Seconde Guerre mondiale : "la collaboration avec les nazis en Ukraine était comparable à l'Europe occidentale"
« Qui remue le passé perd un œil ; qui l'oublie perd les deux », dit le proverbe ukrainien. L'annonce de la venue du président Volodymyr Zelensky aux commémorations du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, a ravivé les interrogations sur le rôle trouble de l’ancienne république socialiste soviétique vis à vis de l’occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale.
En 1939, le pacte germano-soviétique acte un partage de la Pologne entre Berlin et Moscou. L’Ukraine voit alors ses frontières occidentales s’étendre à la Bessarabie [actuelle Moldavie] et à d’autres territoires annexés. En 1941, l’Allemagne nazie et ses alliés déclenchent l’opération Barbarossa et envahissent toute la Pologne et l’Ukraine, un revirement vu par les populations locales – dans un premier temps – comme une libération du joug soviétique.
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Masha Cerovic est historienne, maîtresse de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Elle est spécialisée dans les violences de guerre « irrégulières » dans l’espace russe, de l’époque impériale à la confrontation germano-soviétique. En 2018, elle a publié Les enfants de Staline, aux éditions du Seuil, à propos des partisans soviétiques qui ont résisté à l’occupation nazie en Europe.
Marianne : La soviétisation à marche forcée de l’Ukraine, couplée aux famines de l’Holodomor, qui a fait entre 2,6 et 5 millions de morts, ont-elles fait de l'occupant allemand un potentiel libérateur, poussant une partie des Ukrainiens dans la collaboration ?
Masha Cerovic : L’Ukraine est, en 1939, avant tout une République socialiste soviétique (RSS). À la suite du pacte Ribbentrop-Molotov de 1939, l’Armée rouge a envahi la Pologne par l’Est, et une partie des territoires polonais est intégrée aux RSS de Biélorussie et d’Ukraine. Dans cette partie de la Pologne nouvellement intégrée, les deux années d’annexion soviétique, avant l’occupation allemande [qui démarre en 1941], sont un moment de radicalisation très rapide et complexe : on arrive au bout de 25 ans d’histoire, les Soviétiques sont accueillis avec beaucoup de surprise, on ne sait pas à quoi s’attendre.
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La très grande violence de la soviétisation entre 1939 et 1941 crée une hostilité très forte d’une large part de la population. Lorsque les Allemands lancent leur offensive dans l’ensemble des territoires annexés,........
© Marianne
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