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« Techno-nationalisme de club » et souveraineté technologique : les « puces...

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22.11.2025

Souveraineté et dépendances dans l’économie du silicium

Depuis deux décennies, les semi-conducteurs (les « puces » électroniques) sont devenus les fondations invisibles de notre monde connecté. Ils animent les centres de données qui soutiennent l’intelligence artificielle, les véhicules électriques et leurs multiples capteurs, les infrastructures médicales avancées, ou encore les systèmes de défense les plus sophistiqués. Leur caractère d’innovation systémique (Laperche, Uzunidis, 2025), qui traverse l’ensemble des secteurs économiques, confère à cette industrie une importance stratégique que peu de domaines égalent. Pourtant, cette centralité s’accompagne d’une fragilité structurelle : la production mondiale est extraordinairement concentrée, au point que l’arrêt d’une poignée de sites, d’entreprises ou de technologies spécifiques suffirait à déstabiliser des chaînes industrielles entières.

La position de TSMC, le géant taïwanais de la fabrication de puces, illustre très bien cette dépendance. À lui seul, il produit l’écrasante majorité des circuits intégrés les plus avancés du globe. Dans un tel contexte, où la géographie industrielle conditionne la sécurité économique et militaire, une question revient avec insistance : comment les États peuvent-ils garantir leur souveraineté technologique dans une industrie aussi globalisée, aussi rapide et aussi concentrée ? C’est ici que le concept de « techno-nationalisme » prend tout son sens, et qu’une variante émergente, le « techno-nationalisme de club » (Laperche, 2025), apparaît comme une clé d’interprétation indispensable pour comprendre les transformations en cours.

Le « techno-nationalisme » : maîtriser et protéger les technologies critiques

Le « techno-nationalisme » est fondé sur une conviction simple mais puissante : la maîtrise des technologies les plus critiques est devenue un attribut essentiel de la puissance publique. Dans cette logique, l’État n’est plus seulement un facilitateur ou un régulateur de marché, il devient l’architecte actif des capacités technologiques qui conditionnent sa souveraineté. Il investit massivement dans la formation, la recherche, les infrastructures de manière à consolider le système national d’innovation dans lequel les entreprises leaders peuvent puiser de connaissances, de technologies et… de finances, mais veille aussi à protéger les savoirs sensibles, les secrets industriels, les données stratégiques ou les équipements à risques. L’objectif est clair : disposer d’un socle de compétences domestiques suffisamment solide pour résister aux chocs externes, négocier avec ses partenaires en position de force et réduire les dépendances aux acteurs susceptibles d’exercer une pression politique ou économique (Lundvall, Rikap, 2022).

Cette stratégie repose sur un paradoxe. Les semi-conducteurs sont produits dans une chaîne de valeur mondialisée, où chaque région détient un maillon particulier : les États-Unis dominent les logiciels de conception (EDA), l’Europe le segment critique des équipements de lithographie, le Japon les matériaux spécialisés, et l’Asie, en particulier Taïwan et la Corée, la fabrication la plus avancée. Cette fragmentation a longtemps permis une efficacité économique remarquable, mais elle expose désormais........

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