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La tentation autoritaire étasunienne

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30.11.2025

En 1952, le sénateur Joseph McCarthy propose ouvertement d’user de «l’intimidation et des menaces» contre les alliés européens pour imposer la volonté des Etats-Unis aux autres nations. Cette stratégie de contrainte, accompagnée d’attaques diffamatoires sur le front intérieur, finit par alarmer la Maison-Blanche. En décembre 1953, à la veille d’une conférence des trois grandes puissances occidentales – France, Etats-Unis, Grande-Bretagne – aux Bermudes, le président Dwight D. Eisenhower et son secrétaire d’Etat, John Foster Dulles, décident de rompre publiquement avec l’offensive du sénateur du Wisconsin. Dans deux discours prononcés les 1er et 2 décembre, à deux jours de l’ouverture du sommet, ils réaffirment la nécessité d’une diplomatie multilatérale et de la coopération avec les alliés européens, à rebours d’une politique du chantage prônée par l’aile radicale du Parti républicain. Cette rupture marque le début d’un bras de fer entre le président des Etats-Unis et les forces réactionnaires qui tentent de prendre le contrôle de son propre parti. Un combat de longue haleine qui ne parviendra pas, en définitive, à contenir leur ascension. Des décennies plus tard, celles-ci porteront Donald Trump et son mouvement MAGA, qui reprendra à son compte des méthodes qualifiées de «folles» au sein même du cercle présidentiel de l’époque et qui se sont aujourd’hui normalisées1>Memo from Coordinator of Psychological Intelligence, «West European Reaction to Dulles-Eisenhower ‘Reply’ to McCarthy», Confidential Files, Box 49, Folder OCB-1, Dwight D. Eisenhower Library, Abilene, Kansas, Traduction personnelle..

La prise de position de la présidence américaine de 1953 provoqua une onde de choc immédiate à travers le monde, notamment en Europe, entraînant un large soutien de l’opinion publique, qui salua ce sursaut démocratique attendu de longue date. La presse en fit aussitôt ses gros titres. Au Royaume-Uni, le British News Chronicle soulignait que la réaction vigoureuse du président Eisenhower marquait le début d’une «guerre contre McCarthy». Le Manchester Guardian notait pour sa part: «L’administration [d’Einsenhower]… semble avoir pris la décision mémorable que l’un des meilleurs moyens de restaurer la confiance dans la politique étrangère américaine est d’attaquer les excès violents du maccarthysme.»

L’éditorial du même journal relevait que John Foster Dulles avait répondu «longuement et avec ferveur à ce qu’il a justement qualifié d’attaques visant le cœur de la politique américaine», en soulignant que les Etats-Unis avaient besoin d’alliés, tout comme les villes du Midwest avaient dû compter sur l’aide canadienne pour leur «défense» – une remarque qui résonne ironiquement aujourd’hui, si l’on songe à l’attitude belliqueuse de Trump envers le voisin du Nord. Le Chronicle concluait: «Il faut noter qu’ils [Dulles et Eisenhower] n’ont pas dénoncé McCarthy parce qu’il a répandu la peur chez lui et le dégoût à l’étranger par ses méthodes impitoyables de chasse aux sorcières. Pourtant, cette bataille principale devra être menée, et peut-être n’est-elle pas si lointaine.»

Dans ses mémoires orales, Philip Jessup, diplomate et juriste........

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