du 9 juin prochain. « Nous avons écrit l’histoire », a déclaré sur X (ex-Twitter) la présidente du Parlement, Roberta Metsola. Le pacte devrait entrer en vigueur au printemps 2026.

A droite de l’échiquier politique, les parlementaires ont critiqué la solidarité qu’il instaure entre pays membres. A peine le pacte adopté, quinze pays ont envoyé à l’exécutif européen une lettre lui demandant d’aller plus loin « pour prévenir l’immigration irrégulière en Europe » (la France n’en fait pas partie). A gauche, le pacte est jugé attentatoire aux droits des exilés.

Dans de nombreux médias, les commentateurs ont souligné les deux aspects du texte : solidarité d’un côté, fermeté de l’autre. Peu ont en réalité pris le temps de lire cet ensemble aussi dense qu’indigeste. Pour y voir plus clair, Alternatives Economiques s’est entretenu avec la professeure de droit Marie-Laure Basilien-Gainche qui, avec sa collègue Ségolène Barbou des Places, s’est attelée à cette lecture ardue, et propose dans le cadre de l’Institut Convergences migrations, un séminaire DroitS des étrangers, consacré au pacte.

Qu’est-ce que le pacte pour la migration et l’asile ?

Marie-Laure Basilien-Gainche : C’est un ensemble de textes normatifs qui visent à modifier le régime d’asile européen commun. L’Union européenne s’est dotée d’un premier paquet « asile »entre 2001 et 2005, puis d’un deuxième entre 2011 et 2013. En 2015-2016, dans le cadre de la crise de l’accueil des exilés, la proposition d’un troisième paquet a été faite, mais n’a pas abouti.

En septembre 2020, la Commission von der Leyen, tout juste entrée en fonction, s’est emparée de la question. Le pacte, définitivement adopté par le Parlement en avril, est composé stricto sensu de cinq règlements, auquel un sixième a été ajouté in extremis en décembre 2023. Au sens large, en tenant compte des textes adoptés depuis 2016, il est composé de dix textes – des règlements et quelques directives. Cela représente 1 500 pages de normes pour le pacte stricto sensu, et 3 000 pour le pacte lato sensu. C’est l’aboutissement de neuf ans de travail.

« Le pacte se présente comme un système d’une extrême complexité produisant une forme de saturation normative et administrative »

Le pacte est un ensemble colossal et difficilement intelligible. Il construit un régime de la migration et de l’asile global, avec des textes qui se citent les uns les autres, se modifient les uns les autres. Il envisage tous les cas de figure, de sorte à ne laisser passer aucune situation entre les mailles du filet. Il se présente donc comme un système d’une extrême complexité, dense et détaillé à l’excès, produisant une forme de saturation normative et administrative.

Par rapport aux directives, les règlements sont d’application directe : ils ne nécessitent pas de transposition dans l’ordre juridique interne des Etats membres. Le pacte renforce donc l’harmonisation des procédures entre pays de l’Union européenne en matière d’asile et de migration. Il limite les marges de manœuvre laissées aux Etats membres, notamment la possibilité de dispositifs nationaux d’asile plus favorables aux ressortissants des........

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