Saisi par Reporters sans frontières, le Conseil d’Etat a demandé au gendarme de l’audiovisuel de veiller à ce que CNews diffuse une information plus pluraliste et indépendante. Une décision salutaire.

En matière de pluralisme des médias, voilà « une décision extrêmement importante du Conseil d’Etat, qui devrait faire date », a salué sur X (ex-Twitter) l’économiste Julia Cagé, présidente de l’association Un bout des Médias. Le 13 février, la plus haute juridiction administrative a recadré l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) par rapport à sa politique vis-à-vis de CNews.

La juridiction administrative avait été saisie en avril 2022 par l’association Reporters sans frontières (RSF) qui pointait l’inaction du gendarme de l’audiovisuel face aux manquements de la chaîne du groupe Canal+, détenu par Vivendi, propriété du...

En matière de pluralisme des médias, voilà « une décision extrêmement importante du Conseil d’Etat, qui devrait faire date », a salué sur X (ex-Twitter) l’économiste Julia Cagé, présidente de l’association Un bout des Médias. Le 13 février, la plus haute juridiction administrative a recadré l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) par rapport à sa politique vis-à-vis de CNews.

La juridiction administrative avait été saisie en avril 2022 par l’association Reporters sans frontières (RSF) qui pointait l’inaction du gendarme de l’audiovisuel face aux manquements de la chaîne du groupe Canal+, détenu par Vivendi, propriété du milliardaire Vincent Bolloré.

Le Conseil d’Etat a en grande partie donné raison à RSF, en renouvelant l’interprétation de la loi de 1986 qui régit le paysage audiovisuel français. Pour apprécier le respect par une chaîne de télévision du pluralisme de l’information, l’Arcom doit prendre en compte « la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités ».

Le pluralisme concernait en effet jusque-là uniquement le temps de parole des hommes et femmes politiques, dans un sens étroitement défini. Jusqu’en 2021, le temps de parole d’Eric Zemmour n’était donc pas comptabilisé, rappelle Julia Cagé. Ce n’est plus le cas. Concrètement, sur CNews, les temps de parole de personnalités réactionnaires comme Charlotte d’Ornellas, Gilles-William Goldnadel, Elisabeth Lévy ou Joseph Macé-Scaron devront être pris en compte.

La décision a donné lieu à une contre-attaque virulente de la part des médias et responsables politiques réactionnaires et d’extrême droite, qui tentent désormais de faire accroire que le problème du pluralisme se pose avant tout dans l’audiovisuel public.

Protection contre les ingérences

Deuxième apport de la décision : l’indépendance de l’information au sein d’une chaîne – par exemple la protection contre une ingérence de l’actionnaire pour influencer les contenus – ne peut s’apprécier uniquement au regard d’extraits de programmes, comme l’avait argué l’Arcom en réponse à RSF, mais au regard de l’ensemble des conditions de fonctionnement d’une chaîne et des caractéristiques de sa programmation.

Les capacités de contrôle de l’Arcom sont fortement renforcées

La plus haute juridiction n’a toutefois pas considéré que la place considérable des émissions de plateau sur CNews remettait en cause son statut de chaîne d’information. Quant à l’examen des séquences pointées par RSF comme manquant à l’honnêteté de l’information, le Conseil d’Etat a jugé que l’Arcom avait déjà rempli ses missions ou que les éléments apportés par l’association étaient insuffisants.

Avec cette décision, le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur le respect par CNews du pluralisme et de l’indépendance de l’information, mais sur les missions du gendarme de l’audiovisuel qui concernent potentiellement toutes les chaînes de télévision françaises. Les capacités de contrôle de l’autorité administrative indépendante sont fortement renforcées. Le manque de pluralisme et d’indépendance de CNews est toutefois mis en lumière.

Fin février, l’Arcom a de nouveau été saisie après que la chaîne du groupe Bolloré a présenté l’avortement comme « première cause de mortalité » dans le monde devant le cancer et le tabac (des excuses ont depuis été présentées devant le tollé suscité).

Aux termes de la décision du Conseil d’Etat, le gendarme de l’audiovisuel a six mois pour réexaminer le respect par CNews de ses obligations en la matière. A charge pour elle d’élaborer une méthodologie qui lui permette d’y répondre. Cela, alors que se profilent les élections européennes en juin prochain.

Par ailleurs, cette année aura lieu l’examen des demandes de renouvellements de fréquence de 15 chaînes de la TNT. L’autorisation de plusieurs chaînes arrive à échéance en 2025, dont celle de CNews.

QOSHE - L’Arcom sommée de mieux contrôler CNews - Céline Mouzon
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L’Arcom sommée de mieux contrôler CNews

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01.03.2024

Saisi par Reporters sans frontières, le Conseil d’Etat a demandé au gendarme de l’audiovisuel de veiller à ce que CNews diffuse une information plus pluraliste et indépendante. Une décision salutaire.

En matière de pluralisme des médias, voilà « une décision extrêmement importante du Conseil d’Etat, qui devrait faire date », a salué sur X (ex-Twitter) l’économiste Julia Cagé, présidente de l’association Un bout des Médias. Le 13 février, la plus haute juridiction administrative a recadré l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) par rapport à sa politique vis-à-vis de CNews.

La juridiction administrative avait été saisie en avril 2022 par l’association Reporters sans frontières (RSF) qui pointait l’inaction du gendarme de l’audiovisuel face aux manquements de la chaîne du groupe Canal , détenu par Vivendi, propriété du...

En matière de pluralisme des médias, voilà « une décision extrêmement importante du Conseil d’Etat, qui devrait faire date », a salué sur X (ex-Twitter) l’économiste Julia Cagé, présidente de l’association Un bout des Médias. Le 13 février, la plus haute juridiction administrative a recadré l’Autorité de régulation de la........

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