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Je suis car tu es

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20.09.2024

L’autre jour, sur le boulevard Saint-Laurent, en compagnie d’une amie, un itinérant vietnamien nous a abordées, s’exprimant dans un français privé de verbes. Il était question de bonté, il me semble. Je lui ai demandé son nom, puis j’ai lancé le mot « ubuntu », « je suis parce que tu es ». Il a semblé apprécier le concept.

Quelques instants plus tard, il est venu me rejoindre à mon auto pour me donner un paquet de « Boisson instantané (sic) de gingembre avec miel ». Huu Duc Pham, 51 ans, n’a jamais voulu que je le paye : « Ami et argent, pas vrais ! »

J’ai toujours mon paquet jaune Foodjoy de boisson au gingembre devant moi sur mon bureau, comme un rappel qu’un homme de la rue est aussi un homme du monde. Il était important pour lui de me l’offrir. Ubuntu. Parce que j’ai reconnu l’humanité de Huu, il est allé vers la mienne. J’ai savouré cet instant fugace de connexion instantanée volé au temps. Ces moments me rassurent. Nous sommes liés.

La semaine dernière, toujours sur Saint-Laurent, dans le même secteur, je me dirigeais vers le théâtre avec ma mère ; un lecteur du Devoir m’a apostrophée pour m’exprimer sa joie de me croiser. Il ne savait plus quels mots employer pour me communiquer sa gratitude : « Vous êtes meilleure que toutes les expériences de mush ! »

Nous avons bien rigolé. Et je me suis dit que cette page, Zeitgeist, est légale alors que le mush, pas encore (sauf si vous êtes bien malade, ce qui serait inutilement compliqué).

Les gestes d’humanité spontanés entre étrangers m’émeuvent toujours parce qu’ils échappent à l’affairisme et à la productivité ; ils sont encore gratuits. Ils ont une parenté avec l’élégance.

Oui, c’est ubuntu par le respect qui s’en dégage, mais cette philosophie africaine ne se résume pas qu’à cela. L’ubuntu est bien plus large qu’un compliment ou un geste gratuit ; on pourrait même parler de chemin de vie et de croissance. Au-delà de la croissance personnelle, c’est un chemin qui va à la rencontre de l’autre. Encore faut-il que cet autre daigne lever les yeux. Les zombies ne sont pas toujours ceux qu’on croit. J’en ai croisé deux ce matin, dont un qui marchait mécaniquement derrière ses petites filles toutes enjouées, le regard rivé dans sa main. Un écran le menait par le........

© Le Devoir


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