La fin de l’innocence ? (I) Mon exploration de Montréal
L’auteur est historien, sociologue, écrivain et enseignant retraité de l’UQAC. Ses recherches portent sur les imaginaires collectifs.
Ce texte et celui qui suivra veulent illustrer à quel point notre monde a changé depuis quelques décennies. La part de la naïveté et de l’innocence s’est beaucoup rétrécie. Ils veulent aussi montrer comment on pouvait jadis s’émerveiller à peu de frais.
À l’âge de treize ans, j’étais étudiant au collège classique de Jonquière. Dès la fin de l’année scolaire, j’ai commencé à travailler dans une manufacture de matériaux de construction (salaire hebdomadaire : 13 $ pour 55 heures d’ouvrage). On me faisait étendre sur des portes et des fenêtres un enduit qui les protégeait avant qu’elles soient livrées. J’y ai travaillé jusqu’au début des classes en septembre. J’ai fait la même chose l’été suivant (durant les années qui suivirent, j’ai eu droit à des promotions : conduite d’un tracteur, puis d’un camion). Mais entre-temps, j’avais pris de l’assurance. Assez jeune, j’avais développé une passion, je dirais même une rage pour le voyage, pour l’exotisme, sans pouvoir l’assouvir. J’ai résolu d’y remédier.
Durant le deuxième été, je sortais du travail à midi le samedi. Une heure plus tard, j’étais posté à la sortie de Jonquière et prenais place dans la ligne des « pouceux ». Destination : Montréal.
Il était facile en ce temps-là de voyager sur le pouce. La confiance régnait. J’ai répété cette expérience chaque semaine jusqu’à la fin du mois........
© Le Devoir
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