Sous aucun prétexte
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. En ce temps-là, Aznavour était déjà un vieux, mais nous étions encore loin de célébrer son centième anniversaire de naissance. Françoise Hardy était bel et bien vivante. Elle arborait une magnifique coupe garçonne et chantait Partir quand même, dans laquelle les synthétiseurs caractéristiques de cette époque couvraient un peu trop le doux timbre de sa voix.
Cette époque, c’est la fin des années 1980, en France. Mes amis et moi, alors petits adolescents parisiens, portons fièrement un badge jaune — au Québec, on aurait appelé ça un macaron — en forme de main sur lequel est inscrit : « Touche pas à mon pote ». Le mot pote est utilisé ici comme un synonyme familier d’ami ou copain. Cette épinglette et surtout ce slogan deviennent vite l’emblème de notre lutte contre le racisme. C’est à l’association SOS Racisme que l’on doit cette idée de génie qui fédère toute une jeunesse. Le président de SOS Racisme, Harlem Désir, est charismatique et il organise des concerts auxquels nous assistons en liesse, convaincus que notre génération gagnera la lutte contre la haine et la xénophobie.
Puis, en 1988, au premier tour des élections présidentielles, le Front national obtient un suffrage que nous jugeons alors grave et inquiétant. On redouble d’ardeur. On manifeste en scandant les chansons de notre groupe punk préféré, Bérurier noir. On hurle à pleins poumons, Salut à toi ou mieux encore le refrain........
© Le Devoir
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