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Les vieilles peaux tannées

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08.03.2024

J’aime les roses fanées, une métaphore de la beauté sur son déclin, la tête penchée, le pétale d’une fragilité émouvante. Je les préfère aux roses neuves, aux tiges trop orgueilleuses.

Les Japonais, qui ont compris les cycles de la vie et de la mort, ajoutent parfois une tige croche ou une fleur fanée à leurs arrangements floraux. Un art, l’ikebana. J’ai dû être une vieille Japonaise dans une autre vie. J’ai toujours été attirée par les mains parcheminées, la soie translucide de l’épiderme d’où les veines saillent, les roses fanées.

En Occident, une des batailles que les féministes n’ont pas réussi à porter très loin concerne les vieilles peaux, ces femmes perçues comme hors d’usage. Peut-être par sagesse ou par fatigue, elles se lassent de combattre leur invisibilité croissante sur tous les fronts. Elles sont dans les limbes de leur existence, pas encore des vieillardes mûres pour l’oubli, mais plus « au goût du jour » dans une logique consumériste.

Je ne compte plus la quantité d’ouvrages reçus et lus sur le sujet ; j’en ai un plein rayon de bibliothèque, de Jocelyne Robert (Les femmes vintage) à Erica Jong (Le complexe d’Éos [Fear of Dying, 2015] et La peur de l’âge [Fear of fifty, 1994]) en passant par les titres Vieille fille, Un âge nommé désir, Les flamboyantes, Il n’y a pas d’âge pour jouir ou encore Admirable, de la journaliste Sophie Fontanel, récent conte sur la dernière femme ridée sur Terre.

La cinquantaine nous terrifie parce que nous ne savons plus quoi faire de nous une fois privées de notre jeunesse et de nos attraits.

Elles ont pourtant joué les règles du jeu, ces femmes. Et se sont fait jeter malgré tout, liftées ou non, belles ou pas, fanées ou merde. Les Roses de Picardie ont tout faux : « Et puis surtout, c’était toi et moi, ces deux mots ne vieillissent pas. » Une des deux prend de l’âge, l’autre non.

« Aujourd’hui encore, ce sont des hommes, et pas précisément les plus progressistes d’entre eux, qui contrôlent la définition de ce qu’est une femme séduisante », écrivait la sociologue de renommée internationale Eva Illouz à qui j’ai déjà raconté une partie de mes déboires sentimentaux de préménopausée lors d’une conversation amicale. « Mais on ne laisse pas une femme comme vous ! »........

© Le Devoir


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