Le 25 septembre dernier, le président de la République a annoncé sa volonté de voir la France produire 1 million de pompes à chaleur sur notre territoire à l’horizon 2027. Cette remarquable ambition permettrait de répondre aux enjeux de réduction des consommations d’énergie, de décarbonation de nos bâtiments et de réindustrialisation. La production actuelle de pompes à chaleur en France est estimée à environ 100 000 unités par an. L’objectif est donc bien de la multiplier par 10 d’ici 2027. Un véritable défi pour tous les acteurs de la filière.

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Dans le même temps, cette ambition se heurte à la réalité du marché qui traverse une période de tensions multifactorielles et notamment avec une baisse de 14% de l’activité des pompes à chaleur en 2023. Cette importante période de régression s’explique par différents facteurs : les difficultés du secteur du bâtiment (construction neuve, transactions, rénovations), la complexité des règles d’attribution de MaPrimeRénov', aide indispensable au financement de ces nouveaux équipements pour les ménages, et le soutien réservé du gouvernement à l’égard de l’industrie française des énergies renouvelables.

Face à cette injonction contradictoire, augmenter en France la capacité de production de pompes à chaleur dans un contexte de régression du marché, apparaît comme un élément supplémentaire qui pénalise les industriels français. Les aides à la rénovation qui concernent les pompes à chaleur sont attribuées sans aucune distinction aux fabricants étrangers comme aux industriels français. Les 350 000 pompes à chaleur air/eau installées actuellement par an dans notre pays sont très majoritairement issues d’industries asiatiques et /ou d’Europe de l’Est.

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La conséquence directe de cette indifférenciation d’attribution des aides d’État revient à favoriser très directement les industriels qui fabriquent en Asie et dont on connaît l’actuel état manufacturier surcapacitaire qui les conduit à inonder le marché français de pompes à chaleur à des prix extrêmement bas et ce, sans que soient pris en considération ni la provenance de ces équipements, ni leurs critères environnementaux. Sans aucune volonté de protectionnisme, l’État français et les contribuables en viennent donc à financer le made in Ailleurs.

Nous sommes confrontés à une situation paradoxale qui va non seulement à l’encontre d’une volonté de renaissance industrielle de la France et conduit, par l’intermédiaire des recettes fiscales françaises, à financer des équipements qui ne sont pas issues de notre volonté nationale de souveraineté industrielle et de décarbonation. Voici le véritable nœud gordien dans lequel se trouve notre filière. Comment le résoudre ? Voici deux pistes que nous avançons.

Il faudrait d'abord être plus sélectif dans l’attribution des aides MaPrimeRénov’ en s’inspirant de ce qui a été mis en place pour les aides à l’achat de véhicules électriques, avec le score environnemental et un fléchage des aides vers les PAC fabriquées en France.

Si ce type de dispositif apparaît possible pour les véhicules électriques, pourquoi ne pas envisager de l’adapter aux PAC, avec l’introduction de montants différenciés en fonction de l’empreinte environnementale des appareils, de la nature des fluides frigorigènes utilisés et de leur provenance. Ce dernier point permettrait de favoriser la commercialisation de produits issus de fabrications françaises tout en respectant les règles d’un commerce loyal et équitable prôné par la Commission européenne. Cette mesure aurait un triple impact vertueux :

Écologique, en contribuant à atteindre nos objectifs de décarbonation des logements ;

économique, en réduisant notre dépendance vis-à-vis de la production étrangère ;

industriel, en soutenant la filière française de fabrication des pompes à chaleur.

Il faudrait ensuite élargir la focale du parc de logements et prendre en considération les appareils de chauffage électriques. En France, les logements ainsi équipés représentent plus d’un tiers du parc des résidences principales, soit près de 11 millions de foyers, plus de 70 millions d’appareils dont près de 60% sont à remplacer par les dernières technologies disponibles.

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Les propriétaires de ces logements ne bénéficient d’aucune proposition d’amélioration énergétique, d’aucune communication, d’aucun soutien et semblent passer sous les radars des pouvoirs publics et plus largement de l’administration en charge des programmes de sobriété énergétique et de décarbonation.

L’absence de prise en considération de ce parc revient à se priver d’une part significative de réduction des consommations d’énergie et des émissions de carbone qu’apporterait l’installation de produits de dernière génération, capables de réduire de près de 30% les consommations de chauffage. Comme pour les pompes à chaleur, il existe une filière industrielle française innovante, qui produit et commercialise chaque année plus de 4 millions d’appareils intelligents et connectés en capacité de soutenir les ambitions de rénovation des logements.

QOSHE - Energie : "Donnons-nous les moyens de nos ambitions !" - Philippe Dénécé
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Energie : "Donnons-nous les moyens de nos ambitions !"

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08.04.2024

Le 25 septembre dernier, le président de la République a annoncé sa volonté de voir la France produire 1 million de pompes à chaleur sur notre territoire à l’horizon 2027. Cette remarquable ambition permettrait de répondre aux enjeux de réduction des consommations d’énergie, de décarbonation de nos bâtiments et de réindustrialisation. La production actuelle de pompes à chaleur en France est estimée à environ 100 000 unités par an. L’objectif est donc bien de la multiplier par 10 d’ici 2027. Un véritable défi pour tous les acteurs de la filière.

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Dans le même temps, cette ambition se heurte à la réalité du marché qui traverse une période de tensions multifactorielles et notamment avec une baisse de 14% de l’activité des pompes à chaleur en 2023. Cette importante période de régression s’explique par différents facteurs : les difficultés du secteur du bâtiment (construction neuve, transactions, rénovations), la complexité des règles d’attribution de MaPrimeRénov', aide indispensable au financement de ces nouveaux équipements pour les ménages, et le soutien réservé du gouvernement à l’égard de l’industrie française des énergies renouvelables.

Face à cette injonction contradictoire, augmenter en France la capacité de production de pompes à chaleur dans un contexte de........

© Marianne


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