Il y a cinq ans, Notre-Dame de Paris, monument emblématique de la capitale, s'embrasait. Cet évènement infernal a marqué les esprits, tant en France qu'à l'étranger. Nathalie Heinich publie Notre-Dame des valeurs (PUF) dans lequel elle revient sur cette catastrophe mondiale, à partir des effets émotionnels qu'elle a suscités. Elle reprend la terminologie de l'historien Pierre Nora, faisant de cet incident un « évènement monstre ». Elle y analyse les causes de l'émotion fédératrice provoquée par le drame, en montrant la charge patrimoniale de la cathédrale, sans éluder les controverses liées à la reconstruction du bâtiment.

Marianne : Qu’est-ce qu’un « évènement monstre » et en quoi cet incendie en était-il un ?

Nathalie Heinich: C’est Pierre Nora qui a inventé ce terme à propos de ces événements si exceptionnels qu’ils en deviennent des événements parmi les événements, faisant date pour des millions de personnes qui se souviendront de ce qu’elles faisaient, ce 15 avril 2019 en fin de journée, au moment où elles ont appris que Notre-Dame de Paris était en feu. Un accident aussi invraisemblable, sur un monument aussi universellement admiré, emblème d’une des villes les plus attractives au monde et symbole de la munificence du catholicisme – cela ne pouvait que susciter une intense émotion collective, qui n’a pas touché que les croyants, mais aussi tous ceux qui sont sensibles au patrimoine.

A LIRE AUSSI : Notre-Dame de Paris : derrière la restauration de la cathédrale, l'art du vitrail en danger de mort

Mais l’évidence de ce déferlement émotionnel ne doit pas empêcher de tâcher d’en comprendre les causes, et c’est ce que nous avons cherché à faire dans cet ouvrage collectif, issu d’un atelier pluridisciplinaire dédié à la mise en pratique du modèle d’analyse des jugements de valeur que j’avais proposé dans Des valeurs. Une approche sociologique, paru chez Gallimard, en 2017, et dans La Valeur des personnes. Preuves et épreuves de la grandeur, paru en 2022 chez le même éditeur.