Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer
J’ai navigué dans ce grand déploiement d’optimisme du ciel bleu de Bluesky. Comme un horizon prometteur pour un papillon en voie d’extinction. C’est beau à voir, tous ces nouveaux adeptes (nous étions plus de 20 millions en date du 19 novembre) sur une plateforme de réseaux sociaux qui prend son envol auprès des écorchés, des cyniques et des idéalistes déçus, des chevaliers meurtris de l’ApocalX, des journalistes en mal de partager leurs idées et leur travail. C’est comme retrouver une gang avec qui on en a fumé du bon au cégep. Tout le monde s’est mis sur son 31 et veut bien faire, comme dans un réveillon de Noël. D’ailleurs, on sait tous que ce ciel bleu peut s’effondrer à tout moment. Il faudra beaucoup d’amour au pays des licornes.
« Dans le ciel, plus de problèmes
Mon amour, crois-tu qu’on s’aime ?
Dieu réunit ceux qui s’aiment », chantait Piaf (ou Céline, prenez de la hauteur.
Ça fait un bien fou de les voir débarquer, ces éberlués, débarrassés de leurs armures et de leur fiel. Enfin, pour la plupart. Les autres, on bloque.
Chambre d’écho ? Bof. Qu’en disent les philosophes qui ont lu Schopenhauer (L’art d’avoir toujours raison) qui lui-même cite Aristote ? En gros, il disait que nous ne défendions pas la vérité, mais notre thèse. C’est à méditer, à l’heure où le mensonge fait loi. Et l’ego n’est jamais bien loin dans la rhétorique. Schopenhauer estime que l’art de la discussion est l’art de la guerre ; une guerre de mots, quoi !
Le professeur de philosophie Martin Desrosiers en traite dans son essai récent L’art de ne pas toujours avoir raison. Il explique que dans une étude (Université Duke, 2017), on a payé des démocrates et des républicains pour qu’ils s’exposent pendant un mois à des arguments politiques du camp adverse. Résultat : c’était pire ! « Le simple fait de changer d’écosystème numérique afin d’être exposé à de nouvelles informations tend plutôt à renforcer, chez la personne qui y adhère, sa position initiale. Les conspirationnistes seraient plus têtus encore que les faits qu’on leur oppose. »
C’est pour offrir ; je prendrai aussi l’emballage-cadeau !
Ainsi nous sommes quasi obligés d’être malhonnêtes lors de la controverse, ou tout du moins légèrement tentés de l’être. De toute façon, la faiblesse de notre intelligence et la perversité de notre volonté se soutiennent mutuellement.
On ne dira jamais assez tout le mal qu’a eu sur la démocratie et la possibilité d’échanger nos idées la décision de Meta........
© Le Devoir
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