Les hausses de tarifs dans les hôpitaux publics et privés non lucratifs, dont se plaignent les cliniques privées, n’ont rien d’un traitement de faveur pour les établissements publics.

Les tarifs des hôpitaux publics et privés non lucratifs vont augmenter en 2024 de 4,3 %, a annoncé fin mars le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux. Ceux des cliniques privées croîtront de 0,3 %, autant dire, pas grand-chose. On parle là non pas du prix payé par les usagers, mais des tarifs de remboursement de la Sécurité sociale à ces établissements, par exemple lors d’une opération de la cataracte, d’une chirurgie réparatrice d’une fracture du tibia ou d’un accouchement.

Depuis lors, on assiste à une levée de boucliers de l’hospitalisation privée,...

Les tarifs des hôpitaux publics et privés non lucratifs vont augmenter en 2024 de 4,3 %, a annoncé fin mars le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux. Ceux des cliniques privées croîtront de 0,3 %, autant dire, pas grand-chose. On parle là non pas du prix payé par les usagers, mais des tarifs de remboursement de la Sécurité sociale à ces établissements, par exemple lors d’une opération de la cataracte, d’une chirurgie réparatrice d’une fracture du tibia ou d’un accouchement.

Depuis lors, on assiste à une levée de boucliers de l’hospitalisation privée, qui s’estime au bord du gouffre. Pour le grand public, ce traitement différencié peut interpeller. En réalité, il n’y a là rien que de très « normal », compte tenu de la complexité structurelle du financement des soins de santé.

Avec la tarification à l’activité (T2A), en effet, les hôpitaux sont incités à multiplier les actes, notamment ceux qui sont mieux rémunérés par l’assurance maladie, afin de boucler leur budget. Les cliniques privées privilégient notoirement les opérations simples, prévisibles et de courte de durée, bien remboursées et faciles à programmer. Elles peuvent aussi cibler les patients qui seront moins coûteux, car avec peu de complications.

Les hôpitaux publics, et dans une moindre mesure les établissements non lucratifs, sont eux, soumis à des obligations de service public. Ils prennent en charge les besoins les plus complexes et accueillent tous les publics, comme le rappellent la Drees ou la Cour des comptes.

Course à l’activité

L’enveloppe allouée aux hôpitaux est votée pour chaque année à l’automne précédent sur la base d’hypothèses sur l’activité des hôpitaux et cliniques, compte tenu des besoins de soins prévus pour la population. Afin de rester dans les clous budgétaires, le système du « point flottant » permet de faire varier le tarif selon le volume d’activité anticipé. Si l’activité augmente au-delà des prévisions, les tarifs baissent. Et inversement aussi, en théorie du moins.

Pendant longtemps, ce système a induit une course à l’activité dans les hôpitaux publics. Et une pression sur les soignants, sommés de faire toujours plus en moins de temps. La T2A a entraîné une détérioration des conditions de travail, dans un contexte global d’austérité depuis les années 2010.

De prime abord, la revalorisation de 4,3 % des tarifs pour les hôpitaux publics peut sembler être une bonne nouvelle. Elle cache toutefois une réalité plus préoccupante : le volume d’activité à l’hôpital public est inférieur au niveau prévu compte tenu des besoins. Il n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant Covid. Les conditions de travail sont trop dégradées pour attirer du personnel soignant en nombre suffisant. A l’inverse, si les tarifs des cliniques privées sont faiblement revalorisés, c’est que leur volume d’activité anticipé est plutôt bon.

Le volume d’activité à l’hôpital public reste très inférieur à son niveau d’avant Covid

Évolution du volume par domaine d’activité des soins hospitaliers publics, base 100 en 2013

Source : Drees, comptes de la santé, 2023

Il y a autre chose : dans le public, cette revalorisation tarifaire comprend aussi une revalorisation des rémunérations des soignants telle que décidée à l’issue du Ségur de la Santé en 2020. Ces revalorisations n’avaient pas toutes été budgétées, comme l’a souligné la conférence des doyens des CHU selon laquelle il manquait au moins 600 millions d’euros en 2023 (hors inflation) à ce titre.

Bref, les annonces de revalorisation pour les hôpitaux publics sont un signe supplémentaire que les choses vont décidément très mal, et qu’un palier supplémentaire a été franchi dans le délitement du service public hospitalier.

QOSHE - Que penser de la revalorisation des tarifs hospitaliers ? - Céline Mouzon
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Que penser de la revalorisation des tarifs hospitaliers ?

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21.05.2024

Les hausses de tarifs dans les hôpitaux publics et privés non lucratifs, dont se plaignent les cliniques privées, n’ont rien d’un traitement de faveur pour les établissements publics.

Les tarifs des hôpitaux publics et privés non lucratifs vont augmenter en 2024 de 4,3 %, a annoncé fin mars le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux. Ceux des cliniques privées croîtront de 0,3 %, autant dire, pas grand-chose. On parle là non pas du prix payé par les usagers, mais des tarifs de remboursement de la Sécurité sociale à ces établissements, par exemple lors d’une opération de la cataracte, d’une chirurgie réparatrice d’une fracture du tibia ou d’un accouchement.

Depuis lors, on assiste à une levée de boucliers de l’hospitalisation privée,...

Les tarifs des hôpitaux publics et privés non lucratifs vont augmenter en 2024 de 4,3 %, a annoncé fin mars le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux. Ceux des cliniques privées croîtront de 0,3 %, autant dire, pas grand-chose. On parle là non pas du prix payé par les usagers, mais des tarifs de remboursement de la Sécurité sociale à ces établissements, par exemple lors d’une opération de la cataracte, d’une chirurgie........

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