Une manifestation nationale est prévue samedi 25 mai contre les groupes de niveau. En parallèle, les opposants portent la question au conseil d’État et dans les conseils d’administration des collèges.

« Six mois, ça paraît à la fois tellement proche et tellement loin », sourit Pierre. L’enseignant de SVT se souvient de la première fois où il a entendu le terme « choc des savoirs », au mois de décembre dernier. « C’était à la radio, une interview de Gabriel Attal, le ministre de l’Education d’alors. Ces mots sonnaient tellement creux. Six mois après, ils sonnent toujours aussi creux, mais ils font peur en plus. »

Derrière les mots, il y a les mesures concrètes. En premier lieu, la mise en place de groupes de niveau en maths et français au collège et l’obligation d’obtenir le Brevet pour accéder au lycée. Devenus dans les textes officiels « groupes de besoin », la mise en place de ces groupes choque la...

« Six mois, ça paraît à la fois tellement proche et tellement loin », sourit Pierre. L’enseignant de SVT se souvient de la première fois où il a entendu le terme « choc des savoirs », au mois de décembre dernier. « C’était à la radio, une interview de Gabriel Attal, le ministre de l’Education d’alors. Ces mots sonnaient tellement creux. Six mois après, ils sonnent toujours aussi creux, mais ils font peur en plus. »

Derrière les mots, il y a les mesures concrètes. En premier lieu, la mise en place de groupes de niveau en maths et français au collège et l’obligation d’obtenir le Brevet pour accéder au lycée. Devenus dans les textes officiels « groupes de besoin », la mise en place de ces groupes choque la communauté éducative.

« On ne veut pas trier nos élèves. C’est contre ce pour quoi on a choisi ce métier, tranche Michael Marcilloux de la CGT Educ’Action. Les études scientifiques ont montré que cela ne marche pas et l’on sait que derrière le tri scolaire, il y a un tri social. Ce choc des savoirs, c’est un renoncement à garder la réussite de tous les élèves comme objectif de notre école. »

Résultat : depuis six mois, la mobilisation ne faiblit pas, les actions se suivent avec les mêmes revendications et le refus de mettre en place ces groupes et d’appliquer les mesures du choc des savoirs. « Que ce soit pour la manifestation nationale du 2 avril ou la réunion avec les parents, ou encore la journée collège mort en février, j’ai gardé la même pancarte », souligne en riant Pierre.

Premier samedi de mobilisation nationale

« Depuis janvier, il n’y a pas eu une semaine sans une action, que ce soit une manifestation dans la rue, une journée collège mort ou une réunion d’information dans les établissements », indique Sophie Vénétitay du Snes-FSU.

Demain 25 mai, c’est pour la première fois un samedi que s’organise l’action à l’échelle nationale. Un large collectif composé de syndicats (FSU, Unsa, FO, CGT, Sud), d’associations de parents (FCPE), de lycéens (FIDL, USL) ou encore d’enseignants (APSES), appelle à une journée de mobilisation. « Nous avons l’ambition d’une mobilisation inédite, puisque la situation de l’école est inédite », affirme Elisabeth Allain Moreno du SE-Unsa.

Le choix d’un samedi a été fait « pour permettre aux parents de venir rejoindre le mouvement, explique Abdelkrim Mesbahi de la FCPE. Tous n’ont pas les mêmes possibilités de faire grève pour aller manifester ».

« Le sujet de l’école concerne toute la société, ce ne sont pas que les professeurs, déclare Benoît Teste de la FSU. Nos organisations dénoncent l’ensemble des mesures, du premier au second degré, qui signent une certaine vision de la société, celle du tri et de l’assignation sociale, dangereuse pour notre démocratie. Un pays où la jeunesse est assignée à ses positions scolaires et sociales court un grave danger. »

Cette mobilisation est à la fois contre le choc des savoirs, « mais aussi pour notre école publique », renchérit Maud Valegeas de Sud Éducation. Des idées et pistes de réflexion pour améliorer le système existent ! Il faut juste nous écouter, et accorder les moyens nécessaires à l’éducation de la jeunesse. » Et ces revendications communes aux organisations syndicales sont nombreuses :

« Diminuer les effectifs dans les classes, améliorer la mixité scolaire, permettre aux adultes qui sont devant et autour des enfants d’être formés et reconnus, avec une rémunération digne..., énumère Caroline Brisedoux, de la CFDT. Mais le gouvernement nous répond que c’est impossible et impose sa propre réforme à la place, sans concertation. »

Les textes encadrant la mise en place des groupes ont été rejetés à 67 voix au Conseil supérieur de l’éducation contre une abstention et un vote pour. Un « passage en force » dénoncent les syndicats.

Outil législatif

Moyen d’action plus rare, plusieurs organisations syndicales ont actionné le levier législatif. La CFDT a notamment déposé un recours au Conseil d’État, tout comme le SNPDEN-Unsa et les parlementaires écologistes, à l’initiative de la sénatrice de Gironde Monique de Marco. L’argument avancé est notamment la contradiction entre l’arrêté du 15 mars, sur la création des groupes et le code de l’éducation.

« L’article R421-2 prévoit que les collèges disposent d’une autonomie en matière pédagogique et éducative, explique Caroline Brisedoux. Cette autonomie porte notamment sur l’organisation de l’établissement en classes et en groupes d’élèves, et sur les modalités de répartition des élèves. » Or, selon la hiérarchie des normes, c’est bien le code de l’éducation qui prévaut sur l’arrêté. « Il n’est donc pas possible d’imposer aux établissements de constituer des groupes de niveau. »

« La priorité n’est pas de permettre à quelques uns de "s’envoler" », Jean-Paul Delahaye, ancien Dgesco

Une autre incertitude juridique touche elle, aux dispositions relatives à la mixité. Depuis la réforme du collège de 2014, la loi précise en effet que « le collège offre sans constituer de filières un enseignement et une organisation pédagogique appropriés à la diversité des élèves ».

Un point également repris par Jean-Paul Delahaye, dans un article paru sur le site du Café pédagogique. « Il n’est pas inutile de rappeler que la priorité n’est pas de permettre à quelques-uns de “s’envoler” », rappelle l’ancien Directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) en citant là encore le code de l’éducation qui dispose que « les collèges dispensent un enseignement commun, réparti sur quatre niveaux successifs ».

C’est aussi en s’appuyant sur le code de l’éducation que, dans certains établissements, la contestation est menée. Le Snes-FSU a diffusé une note pour expliquer comment investir les conseils d’administration (CA) des établissements et utiliser les textes afin de contourner la réforme. Un moyen également évoqué au sein du Snalc, qui était pourtant en faveur de ces groupes il y a quelques mois. Dans un vadémécum publié sur son site, le syndicat propose aux équipes pédagogiques de constituer des groupes identiques aux classes.

S’emparer du CA

C’est là le jeu de l’opposition : les textes encadrant la mise en place de cette mesure sont bien flous. « La composition des groupes s’appuie sur l’analyse par le chef d’établissement et les équipes pédagogiques des besoins spécifiques de chaque élève », indique la note de service du 18 mars. D’autant que ces groupes peuvent porter sur des aspects très divers : « l’un des domaines des évaluations nationales, une partie du programme ainsi que des compétences plus transversales, par exemple la capacité à se concentrer, à mémoriser ou à organiser son travail ».

Au collège Gambetta, à Paris, les enseignants se sont emparés du conseil d’administration. Le 26 mars, lors du CA, le chef de l’établissement a présenté une proposition de répartition des moyens prévoyant des groupes de niveau. « Le vote a été majoritairement contre », rapporte Magalie Delranc, enseignante de lettres classiques et élue Snes. « Deux motions ont aussi été déposées, l’une par les professeurs, l’autre par les parents, pour contester la réforme, son fond comme ses conséquences. »

Plusieurs semaines plus tard, le 16 mai, lors d’un conseil pédagogique dédié à la préparation de la rentrée, le proviseur a proposé une autre version, avec des groupes hétérogènes, toujours dans le respect des textes peu précis.

« Nous avons acté l’évolution mais nous demeurons opposés à ces groupes, explique la professeure. Cela pose toujours problème, notamment puisque pour les mettre en place en 6e et 5e, sans moyens supplémentaires, il faudra supprimer les demi-groupes en français, maths, langues et sciences pour tous les niveaux. »

Ces actions s’ajoutent à d’autres qui voient le jour dans les départements.

« La mobilisation est multiforme, observe François Pozzo de Force Ouvrière. Il y a eu des journées "collèges morts" qui ont été très suivies, sur tout le territoire, des réunions d’informations avec les parents, des mobilisations locales … »

Les syndicats sont confiants : cette mobilisation qui vient de loin ne s’arrêtera pas après le 25 mai. Magalie Delranc l’annonce déjà : si les groupes de niveau sont mis en place, elle refusera de les constituer. « Une forme de désobéissance civile », sourit-elle.

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Collèges : face au « choc des savoirs », une résistance tous azimuts

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24.05.2024

Une manifestation nationale est prévue samedi 25 mai contre les groupes de niveau. En parallèle, les opposants portent la question au conseil d’État et dans les conseils d’administration des collèges.

« Six mois, ça paraît à la fois tellement proche et tellement loin », sourit Pierre. L’enseignant de SVT se souvient de la première fois où il a entendu le terme « choc des savoirs », au mois de décembre dernier. « C’était à la radio, une interview de Gabriel Attal, le ministre de l’Education d’alors. Ces mots sonnaient tellement creux. Six mois après, ils sonnent toujours aussi creux, mais ils font peur en plus. »

Derrière les mots, il y a les mesures concrètes. En premier lieu, la mise en place de groupes de niveau en maths et français au collège et l’obligation d’obtenir le Brevet pour accéder au lycée. Devenus dans les textes officiels « groupes de besoin », la mise en place de ces groupes choque la...

« Six mois, ça paraît à la fois tellement proche et tellement loin », sourit Pierre. L’enseignant de SVT se souvient de la première fois où il a entendu le terme « choc des savoirs », au mois de décembre dernier. « C’était à la radio, une interview de Gabriel Attal, le ministre de l’Education d’alors. Ces mots sonnaient tellement creux. Six mois après, ils sonnent toujours aussi creux, mais ils font peur en plus. »

Derrière les mots, il y a les mesures concrètes. En premier lieu, la mise en place de groupes de niveau en maths et français au collège et l’obligation d’obtenir le Brevet pour accéder au lycée. Devenus dans les textes officiels « groupes de besoin », la mise en place de ces groupes choque la communauté éducative.

« On ne veut pas trier nos élèves. C’est contre ce pour quoi on a choisi ce métier, tranche Michael Marcilloux de la CGT Educ’Action. Les études scientifiques ont montré que cela ne marche pas et l’on sait que derrière le tri scolaire, il y a un tri social. Ce choc des savoirs, c’est un renoncement à garder la réussite de tous les élèves comme objectif de notre école. »

Résultat : depuis six mois, la mobilisation ne faiblit pas, les actions se suivent avec les mêmes revendications et le refus de mettre en place ces groupes et d’appliquer les mesures du choc des savoirs. « Que ce soit pour la manifestation nationale du 2 avril ou la réunion avec les........

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