À la rentrée 2018, six collèges nîmois ont été re-sectorisés et près de 600 élèves ont été déplacés. Cinq ans plus tard, le bilan est mitigé selon les établissements.

La mixité sociale à l’école, il y a ceux qui la fuient, comme la ministre de l’Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra. Et puis il y a ceux qui cherchent des solutions.

À Nîmes, un véritable effort politique a été mené auprès de plusieurs collèges de la ville, pour la rentrée 2018. « Un travail en commun, par-delà les oppositions politiques », souligne Nathalie Nury, vice-présidente (PS) de département du Gard chargée des collèges, qui a mené ce chantier avec son homologue d’alors à la ville, Valérie Rouverand, adjointe (LR) chargée de l’éducation1.

Dans le sillage de l’élan politique de la ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem, le conseil départemental s’empare du sujet dès 2016 et décide de fermer le collège Diderot, un collège REP+ situé au sein du Valdegour, quartier nîmois défavorisé à l’ouest de la ville. « Beaucoup de familles évitaient ce collège : on comptait 280 élèves pour une capacité d’accueil de 600 », souligne Nathalie Nury. Le redéploiement de ces élèves vers d’autres collèges s’accompagne d’un redécoupage de la carte scolaire.

Au total, 600 élèves sont déplacés, en essayant de respecter dans chaque établissement un ratio de 30 % d’élèves défavorisés pour 70 % d’élèves plus favorisés, ratio qui permet un changement en douceur tout en permettant une vraie évolution, sans effrayer les acteurs.

Le rectorat, lui, travaille alors à limiter les stratégies d’évitement des familles : les demandes de dérogations dans le public sont bloquées, tout comme les créations de places dans le privé. Surtout, dans chaque collège concerné, des réunions sont organisées.

« Les parents avaient peur, aussi bien dans les collèges qui accueillent, que parmi ceux de Diderot, se rappelle Valérie Rouverand. Il y avait la crainte de voir son enfant quitter le quartier, estime l’ancienne adjointe municipale. Nous avons dû prendre le temps pour rassurer les familles et les accompagner. »

Cinq ans après, le bilan est contrasté. À Rostand, tout va pour le mieux : le collège, qui avait accueilli 130 anciens élèves de Diderot, continue de recruter au sein du Valdegour, sans perdre les enfants des familles plus aisées des alentours. « Le taux de réussite au brevet n’a pas chuté, et le nombre de conseils de discipline n’a pas explosé », souligne Nathalie Nury.

Bilan mitigé

Dans d’autres établissements, le résultat s’avère plus nuancé. À Jules Vernes, dans le quartier Puech-du-Teil, l’Indice de position sociale (IPS) plafonne à 71, contre 103 pour la moyenne nationale. Pour rappel, l’IPS résume le statut social moyen des élèves qu’accueille un collège : plus il est élevé, plus l’établissement recrute au sein des enfants de familles aisées.

« Une vraie politique d’attractivité avait été menée, notamment avec la création de section sport études ou encore de classe bilingue, souligne Jérôme Amicel, du Snes-FSU du Gard. Mais les moyens n’ont pas été reconduits dans le temps. Et les familles se sont détournées de cet établissement. »

Nathalie Nury est bien obligée de constater que « les familles ne manquent pas d’imagination lorsqu’il s’agit de contourner la carte scolaire » qu’il s’agisse, ici comme ailleurs, de demander des options rares ou de donner de fausses adresses.

« Une tentative louable mais limitée par le poids de l’enseignement privé catholique », selon le Snes-FSU

Réussite « imparfaite », donc, reconnaît la vice-présidente du département, « mais si je devais le refaire, je recommencerais sans aucun doute. » Le Snes-FSU évoque « une tentative louable mais limitée par le poids de l’enseignement privé catholique. »

Amélioration du climat scolaire

Pour Valérie Rouverand, la réussite vient de ces paroles de collégiennes qui avaient quitté leur quartier pour être scolarisées dans le centre. « Leur intégration dans leur nouveau collège paraissait parfois difficile, mais elles m’ont précisé que cela leur permettait de découvrir le centre-ville dans lequel elles peuvent se balader quand elles finissent tôt. "Ça change de nos tours", me disaient-elles. »

Faisant le bilan des expérimentations menées en matière de mixité scolaire dans le secteur public, que ce soit par exemple dans la ville voisine de Montpellier ou en plein cœur de Paris, le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) en avait fait en avril 2023 un premier retour « positif ». Les auteurs notaient en particulier un climat scolaire de meilleure qualité, « tant pour les jeunes issus de milieux favorisés que défavorisés », ainsi qu’une « meilleure estime de soi » pour les seconds.

Des résultats qui incitent à lever les craintes que ces projets politiques peuvent susciter. « Il faut travailler au plus près du terrain pour parler à toutes les personnes concernées, et c’est par un travail en commun entre tous les acteurs que l’on parvient à faire avancer les choses. En plus d’un vrai élan politique permettant de porter ces enjeux », souligne Nathalie Nury. Hélas, ce n’est sans doute pas d’Amélie Oudéa-Castera qu’il viendra.

QOSHE - Nîmes chamboule sa carte scolaire pour plus de mixité sociale au collège - Malika Butzbach
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Nîmes chamboule sa carte scolaire pour plus de mixité sociale au collège

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05.02.2024

À la rentrée 2018, six collèges nîmois ont été re-sectorisés et près de 600 élèves ont été déplacés. Cinq ans plus tard, le bilan est mitigé selon les établissements.

La mixité sociale à l’école, il y a ceux qui la fuient, comme la ministre de l’Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra. Et puis il y a ceux qui cherchent des solutions.

À Nîmes, un véritable effort politique a été mené auprès de plusieurs collèges de la ville, pour la rentrée 2018. « Un travail en commun, par-delà les oppositions politiques », souligne Nathalie Nury, vice-présidente (PS) de département du Gard chargée des collèges, qui a mené ce chantier avec son homologue d’alors à la ville, Valérie Rouverand, adjointe (LR) chargée de l’éducation1.

Dans le sillage de l’élan politique de la ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem, le conseil départemental s’empare du sujet dès 2016 et décide de fermer le collège Diderot, un collège REP situé au sein du Valdegour, quartier nîmois défavorisé à l’ouest de la ville. « Beaucoup de familles évitaient ce collège : on comptait 280 élèves pour une capacité d’accueil de 600 », souligne Nathalie Nury. Le redéploiement de ces élèves vers d’autres collèges s’accompagne d’un redécoupage de la carte scolaire.

Au total, 600 élèves sont........

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