menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Marie-Françoise Bechtel : "Sciences Po : qu’attendent les pouvoirs publics pour réagir ?"

16 0
15.04.2024

Deux choses auront cassé l’outil de sélection et de formation des élites qu’était Sciences Po : la panne de l’ascenseur social qui à partir du milieu des années quatre-vingt a frappé toutes les filières sélectives et la décision historique prise en 2000 par ses instances dirigeantes, de transformer l’établissement en une école d’accompagnement de la mondialisation. Troisième facteur plus récent, l’invasion au grand galop de la culture sur-individualiste et différentialiste importée d’outre-atlantique, traduction idéologique du modèle néolibéral dans sa dernière phase – dont elle achève peut-être la décomposition. Que faudrait-il faire pour en sortir ?

Voici donc maintenant quelques années que la réputée école de la rue Saint-Guillaume, si recherchée par les parents en quête d’un avenir brillant pour leurs enfants, défraie la chronique pour les plus mauvaises raisons qui soient : après la démission du président de la Fondation, à raison de faits incontestables et sordides, pas moins de trois mises à l’écart forcées ont suivi dans un climat délétère dont la dernière en date, celle du directeur nommé il y a moins de trois ans.

A LIRE AUSSI : Sciences Po saisit la justice, Horizons s'associe au RN, Kim Jong-un teste de nouveaux chars : les 3 infos de la nuit

De bonnes raisons existeraient pourtant pour un débat public sur l’avenir de Sciences-Po. École du pouvoir naguère, « école du marché » aujourd’hui selon les propres termes de son directeur des années 2000 : ce raccourci illustre bien les raisons pour laquelle ce n’est pas le comportement personnel des dirigeants qui est la question pertinente, c’est bel et bien le système mis en place depuis une vingtaine d’années. Voici à mes yeux pourquoi.

L’école libre des sciences politiques, créée après la défaite de 1870, avait pour but explicite de former les élites françaises dans un esprit de redressement national qui fut rapidement irrigué par les valeurs républicaines. On peut dire qu’elle n’a jamais cessé d’être ainsi le pourvoyeur principal si ce n’est de la pensée du moins du guide d’action de ces mêmes élites. La création de l’ENA en 1945 n’a rien changé à cette domination ou du moins pas longtemps : au fur et à mesure que l’ascenseur social tombait en panne et que le système éducatif français se dégradait c’est-à-dire depuis le milieu des années quatre-vingt, l’Ena perdait toute chance d’être autre chose que la caisse de résonance du système Sciences-Po.

On ne compte plus les membres du jury de cette école qui se plaignaient depuis la fin des années quatre-vingt-dix, de l’alignement des candidats sur une pensée formatée rue st Guillaume. Restait du moins, au-delà de la rhétorique, le contenu de la pensée : de vrais débats existaient à Sciences Po entre positions politiques et idéologiques variées, souvent adverses mais qui avaient en commun le sens et le goût du collectif, comme l’a montré dans une talentueuse tribune le député Julien Aubert, ancien élève de Sciences Po et de l’ENA. On pouvait s’appuyer sur ce socle pour revoir et organiser une vision de l’État ouverte au débat mais solide dans ses fondements, accompagnant le mouvement de la société dans son ensemble.

Or tout au contraire, c’est ici qu’intervient au tournant des années 2000 la grande réforme entreprise et........

© Marianne


Get it on Google Play