La générosité en excuse
En 1881, le juge Basile Routhier, l’auteur des paroles du Ô Canada, expliquait le monde à ceux qui l’applaudissaient lors de belles conférences. Les riches sont très riches et les pauvres sont très pauvres, expliquait-il en substance, parce que cela, au même titre que les étoiles dans le firmament, est voulu par Dieu.
Les pauvres seraient donc appelés à demeurer pauvres, non par accident de l’histoire, mais par nécessité cosmique. « Dans le ciel comme sur la terre, et dans l’immensité de la création, l’inégalité existe à l’état d’attribut essentiel des êtres, et elle existera aussi longtemps que le monde », martèle Routhier, en citant à sa manière des paroles de Jésus : « Vous aurez toujours des pauvres au milieu de vous. »
À ses yeux, toute revendication d’égalité véritable menait droit au chaos révolutionnaire : la guillotine, le jacobinisme, le dérèglement de l’ordre social béni par l’Église. Mieux valait donc préserver une société hiérarchisée, unie dans la foi, où les différences de classe disparaissaient par enchantement à la seule évocation du mot nation.
En 1911, Routhier accède lui-même à la hiérarchie qu’il avait si soigneusement justifiée. Ennobli par le roi Édouard VII, il devient sir Basile Routhier. C’est l’aboutissement symbolique d’une carrière consacrée à la défense de l’ordre social existant. Dans le langage populaire, ces notables promus par la Couronne, engagés dans la reproduction du système qui les récompensait, étaient surnommés les « cirés ».
Quelques années plus tôt, lorsqu’il martelait avec assurance, du haut de sa........





















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