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Mourir, une minute trente

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12.04.2024

Au loin, Diane Dufresne chantait « Ne tuez pas la beauté du monde ». En tout cas, les tam-tams de l’île Sainte-Hélène sont venus jusqu’à moi. J’étais aux premières loges sur mon balcon orienté sud-ouest ce lundi (jour de la Lune ; vendredi est le jour de Vénus).

J’ai songé à mettre Pink Floyd, The Dark Side of the Moon, puis non. Je voulais entendre, sentir, voir… seule. Des moments sacrés de cette envergure, la vie ne nous en fournit pas tant ; cela mérite une minute ou deux de recueillement.

Sur le site Web du mont Mégantic, Boucar a dit que c’était la mort et la renaissance du soleil et qu’on bouffait du soleil par photosynthèse. Puis, la lumière s’est éteinte progressivement. Je pleurais malgré moi, émue de n’être pas grand-chose. Quel soulagement finalement !

« Humbled by the moon », ai-je songé, un verbe qui n’existe pas en français. Rendus humbles grâce à la lune, par un tango inusité entre deux astres. Et de ne pas nous prendre pour le nombril de l’univers a fait un bien fou à notre fin de race. Le show ne nous appartient pas. Il y a peut-être une leçon à tirer de cette ambiance de générique. Nous avons perdu notre omnipotence durant quelques minutes lundi, tous devenus philosophes dans la foulée.

Comme dans naître et mourir, nous ne sommes disparus qu’une minute trente à Montréal et trois minutes trente à Mégantic. Les seules choses qui peuvent encore nous soumettre, ce sont une éclipse et la mort, parfois la maladie. Dans le premier cas, on reste ébaubis, dans le second, on n’en revient pas, encore que ça dépend des religions.

Je ne sais plus à quelle religion j’appartenais lundi, animiste ascendant inca, peut-être ; une créature émerveillée soumise aux lois de la nature et de l’univers, le dharma. « Dharma works », disent les bouddhistes. Voilà pourquoi nous pleurons devant une éclipse. Nous faisons partie du mystère du dharma.

Personne ne veut entendre parler de la mort autour de moi, comme si le dharma était un programme optionnel. Je viens de terminer le dernier roman de David Foenkinos, La vie heureuse, et l’écrivain s’est intéressé à cette cérémonie thérapeutique coréenne (Happy Dying) où l’on vous enferme dans un cercueil, de 15 minutes à une heure, après vous avoir demandé de rédiger votre épitaphe et un testament succinct. Vous préparez votre propre sortie avec une photo encadrée sur le cercueil. Mais vous........

© Le Devoir


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