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"Tolstoï, l’instituteur dont vous ne voulez pas" : "J'ai voulu le montrer au-delà de l’image d’Épinal qu’on se fait de lui"

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29.04.2024

« Comment rater ses études » ; « comment ne pas savoir vivre » ; « comment se fâcher avec tout le monde » ; « comment avoir toujours tort » ; « comment déprimer » ; « comment se complaire dans la contradiction » ; « comment être un bon influenceur », etc. : spécialiste de l'histoire de la littérature russe du XIXe siècle, Victoire Feuillebois propose, dans Maître Tolstoï (CNRS éditions), un portrait original de l'écrivain russe.

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Alors qu'il est (presque) unanimement salué comme un génie et souvent célébré comme un saint, l'universitaire nous décrit, dans cet essai à cheval entre la biographie et la monographie, un Léon Tolstoï, certes talentueux, mais terriblement humain. Victoire Feuillebois nous rappelle néanmoins que si Tolstoï n'a rien d'un gourou ou d'un coach de vie, comme le voudraient certains, il y a un domaine dans lequel il a sincèrement tenté d'être un maître : l'école.

Marianne : Dans votre livre, vous nous montrez un Tolstoï qui a raté sa vie, qui a mauvais caractère et qui n’est pas fidèle à ses principes. Pourquoi ?

Victoire Feuillebois :Je ne pense pas que Tolstoï ait totalement raté sa vie, mais c’est vrai qu’il a affronté la vie dans toutes ses difficultés. Comme nous tous, il n’a pas réussi dans tous les compartiments. Je travaille en France sur la littérature russe, à l’interface entre deux traditions littéraires, pour lesquelles lorsqu’on est un grand écrivain, on doit être parfait. En Russie, Tolstoï est complètement mythifié, panthéonisé et il n’y a plus la trace de ses aspérités, qui le rendent extrêmement attachant. Je ne parle pas du fait qu’il ait raté ses études pour dire qu’il est nul. Je n’essaie pas de le déboulonner.

« Il a un côté un peu hippie, un peu punk, radical, qui le rend aujourd’hui intéressant. »

Je souhaite juste montrer qu’il faut aller au-delà de l’image d’Épinal qu’on se fait de lui. La comparaison avec Dostoïevski est intéressante. On a toujours l’impression que Dostoïevski est un auteur extravagant, alors que Tolstoï est un auteur sage. En réalité, c’est vraiment un auteur éruptif qui nous demande de sortir de notre zone de confort. Et le biais de l’école permet justement cela.

Votre livre semble déconstruire Tolstoï pour mieux lui rendre hommage…

Oui. Je ne suis pas sûr qu’en 2024, nous voulons forcément avoir un rapport canonique aux auteurs, comme de grands hommes. Ils sont grands parce qu’ils ont écrit de grands romans au XIXe siècle, mais tout cela est maintenant loin de nous. Alors qu’est-ce qui rend cette figure actuelle ? Son parcours qui est un peu heurté. Il n’a rien considéré comme un acquis, même quand cela a posé des problèmes dans son existence.

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Ses problèmes avec sa femme, par exemple, sont liés au fait qu’être un héritier, un aristocrate, avec du capital symbolique et non économique n’était plus pour lui une évidence. Et cela ne peut que lui attirer les foudres de la société autour de lui. Car il a un côté un peu hippie, un peu punk, radical, qui le rend aujourd’hui intéressant.

La singularité de votre livre est qu’il rappelle que Tolstoï est aussi un pédagogue ou en tout cas, il se voyait comme tel.

Il y a........

© Marianne


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