Au Québec, les femmes ont les mêmes droits que les hommes et ont en théorie acquis l’autonomie financière grâce à l’adoption, en 1964, de la Loi sur la capacité juridique de la femme mariée, projet défendu par Marie-Claire Kirkland-Casgrain. En pratique cependant, elles tardent toujours à prendre leur place dans l’univers financier. Elles ne sont environ que 20 % à gagner le même salaire ou plus que leur conjoint. Ceci découlant de cela, on peut se désoler que même plus de 45 ans après l’entrée en vigueur de la Journée internationale des droits des femmes, les femmes manquent de confiance pour devenir investisseuses.

Dans le cadre de ma pratique, j’ai pu observer un phénomène assez particulier au sein de la dynamique des couples. Les femmes sont souvent à la tête des finances personnelles, et font la gestion des liquidités, coordonnent les dépenses familiales et entreprennent les démarches de planification financière. Peut-être est-ce là l’héritage d’une époque peu lointaine où les femmes n’avaient pas le droit d’avoir un compte de banque à leur nom mais devaient gérer les dépenses de la famille à partir d’un montant octroyé par le mari ?

Mais j’observe que même si les femmes gèrent le portefeuille domestique, c’est généralement à Monsieur qu’incombe le portefeuille de placements. Évidemment, il ne s’agit que d’observations personnelles, pas de données scientifiques. Une étude américaine (Wells Fargo et The Female Quotient, 2023) démontrait quant à elle que c’est autour de 40 % des femmes qui affirment participer aux décisions financières du couple et partager équitablement cette tâche avec leur conjoint. Nous pouvons toutefois émettre l’hypothèse que l’inégalité salariale fait en sorte qu’historiquement, les femmes avaient à la base moins d’argent à investir, et qu’il est donc plausible qu’elles aient été moins nombreuses à investir en Bourse.

Ce qui me brise le coeur en tant que femme, c’est un sondage réalisé par une firme d’investissement en 2017 qui fait ressortir que 91 % des femmes pensent que leurs homologues masculins sont de meilleurs investisseurs qu’elles. Il s’en dégage un manque de confiance flagrant, et cet état de fait doit changer. En effet, les femmes ont des qualités d’investisseuse non négligeables. D’abord, selon différentes sources, elles seraient moins impulsives que les hommes, et auraient donc moins tendance à changer leur répartition d’actifs, pour maintenir le cap peu importe les imprévus des marchés. En fait, les femmes ont obtenu des rendements supérieurs de 0,4 % sur une période de 10 ans, même si elles ne prennent que 82 % du risque pris par les hommes. Enfin, les investisseuses se démarquent aussi par leur discipline.

Les données démontrent aussi que la confiance en matière d’investissement augmente légèrement avec l’âge, ce qui est dommage puisque l’enrichissement passe par des investissements boursiers commencés le plus tôt dans la vie. En 2023, un rapport publié par une banque canadienne a révélé que les femmes sont beaucoup moins nombreuses (52 %) que les hommes (68 %) à se sentir financièrement à l’aise de prendre leur retraite à l’âge prévu. La majorité des femmes sondées affirmaient à plus de 60 % ne pas avoir reçu de conseils et d’éducation financière dans leur famille. Retenons ici que même à droits égaux, nous avons toujours du chemin à faire au niveau de la littératie financière.

Lors de mon premier congrès dans l’industrie du placement, je me rappelle avoir cru m’être trompée de salle puisque l’assistance était presque complètement composée d’hommes. Pendant cette journée, je me fis même demander de « quel conseiller j’étais la femme ou l’adjointe », et ce, à plusieurs reprises. Ayant grandi avec une promesse d’égalité des chances pour tous les sexes, quel choc pour la jeune femme ambitieuse que j’étais ! Je constatai alors que les femmes ont encore une place à prendre dans le monde financier. Les choses semblent heureusement s’améliorer mais les changements se font lentement.

Je veux insister sur le fait qu’il s’agit d’un domaine professionnel au sein duquel les femmes peuvent et doivent prendre leur place. Même si le secteur financier regorge de professions qu’on associe spontanément à un fardeau de contraintes familiales, il faut noter que le marché du travail est en transformation dans tous les secteurs, incluant les finances. Les femmes souffrent davantage que les hommes du tabou de l’argent. Elles ont plus de difficultés à parler d’argent, alors que c’est la base pour y développer des compétences. Mais si vous surmontez ce tabou, un monde de possibilités professionnelles s’ouvrira.

L’étude de Wells Fargo et The Female Quotient fait ressortir que le tabou entourant le fait de parler d’argent change non seulement en fonction du sexe mais aussi de l’âge. Les gens de la génération Z sont plus nombreux à penser que les hommes ont plus de chances de réussir financièrement (53 % contre 42 à 45 % pour les autres générations). Ce constat est la fois étonnant et décevant, puisque les nouvelles générations se disent plus ouvertes à parler d’argent.

Dans un couple, il est tout à fait normal qu’un des conjoints puisse démontrer un intérêt plus marqué envers les finances. Avec une communication transparente et des valeurs similaires, il est possible que ce mode de gestion soit le plus optimal. Par contre, se mettre à l’écart des décisions ou des conversations stratégiques portant sur les décisions financières par manque de confiance ou en raison d’un sentiment d’impostrice n’est pas souhaitable. Peu importe votre âge, Mesdames, faites-vous confiance, formez-vous et investissez. Je suis convaincue que vous réussirez.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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Mesdames, vous êtes meilleures investisseuses que vous ne le croyez!

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08.03.2024

Au Québec, les femmes ont les mêmes droits que les hommes et ont en théorie acquis l’autonomie financière grâce à l’adoption, en 1964, de la Loi sur la capacité juridique de la femme mariée, projet défendu par Marie-Claire Kirkland-Casgrain. En pratique cependant, elles tardent toujours à prendre leur place dans l’univers financier. Elles ne sont environ que 20 % à gagner le même salaire ou plus que leur conjoint. Ceci découlant de cela, on peut se désoler que même plus de 45 ans après l’entrée en vigueur de la Journée internationale des droits des femmes, les femmes manquent de confiance pour devenir investisseuses.

Dans le cadre de ma pratique, j’ai pu observer un phénomène assez particulier au sein de la dynamique des couples. Les femmes sont souvent à la tête des finances personnelles, et font la gestion des liquidités, coordonnent les dépenses familiales et entreprennent les démarches de planification financière. Peut-être est-ce là l’héritage d’une époque peu lointaine où les femmes n’avaient pas le droit d’avoir un compte de banque à leur nom mais devaient gérer les dépenses de la famille à partir d’un montant octroyé par le mari ?

Mais j’observe que même si les femmes gèrent le portefeuille domestique, c’est généralement à Monsieur qu’incombe le portefeuille de placements. Évidemment, il ne s’agit que d’observations personnelles, pas de données scientifiques. Une étude américaine (Wells Fargo et The Female Quotient, 2023)........

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