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On ne naît pas en colère, on le devient

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13.09.2024

Sur la table du café, il y a toutes nos histoires de vie réunies. Et leurs livres, comme des drapeaux hissés, leurs précieux alliés. Celui de Léa Clermont-Dion, 33 ans, Salut, ça va ?, celui d’Elizabeth Lemay, 34 ans, L’été de la colère, où sont relatées leurs expériences personnelles, à cheval entre le récit, le témoignage et l’éducation au consentement, un coup de gueule courageux pour Elizabeth, une tentative de tendre la main aux jeunes hommes pour Léa. J’ai apporté ma pierre à l’édifice en leur offrant mon prochain récit, Presque vierge. Le titre parle de lui-même.

Sur la table, il y a aussi l’affaire Mazan, cette grand-mère au bois dormant violée par plus de 80 hommes en France et dont un seul s’est excusé auprès de sa victime depuis le début du procès qui se déroule en ce moment. Léa vient justement de gagner le sien contre son agresseur, l’ex-journaliste Michel Venne du Devoir, son ancien patron à l’Institut du Nouveau Monde, alors qu’elle avait 17 ans.

L’autrice, réalisatrice et chercheuse à l’Université Concordia connaît un parcours hors norme depuis ses dénonciations qui ont mené Venne en prison la semaine dernière après sept ans de tataouinage judiciaire. « Je me serais contentée d’excuses et de travaux communautaires… » laisse tomber cette jeune femme lumineuse et posée. Ça n’a pas toujours été le cas. L’agression de Venne l’a jetée à terre à un âge où tout s’imprime peut-être plus profondément dans la chair et l’esprit. Elle ne fonctionnait plus.

En sept ans, Léa est devenue une spécialiste du jargon juridique tout en traversant trois grossesses (dont une fausse couche au moment de la dénonciation), en remettant sa thèse de doctorat en philosophie politique, en coréalisant un film qui a pris l’affiche dans une quinzaine de pays (Je vous salue salope), en écrivant Porter plainte, un récit de ses déboires judiciaires, et en conservant sa santé mentale intacte. « Aujourd’hui, en 2024, avec deux enfants, je ne le referais pas. »

On comprend pourquoi moins de 5 % des femmes agressées portent plainte.

Je dénonce tout ce qui consiste à jeter le tort sur les victimes. […] N’importe qui dans notre entourage peut agir ainsi : institutions, tribunaux, médias sociaux, mais aussi une mère, un ami, un chum, un collègue, une blonde, et même une ancienne ministre de la Condition féminine.

Héritières de #MeToo

Encore faudrait-il être des « victimes parfaites »… Par protection, elles se sont dissociées de leurs histoires. « C’est terminé. J’ai besoin de lumière,........

© Le Devoir


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