Un vendredi bleu
À la douce mémoire de Bernard Descôteaux, un homme de peu de mots qui savait lire entre les lignes.
J’ai attendu que se pose le tapis de neige pour oser le silence, le briser aussi pour vous en parler. On dit du silence qu’il est une chape, qu’il est vaste ; il n’est jamais riquiqui ou ridicule.
Si ce lundi était désigné comme le « blue Monday », le jour le plus déprimant de l’année, pourquoi pas un vendredi de janvier consacré au silence. Les réponses se trouvent rarement dans le bruit si vous en cherchiez une seule. Et parler du silence, c’est comme vouloir expliquer l’amour : le mystère nous échappe. Expliquer revient à trahir. Plusieurs se sont tout de même lancés, dont le regretté moine Thich Nhat Hanh dans Les bienfaits du silence : « Une fois que vous aurez pu revenir au calme, que vous aurez pu établir en vous le silence, un silence foudroyant, vous commencerez à entendre l’appel qui vient du plus profond de vous-même. »
Pour pouvoir entendre l’appel de la beauté et y répondre, une condition sine qua non: le silence
Pour avoir écouté et chéri le silence toute ma vie, surtout en écrivant, laissant monter la source, je sais que je ne peux vivre sans. Je plains les agités du bocal qui changent de bande sonore toutes les heures. Je me suis même procuré un casque d’écoute pour ne rien entendre, même pas du bruit blanc. Mutisme, du latin mutus, muet. Mute, en anglais.
Dans Abécédaire de la sagesse, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, depuis son ermitage himalayen, note : « Le silence extérieur ouvre les portes du silence intérieur. » Sa mère, la nonne bouddhiste et peintre Yahne Le Toumelin, morte à 99 ans l’année dernière, disait : « Le silence est la langue de l’avenir. » Et l’avenir nous veut silencieux pour l’éternité.
Que voilà un rendez-vous qu’on ne pourra pas remettre.
En attendant, l’hiver nous déroule son tapis : « La neige, c’est du silence blanc », écrit Marc de Smedt dans Éloge du silence. « Elle étouffe les sons. Elle se pose sur l’espace, l’envahit, le métamorphose. Elle est poésie pure, dans sa blancheur. Elle irradie le calme. Neige. »
L’essai « de voyage dans le non-dit », cet éloge du silence de Marc de Smedt, n’est pas récent, tant s’en faut ; c’est un livre réédité récemment, revu et augmenté plusieurs fois, publié il y........
© Le Devoir
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